Bâtie sur le flanc d’une colline, au bord de l’habitat actuel, l’église abbatiale de Saint-Maixent est le résultat de plusieurs phases de construction, qui se sont suivies principalement entre le XIIe et le XVe siècle. Si la première attestation d’une « cellula sancti Maxentii » remonte au début du VIe siècle et la construction d’une primitive église se situe à la fin du VIIe siècle, c’est après l’incendie de 1082 qu’une vaste campagne de reconstruction eu lieu sous la direction de l’abbé Garnier (1093-1106) (Oberson, Blomme 2004, p. 277-278).
Saint-Maixant-l’École, abbaye Saint-Maixant, tour porche.
Unie à la couronne de France par Philippe Auguste en 1204 (ibid.), l’église fut aussitôt transformée avec l’élévation des parties orientales au début du XIIIe siècle, refaites en partie pendant la seconde moitié du XIVe siècle pour réparer aux dégâts de la guerre de Cent Ans (Oberson, Blomme 2004, p. 278).
À la même époque, alors que Saint-Maixent était sous domination anglaise, remonte la réfection des premiers deux niveaux de la tour-porche occidentale qui enveloppèrent les structures réalisées à la fin du XIe siècle (Oberson, Blomme 2004, p. 280). Les deux premiers étages, bien plus sobres que ceux de la partie supérieure du clocher, sont ornés uniquement par des écussons aux armes de Guillaume de Vezançay (Ibid.). Nommé chancelier de Gascogne par Edouard III et membre du conseil privé du roi par Charles V, il fut abbé de Saint-Maixent de 1363 à 1381 (Richard 1886, p. LXXXVII). Ses armes se répètent trois fois juste en-dessous de la corniche qui partage les deux premiers niveaux du clocher (armoiries 1-3) et apparaissent une fois au milieu du deuxième niveau (armoirie 4). Insérée dans un cadre quadrilobé, l’armoirie de l’abbé est sculptée en relief sur une dalle appliquée sur la maçonnerie de la façade, protégée par un larmier et soutenue par deux consoles en forme de têtes anthropomorphes (un être monstrueux sur celle de droite, peut-être un saint sur celle de gauche). Les armoiries intègrent les insignes de fonction de l’abbé : l’écu est timbré par la mitre, tandis que la crosse abbatiale est directement insérée à l’intérieur de l’écu, au lieu d’y être accolée.
Armoirie de l’abbé Guillaume de Vezançay. Saint-Maixent-l’École, Abbaye de Saint-Maixent, tour porche.
Guillaume introduit ainsi une sorte de brisure personnelle aux armes de sa famille qui portait de gueules, à trois cigognes d’argent disposées 2 et 1 (Richard 1886, p. LXXXVIII). Les travaux étaient probablement bien avancés le 12 juin 1365, lorsque fut consacrée la chapelle de Saint-Michel, à identifier avec la tribune qui surmonte le porche (Oberson, Blomme 2004, p. 293).
Dans la partie supérieure le clocher montre un aspect flamboyant qui est indice d’un décalage temporaire important. Au troisième niveau, le gable couronnant la baie centrale encadre un écusson soutenu par deux anges (armoirie 5). Accolé à une crosse abbatiale et surmonté par une mitre (on remarquera la disproportion entre la petite taille écu et les grandes dimensions des insignes de fonction de l’abbé), l’écu porte les armes des Chevalier (de gueules, à trois clés d’or mises en pal, disposées 2 et 1).
Armoirie de l’abbé Jean Chevalier. Saint-Maixent-l’Ecole, abbaye de Saint-Maixent, tour porche.
La datation de cette partie de l’édifice et de son riche décor sculpté repose généralement sur le document attestant le marché passé en 1450 avec le maçon Jean Legal pour les travaux du clocher (Oberson, Blomme 2004, p. 293, p. 278, 295). Pourtant, l’écusson sous le gâble du troisième étage permet de dater les travaux à l’abbatiat de Jean Chevalier (1440-1460 : Richard 1886, p. XCIII). Ce dernier est également connu pour avoir fait refaire le transept nord, partiellement effondré à la suite de l’incendie de 1440 (Dom Fonteneau t. XXXVI, p. 313 ; voir aussi Poitiers, Médiathèque ms. 441, p. 230 : Crozet 1942, p. 122-123, num. 485a-b) et l’avoir fait orner de ses armoiries, que nous retrouvons également dans l’ornementation de son enfeu.
Au niveau supérieur, correspondant à l’emplacement des cloches, une statue de grandes dimensions a été installée à gauche de la baie centrale, protégée par un dais. La figure masculine, barbue, porte une couronne et tient, dans la droite, un sceptre et, dans la gauche, un coffret ( ?). Il s’agit donc d’un roi que l’armoirie sculptée sur la console en bas (Levesque 1891, p. 260) (armoirie 6) qualifie comme français, à savoir Charlemagne ou Clovis (Oberson, Blomme 2004, p. 295).
Clovis ou Charlemagne. Saint-Maixent-l’École, abbaye de Saint-Maixent, tour porche.
En dépit de son caractère qui pourrait laisser penser à son ajout dans un deuxième temps, la statue semble avoir été produite par le même atelier qui réalisa les autres figures ornant le clocher et devrait par conséquent être également datée vers le milieu du XVe siècle.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Saint-Maixent-l’École, abbaye Saint-Maixent, https://armma.saprat.fr/monument/abbaye-saint-maixent/, consulté
le 28/03/2023.
Bibliographie sources
Poitiers, Médiathèque ms. 441, Dom F. Chazal, Regalis monasterii Sancti Maxentini historia.
A. Richard (éd.), « Chartes et documents pour servir à l’histoire de l’abbaye de Saint-Maixent », Poitiers 1886 (Archives historiques du Poitou, 16 et 18, 1886).
Bibliographie études
L. Levesque, « Inscriptions de la ville de Saint-Maixent du Xe au XIXe siècle », dans Mémoires de la Société de Statistique des Deux-Sevres, 8, 1891, p. 233-352.
P. Héliot, « Les églises abbatiales de Saint-Maixent, de Celle-sur-Belle et l’architecture poitevine », dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 4, 2, 1955.
I. Oberson, Y. Blomme, « Saint-Maixent, l’église abbatiale », dans Congrès archéologique de France, CLIX. Monuments des Deux-Sèvres (2001), Paris 2004, p. 277-298.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Saint-Maixent-l’Ecole, abbaye Saint-Maixent. Armoirie Guillaume de Vezançay (armoirie 1)
De (gueules) à la crosse abbatiale de … accompagnée de trois cigognes d'(argent) disposées 2 et 1.