Le grand cloître de la chartreuse de Vauvert se trouvait derrière le petit cloître, auquel était relié par un passage couvert. Ses galeries, ajourées par des arcades gothiques, étaient ouvertes sur un vaste jardin. Les cellules des moines (neuf ou huit sur les grands côtés, cinq sur les petits) s’ouvraient sur ces galeries.
Peinture célébrant la fondation de quatorze chartreux par Jeanne de Châtillon en 1290. Paris, Chartreux, grand cloître (Millin 1798).
Sur le mur d’une des galeries du grand cloître, une fresque – Millin parle d’un bas-relief mais il comment sans doute une erreur (La Chartreuse 1987, p. 60, num. 60) – commémorait la fondation de quatorze religieux par Jeanne de Blois-Châtillon, femme de Pierre de France (comte d’Alençon et de Blois), en 1290. La peinture, datant de la fin du XIIIe siècle avait été recopiée de manière plus ou moins fidèle par Claude Elzéar en 1712 sur un panneau en bois (ibid.). Sous des arcades gothiques trilobées et ornées d’un gable ajouré, les quatorze chartreux en prière s’adressaient vers la scène centrale, dans laquelle, sur un fond fleurdelisé, Jeanne de Châtillon était présentée par saint Jean Baptiste à la Vierge et à l’Enfant et leur offrait un long parchemin (sans doute l’acte de donation). Dix-sept écussons aux armes d’Alençon (armoiries 1a, c, e, g, i, m, o, q, s) et de Châtillon (armories 1b, d, f, h, l, n, p, r) trouvaient place, vraisemblablement déjà dans l’œuvre originaire, entre les gables encadrant les différents personnages. L’association des deux armoiries identifie Jeanne, remployant la solution qu’elle avait adoptée également dans son sceau depuis les années 1270 (Sigilla).
A l’extrémité de la galerie nord, « proche la celule marquée E » (Paris, BnF, RESERVE PE-11B-FOL, f. 16 : Collecta), une lame de cuivre inscrite était fixée au mur par des agrafes métallique : elle célébrait la fondation d’un chartreux, en 1478, par Hugues le Coq. Le donateur était représenté sur la gauche, en compagnie d’un chartreux tenant une banderole avec l’inscription « Tui rememoror et misereor », et il était présenté à la Vierge et à l’Enfant par son saint homonyme, Hugues évêque de Grenoble (celui-ci indiqué par les initiales S et H). Deux écus aux armes du donateur était gravés au pied de l’inscription invitant les fidèles à prier pour son âme (Raunié 1901, p. 81-82) (armoiries 2a-b).
Comme dans le petit cloître, le sol des galeries était parsemé de tombes qui, au moment de la destruction du monastère, furent mélangées aux matériaux de la démolition. Elles étaient si nombreuses que, « vers 1825, les maisons voisines de l’ancienne Chartreuse étaient remplies de fragments de dalles funéraires » (Guilhermy 1873, p. 484).
Les dessins de la collection Gaignières et les notes des érudits s’avèrent ainsi essentielles pour la connaissance de ces ouvres, en grande partie ornées d’armoiries. Dans la galerie nord (Raunié 1901, p. 78) se trouvait le tombeau de Charles Berthier de Bizy († après 1523) et de sa femme, Henriette Alligret († 1523), orné de deux écussons aux armes des défunts (armoiries 3a-b) (Oxford, Bodleian library, Gough drawings Gaignières 5, f. 104 : Collecta). Comme l’épitaphe l’explique, la dame était morte avant le mari (dont nous ne connaissons pas la date de décès), mais le tombeau semble avoir été réalisé au moment de la disparition de celle-ci. Dans la même galerie, mais du côté du cimetière se trouvait la plate tombe de Guillaume de Sens (Raunié 1901, p. 81), président du parlement de Paris († 1399). L’effigie du défunt était accompagnée par quatre écussons (Paris, BnF, dép est. et photo, RESERVE PE-11-FOL, f. 25 : Collecta) : les deux qui étaient placés d’un côté et de l’autre de la tête du défunt ne portaient désormais plus aucune trace d’armoirie quand Louis Boudan fit le relevé du tombeau vers la fin du XVIIe siècle (armoiries 4a-b) ; les deux sculptés dans la bordure portant l’épitaphe, en revanche, étaient encore bien lisibles et portaient les armoiries du défunt (armoiries 4c-d).
Huit écussons vierge – mais il s’agissait probablement du creux laissé par des plaques métalliques armoriées perdues – (armoiries 5a-h) flanquaient l’effigie de Gilles de Sens († 1335) sur la dalle tombale qui en fermait la sépulture, à l’extrémité de la galerie occidentale du cloître (Raunié 1901, p. 83) ; deux écus aux armes de la famille étaient en revanche sculptés sur les deux côtés (armoiries 5i-l) (Paris, BnF, RESERVE PE-11-FOL, f. 23 : Collecta).
Dans le cimetière, la sépulture d’Arnold de Wtwiic († 1410), professeur de théologie et de droit canon à la Sorbonne, était signalée par une croix, dont le piédestal était gravé avec l’effigie en prière du défunt, à genoux et les mains jointes, tourné vers son armoirie représentée dans la partie droite du relief (armoirie 6) (Oxford, Bodleian library, Gough drawings Gaignières 5, f. 111 : Collecta ; Raunié 1901, p. 90).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, Chartreuse de Vauvert (grand cloître), https://armma.saprat.fr/monument/paris-chartreuse-de-vauvert-grand-cloitre/, consulté
le 05/12/2023.
Bos, Agnès, Les églises flamboyantes de Paris, XVe-XVIe siècles, Paris 2003.
La Chartreuse de Paris, catalogue de l’exposition (Paris 1987), Paris 1987.
Millin, Aubin-Louis, Antiquités nationales ou recueil de monuments pour servir à l’histoire générale et particulière de l’empire françois, t. 5, Paris 1798.
Raunié, Emile, Epitaphier du vieux Paris, t. 3, Chartreux – Saint-Etienne-du-Mont, Paris, Imprimerie Nationale, 1901.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Paris, Chartreuse de Vauvert (grand cloître). Armoirie Alençon (armoiries 1a, c, e, g, i, m, o, q, s)
D'(azur) semé de fleurs de lys d'(or), à la bordure de (gueules).
Attribution : Alençon famille ; Blois-Châtillon Jeanne de
Position : Extérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Galerie
Support armorié : Mur
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Écartelé : aux 1 et 4, d’(azur) à la fasce d’(or) accompagnée en chef d’une rose d’(argent) et en pointe de trois glands d’(or) (Berthier de Bizy) ; aux 2 et 3, d’(azur) à trois aigrettes d’(argent) becquées et membrées de (sable) (Alligret).
Attribution : Alligret Henriette
Position : Extérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Galerie
Emplacement précis : Côté nord ; Sol
Support armorié : Tombeau
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue