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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Recherche héraldique

Poitiers, porte de la Tranchée

 

Protégée sur trois cotés par des éléments naturels – les rocades et les eaux du Clain et de la Boivre –, la ville de Poitiers n’était défendue du côté sud que par ses remparts. Cette partie de l’enceinte urbaine est documentée à partir de 1271, lorsqu’elle apparaît déjà dotée d’une porte et d’une barbacane (Baudry 2001, p. 234). La porte était flanquée de deux tours encadrant un long passage qui fut probablement construit en deux temps. En 1428, le portail fut intégralement reconstruit et remplacé par un châtelet, encadré par deux tours rondes. Le complexe fortifié apparaît encore dans les plans de la ville du XVIIIe siècle (ibid.).

À la suite des travaux de réédification, un marché est passé en mai 1428 avec l’imager Hanequin et le peintre Jean Maynart pour l’exécution d’un décor héraldique sur la porte dite de la Tranchée (Rédet 1839, p. 390). Des figurations héraldiques parsemaient d’ailleurs toute les remparts de la ville, sous des formes différentes : à la Porte Saint-Lazare les armoiries étaient peintes sur des banderoles en métal, sur les tours de la courtine méridionale (tour Barré, Ronde, de l’Oiseau) et septentrionale (Cordier et celle vers Rochereuil) les armes de Jean de Berry et des maires étaient sculptées sur des écusson en pierre. Cette dernière solution fut adoptée aussi pour la porte de la Tranchée. Trois écus sculptés en pierre et successivement peints y furent installés : « l’un aux armes du roy (armoirie 1), l’autre aux armes de la ville (armoirie 2) et l’autre aux armes de monsieur le maire » (Favreau 2014, p. 208 qui corrige Ledain 1897, p. 356), à savoir Jean Larcher (armoirie 3) (Ledain 1897, p. 350) qui, l’année suivante, ordonna également la réalisation d’une douve devant la muraille de la Tranchée (Ledain 1897, p. 355). L’opération coûta en total vingt livres : Hannequin l’Imagier, sculpteur, reçu douze livres, tandis que le peintre Jean Maynart en eut huit (ibid.).

Le document ne décrit pas la forme de ce décor, mais on peut supposer qu’il était ordonné selon le principe hiérarchique gouvernant habituellement les compositions de ce type, sur les portes des villes et ailleurs : les armes de l’autorité souveraine au centre et en plus grandes dimensions, celles du territoire administré et, éventuellement, du représentant de l’autorité centrale plus petites, sur les deux cotés (Ferrari 2015). La quittance du paiement des travaux datée du 21 juin 1428 (Favreau 2014, p. 208) semble toutefois révéler qu’un changement de programme était survenu, avec la suppression de l’armoirie du maire et le doublement de celle de la ville. Sauf erreur de la part du notaire, il faut donc imaginer une représentation basée sur un principe de symétrie, avec les armes de la ville au centre et celles du roi à ses cotés.

La présence d’une figuration héraldique monumentale sur la Porte de la Tranchée a une importance double. Tout d’abord, elle confirme la centralité de la porte méridionale comme un des axes d’accès privilégiés à la ville – un document de 1430 témoigne de la « multitude des charroiz qui y affluent de jour en jour de toutes pars » (Favreau 1978, p. 307 note 1103). Celle-ci joue donc un rôle stratégique dans la construction de l’image des institutions locales comme fidèles au pouvoir royal (il ne faut pas oublier que la municipalité délibère et paie pour les travaux), d’autant plus que, dans ces années, les séjours de Charles VII dans la ville sont fréquents et prolongés. D’autre part, face à la perte de la plupart des portes de ville et de leurs décors dans la région, le document pictave confirme le rôle, même dans le Poitou, des « seuils urbains » comme lieu de représentation du pouvoir par les images. Comme sur les autres portes urbaines, selon une pratique très répandue et bien documentée surtout dans les villes italiennes, la panoplie héraldique s’accompagnait de statues de la Vierge à l’Enfant côtoyée des figures des saints patrons de la ville, Hilaire et Radegonde (Rebuchon 1890, p. 133).

Auteur : Matteo Ferrari

Pour citer cet article

Matteo Ferrari, Poitiers, porte de la Tranchée, https://armma.saprat.fr/monument/porte-de-la-tranchee/, consulté le 19/03/2024.

 

Bibliographie études

L. Rédet, « Extraits des comptes de dépenses de la ville de Poitiers, aux XIVe et XVe siècles », dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 1, 7, 1839, p. 385-411.

J. Robuchon, Paysages et monuments du Poitou photographiés, I. Poitiers (Vienne), Paris 1890.

B. Ledain, « Les maires de Poitiers », dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 2, 20, 1897, p. 215-774.

R. Favreau, La ville de Poitiers à la fin du Moyen Age. Une capitale Régionale, Poitiers 1978 (Mémoires de la Société de Antiquaires de l’Ouest, 4ème série, t. XIV, 1977-1978).

M.-P. Baudry, Les Fortifications des Plantagenêts en Poitou 1154-1242, Paris 2001.

R. Favreau (éd.), Poitiers, de Jean de Berry à Charles VII. Registres de délibération du corps de ville nos 1, 2 et 3 (1412-1448), Poitiers 2014.

M. Ferrari, « Araldica pubblica e privata nei palazzi pubblici di Lombardia (XIII-XIV secolo) », dans L’arme segreta. Araldica e storia dell’arte nel Medioevo (secoli XIII-XV), actes des journées internationales d’études (Florence-Pise, 24-25 novembre 2011), sous la dir. de Id., Florence 2015, p. 91-108.

Armoiries répertoriées dans ce monument

Poitiers, Porte de la Tranchée. Jean Larcher (armoirie 3)

(D’azur à trois arcs d’or posés en pal).

  • Attribution : Larcher, Jean
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Inconnue
  • Emplacement précis : Inconnu
  • Support armorié : Pierre sculptée
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Relief en pierre peint
  • Période : 1426-1450
  • Dans le monument : Poitiers, porte de la Tranchée

Poitiers, porte de la Tranchée. Armoirie roi de France (armoirie 1)

(D’azur à trois fleurs de lys d’or).

  • Attribution : Roi de France
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Porte urbaine
  • Emplacement précis : Inconnu
  • Support armorié : Pierre sculptée
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Relief en pierre peint
  • Période : 1426-1450
  • Dans le monument : Poitiers, porte de la Tranchée

Poitiers, porte de la Tranchée. Armoirie ville de Poitiers (armoirie 2)

(D’argent au lion de gueules, à la bordure de sable besantée d’or, au chef d’azur chargé de trois fleurs de lys d’or).

  • Attribution : Ville de Poitiers
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Porte urbaine
  • Emplacement précis : Inconnu
  • Support armorié : Pierre sculptée
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Relief en pierre peint
  • Période : 1426-1450
  • Dans le monument : Poitiers, porte de la Tranchée

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