Plouescat, chapelle de Kerzéan (chapelle latérale sud)
La modeste chapelle Notre-Dame de Kerzéan en Plouescat, lourdement remaniée, intégrait autrefois un décor héraldique important, dont ne subsistent que quelques tombes et sculptures armoriées en réemploi dans le chœur. Toute la vitrerie ainsi que des éléments sculptés d’écussons de la nef, en façade, à la maîtresse-vitre et dans une chapelle latérale disparue au nord, n’existent plus. Le souvenir détaillé en est toutefois conservé par des mentions de droits honorifiques contenues dans des aveux, et surtout par les vues aquarellées du précieux manuscrit du Bref estat… des prééminences de Maillé-Carman, commandité en 1614 au peintre morlaisien Jean Bourriquen, dont circulent au moins deux copies.
Le monument intégrait une chapelle ou un bras de transept au sud, aligné avec le chevet, dont les dimensions paraissaient proportionnellement assez importantes au témoignage d’un relevé du cadastre de 1837 (Brest, AD Finistère, 3 P 186/1/4). Depuis cette date, cet espace a fait l’objet de transformations radicales, l’aile détruite et le mur sud entièrement reconstruit. La survivance de trois contreforts, dont deux pourraient correspondre à l’arrachement des anciens murs d’enveloppe, donne une vague idée des dispositions d’origine.
Un minu de 1643 apprend que la chapelle, dédiée à sainte Catherine, était aux seigneurs de Kerliviry. Elle renfermait leurs sépultures et était ornée d’une litre à leurs armes : « Plus en la chapelle de No[tr]e dame de Kerzéan seitue en la dicte paroisse de Plouezcat deppendant de ladite maison avecq les trois tumbes enlevéés au hault du cœur dicelle trois escabaux et les tumbes estant par tout le cœur et la chapelle de Sainct Catherine armoyé d’ung lion et la lisiere tant de deshors que de dans icelle et au[tr]es prerogatives et droictz prohibitifs avecq la fondation y estans en entier » (Nantes, AD Loire Atlantique, B 1709). On devine qu’une ou plusieurs des tombes actuellement remontées dans le dallage du chœur doivent faire partie de celles évoquées ici.
Le Bref estat… de Bourriquen décrit et représente les deux verrières donnant jour au mur oriental et au pignon. La première était d’une taille médiocre, à deux panneaux vitrés de frettes, ornée au tympan d’un seul écu : « en ladite chapelle costé de l’epistre dessus la vistre sur l’autel sont les armes de Seizploué » (armoirie 1). Ce sont les armes anciennes de Kermavan avant 1450-1460, ce qui suggère que la vitre remontait au XVe siècle.
La vitre au pignon « au coste dudit autel », plus grande, présentait un réseau rayonnant à trois lancettes à tête trilobée, au tympan de trois quadrilobes et quatre demi-quadrilobes. Ces formes renvoient assez nettement vers l’extrême fin du XIVe siècle, par comparaison avec d’autres fenêtres contemporaines. À une baie de la façade occidentale de l’église du Kreizker en Saint-Pol-de-Léon, supposée avoir été reconstruite après 1375 (Isnard 2009, p. 364), on remarque les mêmes détails de la tête de lancette centrale à pointe effilée, et des demi-quadrilobes aux écoinçons. Le soufflet supérieur portait les armes de l’évêque Jean de Kermavan (1503-1514), soit un écartelé de Lesquélen et Kermavan brochant sur une crosse et timbrées d’une mitre (armoirie 2).
Les deux quadrilobes inférieurs sont occupés par des armes en alliance mi-parties des Kerliviry, et non des seigneurs de Kergoual comme il a été envisagé (Le Guennec 1932, p. 134-135). Leur interprétation a posé de vives difficultés à Bourriquen et elles sont malheureusement en partie indéchiffrables. À l’écu de gauche (armoirie 3), on ne distingue au premier quartier qu’un écartelé aux meubles indistincts. Les émaux, uniquement de l’or et de l’azur, et le contour on ne peut plus imprécis des figures, de grande taille, font penser que le quartier 1 devait représenter le lion des anciennes armes des Kermavan ou des Kerliviry, cependant on reste impuissant à déchiffrer le quartier 3. En revanche, on identifie facilement les armes de Léon au deuxième quartier du mi-parti.
Le dernier écusson, un écartelé, (armoirie 4) pose le même problème symétriquement inversé : on comprend les armes des quartiers 1 et 3 à dextre, mais on bute sur les 2 et 4 à senestre. Au 3, on identifie les armes des Kerliviry représentées à grand-peine dans leur version la plus récente, d’azur à la fasce d’hermines accompagnée de trois feuilles de laurier d’or. Elles pourraient fonctionner avec le quartier 1, où on croit deviner le lion d’azur des armes anciennes de Kerliviry, les deux quartiers associés paraissant un écartelé des anciennes et des nouvelles armes de Kerliviry, référencé par ailleurs (Le Borgne 1667, p. 143 ; Potier de Courcy 1993, 2, p. 105-106). Les quartiers pairs posent la plus extrême difficulté : on ne sait quoi reconnaître dans le quartier 2 (le lion d’azur des armes anciennes des Kermavan, des Kerliviry, ou peut-être le sautoir trêflé des Le Barbu ?), ni à qui attribuer le quartier 3 de gueules à la fasce d’argent (Charuel ? de Coatredrez ?).
Saint-Pol-de-Léon, église du Kreizker, fenêtre sud de la façade, vers la fin du XIVe siècle.
Au sein de cette chapelle détruite, on regrette que les relevés de Bourriquen ne permettent pas d’identifier les anciennes alliances des seigneurs de Kerliviry, dont elle dépendait. Mais ils confirment le statut de fondateur des Kermavan, et l’implication probable de l’évêque Jean de Kermavan (1503-1514) dans la dotation des verrières. Enfin, les armes anciennes de Kermavan, le réseau de la fenêtre disparue au pignon, joints à la mouluration archaïque de la porte occidentale et aux observations sur l’ancien enfeu des seigneurs de Kergoual dans la chapelle nord elle aussi disparue, permettent de repousser la fondation du monument au moins au premier quart du XVe siècle ou vers 1400.
Auteur : Marc Faujour
Pour citer cet article
Marc Faujour, Plouescat, chapelle de Kerzéan (chapelle latérale sud), https://armma.saprat.fr/monument/plouescat-chapelle-de-kerzean-chapelle-laterale-au-sud/, consulté
le 23/11/2024.
Bibliographie sources
Brest, AD Finistère, 3 P 186/1/4, Plouescat. Cadastre napoléonien, section B du Gorré, 1837, échelle 1 / 2500e.
Nantes, AD Loire Atlantique, B 1709, minu de la seigneurie de Kerliviry, 14 juillet 1643.
Rennes, AD d’Ille-Et-Vilaine, fonds Couffon, 24 J 77, René Couffon, Copie sur papier du Bref estat des préminences du marquis de Kerman… par Jean Bouricquen en 1614, vers le milieu du XXe siècle.
Plouescat, chapelle de Kerzéan (chapelle au sud). Armoirie illisible (armoirie 3).
Mi-parti, au 1 : écartelé, aux 1 et 4 : d’or à …. d’azur, aux 2 et 3 : d’azur (alias d’or) à … d’or (alias d’azur) ; au 2 : d’or au lion de sable (de Léon).
Attribution : Armoirie illisible
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale sud
Emplacement précis : Mur pignon
Support armorié : Verrière
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Plouescat, chapelle de Kerzéan (chapelle au sud). Armoirie illisible, alias de Kerliviry (armoirie 4).
Écartelé, au 1 : d’or à … d’azur ; au 2 : d’or à … d’azur ; au 3 : d’azur à la fasce d’hermines accompagnée de trois feuilles de laurier d’or (de Kerliviry) ; au 4 : de gueules à la fasce d’argent.
Attribution : Kerliviry famille de ; Armoirie illisible
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale sud
Emplacement précis : Mur pignon
Support armorié : Verrière
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue