L’église de la Chartreuse de Vauvert, régulièrement orientée, était formée par une seule nef qui terminait dans une abside de sept pans. Dédiée à Notre-Dame et Saint-Jean-Baptiste, elle fut consacrée le 26 juin 1325 comme l’indiquait une inscription, tracée sur du marbre noir, posée « dans le mur du passage du chœur au petit cloître » (Millin 1798, p. 9-10). Sur le côté droit, sept chapelles avaient été ouvertes au cours du XIVe siècle. Communiquant avec l’église par des passages aménagés dans le mur de refend nord de l’église et ouvertes sur une étroite gallérie, elles étaient toutes dotées d’autels placés dans le sens du maître-autel (Raunié 1901, p. 15-16). Dépourvue à l’origine de toute forme d’ornementation, dans le respect de la règle, elle fut dans le temps ornée d’éléments iconographiques. Le sol de l’édifice était en particulier parsemé de tombeaux dont les couvercles étaient chargés des « portraits » des défunts souvent accompagnés par leurs armoiries (voir aussi Millin 1798, p. 13 et s.).
Dans le respect de ses volontés testamentaires, le tombeau de Jean de Dormans († 1373), cardinal des Quatre Saints couronnés à Rome (1368-1373) et chancelier et garde des sceaux sous Jean II et Charles V, était placé en position privilégié, au plus près de la partie la plus sacrée de l’édifice : au milieu du sanctuaire et devant le maître-autel (Raunié 1901, p. 24 et n. 1) : le soubassement du tombeau, où le gisant du cardinal, « en cuivre jaune », était allongé sur un dalle de marbre noir, était orné de six écussons à ses armes timbrés de chapeaux cardinalices (armoiries 1a-f) (Paris, BnF, Dép. est. photo, RESERVE PE-11A-PET-FOL, f. 224 : Collecta). Ce tombeau, qui avait été transféré en 1696 dans la chapelle Sainte-Anne parce qu’il gênait la célébration des offices, avait à sa droite celui de Guillaume de Dormans († 1373) (Raunié 1901, p. 26-27). Frère de Jean, il avait été conseiller de Philippe d’Orléans puis chancelier de France en 1372. Son monument funèbre était composé d’une dalle de marbre noir sur laquelle étaient appliqués des éléments en relief en marbre blanc offrant le portrait du défunt abrité sous un dais richement sculpté (Paris, BnF, Dép. est. et photo., RESERVE PE-11A-PET-FOL, fol. 8 : Collecta). Quatre écussons armoriés, réalisés en cuivre, accompagnaient le gisant : deux placés d’une part et d’autre du coussin sur lequel s’appuyait la tête du défunt (armoiries 2a-b), deux autres au milieu des côtés longs de la dalle insérés dans des encadrements polylobés qui interrompaient l’inscription (armoiries 2c-d). Le tombeau de Philippe de Marigny († 1316), archevêque de Sens, se trouvait en revanche à gauche de celui de Jean de Dormans (Raunié 1901, p. 28 : le prélat avait été initialement enterré dans l’ancienne chapelle, puis devenue réfectoire, et fut transporté à cet endroit à la fin des travaux de construction de l’église). Le relevé réalisée pour Rogier de Gaignières atteste que la bordure contenant l’inscription funéraire était incrustée de dix écussons : seulement ceux qui étaient placés aux extrémités de la dalle portaient toutefois encore les armes du défunt (armories 3a, e-f, l), tandis que les six autres ne montraient plus aucune trace d’armoiries (armoiries 3b-d, g-i) (Paris, BnF, RESERVE PE-11A-PET-FOL : Collecta).
Dans un enfeu réalisé dans le mur de refend de l’église, du côté de l’Evangile, se trouvant le tombeau d’Amé (Amédée IV) de Genève († 1369), chevalier et frère de l’antipape Clément VII. Revêtu de son armure, le gisant est placé sur un haut sarcophage, sans ornements, dont le bord antérieur portait l’épitaphe en lettres gothiques gravé sur une lame de cuivre (Raunié 1901, p. 30). L’intrados de l’arcade était orné par une peinture dans laquelle, sur un fond étoilé, quatre anges tenaient des écussons armoriés, alternativement aux armes de Genève « modernes » (armoiries 4a, c) et de Genève « anciennes » (armoiries 4b, d) (Paris, BnF, Dép. est. et photo., RESERVE PE-11A-PET-FOL, f. 225 : Collecta) : celles-ci, avec une bande accompagnée de deux lions (Blavignac 1849, p. 293-294), étaient encore utilisées par Rodolphe (Raoul) († 1265), comte de Genève, dans les années 1260, mais déjà en association, comme nous pouvons le voir dans son contre-sceau, avec l’armoirie à quatre points équipolés (sceau 1262 : Sigilla). L’enfeu était suivit par une plate tombe en cuivre qui, à la fin du XVIIe siècle, avait été déjà placée contre le mur de refend de l’église : elle appartenait à Jean d’Arsonval († 1416) (Raunié 1901, p. 32), précepteur et confesseur du dauphin qui avait été nommé vers la fin de sa vie, en 1413, évêque de Chalon. Le relevé de Louis Boudan laisse voir les deux écussons aux armes du prélat qui étaient gravés dans des médaillons placés sur le côté long de la tombe, de part et d’autre du gisant (Paris, Bnf, ms. Lat. 17025, f. 69 : Collecta ; Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 5, f. 97 : Collecta) (armoiries 5a-b). La plate tombe de Michel de Crény († 1409), évêque d’Auxerre et aumônier de Charles VI, suivait celle de Jean d’Arsonval (Raunié 1901, p. 33) : le gisant, en veste sacerdotale, était sculpté en marbre blanc et fixé sur une dalle noire, semée de fleurs de lis, et présentant, dans la partie médiane de la bordure, deux écussons aux armes du défunt timbrés d’une crosse (Paris, Bnf, ms. Lat. 17023, f. 29 : Collecta ; Oxford, Bodleian Library, ms. Gough drawings Gaignières 5, f. 95 : Collecta) (armoiries 6a-b).
Dans le chœur de l’église, du côté de l’épître et vis-à-vis du tombeau d’Amédée de Genève, se trouvait l’enfeu de Pierre de Navarre († 1412) et de sa femme, Catherine d’Alençon (Raunié 1901, p. 35) : celle-ci, qui avait commandité la sépulture pour son mari, fut enterrée à sa mort, en 1462, dans l’église Sainte-Geneviève. Les deux gisants reposaient sur un sarcophage dépourvu d’ornements, mais veillés par des statuettes représentants le patriarche Abraham, des religieux en prière et un évêque. A l’époque du relevé conservé dans la collection Gaignières l’ornementation héraldique de la sépulture était désormais réduite aux armes écartelées d’Evreux-Navarre sculptées sur la veste du gisant de Pierre de Navarre (aujourd’hui Paris, Musée du Louvre, inv. L.P. 441) (armoirie 7).
A l’entrée du chœur des pères, devant les marches du sanctuaire, était placée la tombe, en cuivre, de Philippe d’Harcourt († 1414), seigneur de Montgomery, conseiller et premier chambellan de Charles VI (Raunié 1901, p. 37-38) : encadré par une niche somptueusement travaillée le gisant était représentait avec son armure, couverte d’un surcot à ses armes (armoirie 8a). L’épitaphe, gravé dans la bordure de la dalle tombale, était interrompu sur les côtés longs par deux écussons armoriés penchés (armoiries 8b-c) (Paris, BnF, Dép. est. et photo., RESERVE PE-11-FOL, f. 28 : Collecta). Dans le même chœur, sous la cloche, se trouvait aussi la plate tombe de Hugues le Coq († 1485), chanoine d’Autun et archidiacre de Beaune (Raunié 1901, p. 38-39) : ses armes étaient gravées dans deux écussons placés de part et d’autre du gisant, dans la bordure portant l’épitaphe (armoiries 9a-b) (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 5, f. 94 : Collecta). Toujours dans le chœur des pères, parmi d’autres tombes qui ne portaient pas d’éléments héraldiques, se trouvait celle de Jean de Chissé († 1350). Elle était située devant les chaires des moines (Raunié 1901, p. 43) : l’effigie du défunt, habillé des vestes pontificales, était accompagnée, aux quatre angles de la bordure contenant l’épitaphe, par des écus aux armes du prélat (Paris, BnF, ms. Lat. 17025, f. 124 : Collecta) (armoiries 10a-d). Dans la même partie de l’église se trouvait probablement la tombe de Hugues Chabert († 1352), docteur ès loi, dont des fragments étaient encore visibles en 1854 dans l’orangerie du Luxembourg (Raunié 1901, p. 45 ; Guilhermy 1873, p. 484) : il est représenté, assis sur une chaire, dans l’acte d’enseigner, à l’intérieur d’une architecture fermée par une baie vitrée, devant laquelle se parent deux écus aux armes du défunt (armoiries 11a-b) (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 5, f. 88 : Collecta). Quatre écus armoriés accompagnaient en revanche le portrait de Pierre de Chanac († 1346) sur sa tombe (Raunié 1901, p. 46-47) (armories12a-d) (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 5, f. 84 : Collecta).
Gisant de Pierre de Navarre. Paris, Musée du Louvre (jadis Paris, église de la Chartreuse, monument funéraire de Pierre de Navarre et Catherine d’Alençon).
Le chœur des pères – dont les menuiseries, comme pour celui des frères dataient de a fin du XVIIe siècle (Millin 1798, p. 11) – semble avoir été un endroit particulièrement prisé pour les sépultures. A côté de celles que l’on vient de voir, d’autres tombes armoriées trouvées place à cet endroit. C’est le cas de la tombe en marbre noir avec des incrustation de marbre blanc de Jean de Dainville († 1375), représenté dans son armure (Raunié 1901, p. 48-49). Deux écussons à ses armes figuraient dans la bordure dans laquelle était gravé l’épitaphe (Paris, BnF, dép. est. et photo., RESERVE PE-11A-PET-FOL, f. 129 : Collecta) (armoiries 13a-b). Dans la plate tombe de cuivre de Jean († 1356) et Simon du Portal, placée « entre les chaires et le pupitre » (Raunié 1901, p. 49-50), les armoiries des défunts étaient représentées par quatre écussons sculptés aux angles de la bordure encadrant les effigies des deux frères qui avaient été conseillers de Philippe V, de Charles IV et de Charles de Valois, avant d’être nommés maîtres de requêtes de l’hôtel de Philippe VI (Paris, BnF, dép. est. et photo., RESERVE PE-11-FOL, f. 26) (armoiries 14a-d).
Le sol du chœur des frères était également parsemé de sépultures. Nous nous limiterons même dans ce cas à traiter celles présentant des éléments armoriés, comme c’est le cas de celle de Guillaume de Besançon († 1485), que nous aurons pu voir au milieu du chœur, vis-à-vis de la porte qui mettait en communication les deux chœurs. D’après Emile Raunié (1901, p. 54) des écus aux armes du défunt ornaient les quatre angles de la plate tombe (armoiries 15a-d). Dans la même partie de l’église, mais devant la chapelle de Saint-Bruno, nous aurions pu voir la tombe de Renaud de Bucy († 1407), conseiller du Roy au Parlement et prévôt de l’église de Soissons (Raunié 1901, p. 56) : le portrait du défunt, habillé en costume sacerdotal, était accompagné par deux écussons à ses armes (armoiries 16a-b), placés d’une part et d’autre de sa tête (Paris, BnF, dép. est. et photo, RESERVE PE-11-FOL, f. 27 : Collecta). Michel Mauconduit († 1328 : Maillard 1968), professeur de droit, était en revanche enterré devant la chapelle de Saint-Louis : quatre écussons armoriés accompagnaient l’image du défunt (armoiries 17a-d), vêtu d’un costume sacerdotal et encadré par une arcade trilobée (Oxford, Boldleian Library, Gough drawings Gaignières 5, f. 79 : Collecta ; Raunié 1901, p. 58). Adam de Cambray († 1457), premier président du Parlement, et sa femme, Charlotte Alexandre († 1474), étaient enterrées devant la chapelle Saint-Louis « au long des chaires des frères, dans la nef de l’église » (Paris, Bnf, dép. est. et photo, RESERVE PE-11-FOL, f. 29 : Collecta et ibid., f. 30 : Collecta ; voir aussi Raunié 1901, p. 59). Les portraits des deux défunts, encadrés par des arcades gothiques ornées d’un grand nombre de petites figures, sont accompagnés par leurs armes : celles du mari, à dextre (armoirie 18a), celles de la femme, à senestre (armoirie 18b), dans un écusson en losange.
D’autres sépultures étaient placées dans les chapelles latérales. La « tombe de pierre à demi levée » de Hervé de Neauville († 1423), conseiller du roi, et de Marguerite Alory, sa femme († 1413), se trouvait dans la chapelle consacrée à sainte Marie-Madeleine que le même Hervé avait fondé, avec son frère Guillaume, avait fondé en 1420, comme le documentait une inscription réalisée sur une plaque de cuivre (Oxford, Bodleian Library, ms. Gough drawings Gaignières 5, f. 79bis : Collecta ; Raunié 1901, p. 65). Placée au milieu de l’oratoire et devant l’autel (Raunié 1901, p. 62-63), elle présentait les portraits de deux défunts accompagnés par des chiens et par des écus à leurs armes, disposés de part et d’autre de leur tête : si le mari était identifié par deux écus à ses armes (armoirie 19a-b), la femme présentait d’un côté, à senestre, les armes plaines de sa famille (armorie 19d), de l’autre, à dextre, celles mi-parties aux armes de son époux (armoirie 19c) (Oxford, Bodleian Library, ms. Gough drawings Gaignières 5, f. 79 : Collecta). Au milieu de la chapelle de Saint-Pierre-et-Saint-Paul, devant l’autel, était enterré Jean du Four († 1352), bourgeois parisien (Raunié 1901, p. 65-66). Sa plate tombe était ornée de deux arcades, mais seulement celle de gauche présentait le portrait du défunt, les pieds posés sur un lévrier, avec deux écussons à ses armes gravés aux côtés de la tête (Oxford, Bodleian Library, ms. Gough drawings Gaignières 5, f. 80 : Collecta) (armoiries 20a-b). Jean de Gaynac († 1351) était en revanche enterrée dans la chapelle de Saint-André-et-Saint-Etienne, toujours près de l’autel mais du côté de l’évangile (Raunié 1901, p. 68) : son effigie était accompagnée par deux écussons à ses armes, placés à côté de sa tête (Oxford, Bodleian Library, ms. Gough drawings Gaignières 5, f. 82 : Collecta) (armoiries 21a-b).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, Chartreuse de Vauvert (église), https://armma.saprat.fr/monument/paris-chartreuse-de-vauvert-eglise/, consulté
le 21/11/2024.
Guilhermy, Ferdinand de, Inscription de la France du Ve au XVIIIe, t. 1. Ancien diocèse de Paris, Paris 1873.
Maillard, François, « L’épitaphe de Michel Mauconduit, chanoine de Paris, conseiller de Philippe V », Bibliothèque de l’École des chartes, 1968, 126, 2, p. 416-419.
Millin, Aubin-Louis, Antiquités nationales ou recueil de monuments pour servir à l’histoire générale et particulière de l’empire françois, t. 5, Paris 1798.
Raunié, Emile, Epitaphier du vieux Paris, t. 3, Chartreux – Saint-Etienne-du-Mont, Paris 1901.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Paris, Chartreuse de Vauvert (église). Armoirie Jean de Dormans (armoiries 1a-f)
D’(azur) à trois têtes de léopard d’(or) lampassées de (gueules).
Timbre : un chapeau cardinalice.
Attribution : Dormans Jean de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chevet ; Chœur
Emplacement précis : Maître-autel ; Sol
Support armorié : Soubassement de tombeau ; Tombeau
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Paris, Chartreuse de Vauvert (église). Armoirie Pierre de Navarre (armoirie 7)
Écartelé : aux 1 et 4 de (gueules) au rais d’escarboucle pommeté, besanté et fermé, d'(or) (Navarre), aux 2 et 3 d'(azur semé) de fleurs de lys d'(or) à la bande componée d'(argent) et de (gueules) (Évreux), à la bordure d'(argent) sur le tout.
Attribution : Navarre Pierre de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Nef
Emplacement précis : Côté sud ; Enfeu
Support armorié : Gisant
Structure actuelle de conservation : Paris, Musée du Louvre
Paris, Chartreuse de Vauvert (église). Armoirie Charlotte Alexandre (armoirie 18b)
Mi-parti, au 1 de (gueules) à la fasce cousue d’(azur), potencée et contre-potencée d’(argent), accompagnée de trois loups rampants d’(or) (de Cambrai) ; au 2, d’hermines à trois aiglettes de (gueules) (Alexandre).
Attribution : Alexandre Charlotte
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chœur ; Nef
Emplacement précis : Sol
Support armorié : Tombeau
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Paris, Chartreuse de Vauvert (église). Armoirie Marguerite Alory (armoirie 19c)
Mi-parti : au premier, d’hermines à trois roues de six rayons de (gueules) (Neauville) ; au deuxième, d’(argent) à la fasce de (gueules) accompagnée de trois merlettes de (sable) (Alory).
Attribution : Alory Marguerite
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale nord
Emplacement précis : Sol
Support armorié : Tombeau
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue