Berceau de la dynastie éponyme, la ville de Bourbon-L’Archambault a longtemps constitué le cœur politique et symbolique du duché de Bourbon, avant que la ville de Moulins ne la remplace dans ce rôle à la fin du Moyen-Âge. Assis sur un rocher surplombant la rivière Burge, son château, à vocation principalement militaire (Bruand 1991, p. 100-101), ne semble jamais avoir été un lieu de résidence privilégié pour les ducs et duchesses, qui lui préféraient la cour de France ou leurs résidences de Moulins. La ville revêt néanmoins une importance symbolique évidente pour la dynastie, qui y trouve et y célèbre ses origines (voir Sainte-Chapelle de Bourbon-L’Archambault). Le château fit à cet égard l’objet d’un marquage héraldique dont malheureusement seuls de rares vestiges et mentions nous sont parvenus aujourd’hui.
Deux campagnes de construction majeures semblent avoir marqué l’agrandissement du château. Yves Bruand identifie ainsi un chantier au XIIIe siècle (Bruand 1991, p. 107-108), après le mariage de Robert II d’Artois (1250-1302) et d’Agnès de Bourbon (c.1237-c.1287), en 1277 ; et un second chantier sous le principat de Louis II de Bourbon (1356-1410) (ivi, p. 107), qui remit en état les châteaux du Bourbonnais après les ravages de la guerre de Cent Ans. La Chronique du Bon duc Loys (D’Orronville 1876, p.319), mentionne ainsi l’érection de deux tours défensives dans la ville : probablement la tour Amirale, aujourd’hui disparue, et la tour Quiquengrogne, encore en place.
Ruine du château de Bourbon-L’Archambault, XIXe siècle. BnF, Destailleur province, t. 12, 2669.
Le chantier de la première Sainte-Chapelle, commencé en 1315 sous l’impulsion du duc Louis Ier de Bourbon, se situe ainsi entre ces deux grandes campagnes de construction. Suite à la défection du connétable de Bourbon en 1523 et au déclin de la maison ducale, le château passe brièvement entre les mains de la mère du roi François Ier, Louise de Savoie, avant d’être rattaché à la Couronne en 1531, puis d’être abandonné. Lors des siècles suivants, une partie de l’enceinte du château fut employée comme carrière de pierre par les gens du pays (Bruand 1991, p. 99). À la Restauration, le prince de Condé obtint le château, qui passa par la suite au duc d’Aumale en 1832, avant d’être mis en vente par les tuteurs de celui-ci. Une partie du château survécut alors grâce à l’intervention de l’artiste Achille Allier, historien local, dont les relevés et les efforts permirent de préserver une partie de cet édifice (ibid.).
Outre les abondants et fastueux décors de la Sainte-Chapelle, érigée en deux temps par les ducs de Bourbon dans l’enceinte du château, les décors héraldiques de la forteresse ne sont que très peu connus et il est aujourd’hui difficile de se représenter leur étendue réelle. Dans son excursion en Bourbonnais, l’érudit Dubuisson-Aubenay mentionne ainsi la présence des armes de Louise de Savoie sur l’une des vitres de l’édifice « en l’une des tours du château qui est à bossage regardant les Halles du bourg, au-dessus du cours d’eau de la descharge de l’estang » (Grassoreille 1887, p. 53-54) (armoirie 1). Ces armoiries datent vraisemblablement de la prise de possession de la mère du roi sur le duché de Bourbon suite à la fuite du connétable et sont probablement contemporaines de celles réalisées en son honneur dans la chapelle ancienne de la Sainte-Chapelle. L’abondante description de l’érudit se concentre néanmoins principalement sur la riche ornementation de cette partie de l’édifice et ne fournit malheureusement que très peu de détails sur les décors du château lui-même avant sa décrépitude.
Jullien Férat, Bourbon-L’Archambault, château, coupe des trois tours du front nord, dans Bruand 1991, p. 103.
A la fin du XIXe siècle, Xavier Barbier de Montault, dans son étude du château de Bourbon-L’Archambault, relève la présence de certains éléments armoriés, aujourd’hui disparus. Il décrit notamment en détail les restes d’une peinture murale, désormais très effacée, dans l’escalier à vis de la tour est du château, proche du sommet. Elle représentait une femme, cheveux et collier peints en jaune, dans une robe rouge, encadrée de deux musiciens vêtus des mêmes couleurs, accompagnés d’un chien. Au-dessus de la scène : « remplissant tout mais sans forme d’écusson, on voit un semis de fleur de lys jaune traversé par une bande étroite de couleur rouge » (Barbier de Montault 1876, p. 55-56 ; Deshouillères, p. 98) (armoirie 2). Cette partie de la tour fut vraisemblablement élevée lors des travaux engagés par le duc Louis II dans le dernier quart du XIVe siècle et le semé de lis des armoiries semble indiquer que le décor est antérieur à la décision de simplifier les armes de Bourbon à trois lis, sur le modèle du roi Charles V (Prinet 1911, pp. 469-488). Le décor pourrait ainsi dater du principat de Louis II ou de son fils Jean Ier et représenter l’une de leurs épouses. La présence d’un chien, l’une des devises animales privilégiées des ducs de Bourbons à partir de Louis II (Hablot 2001, p. 91-103 ; base Devise), viendrait renforcer la théorie selon laquelle le décor n’est pas antérieur au principat de celui-ci. L’hypothèse de l’utilisation d’un semé postérieur au principat de ces princes n’est cependant pas à exclure : le retour à cette formule héraldique, à des fins purement esthétiques ou symboliques, est attesté ailleurs, tant chez les rois de France, que chez les Bourbons, comme en témoigne par ailleurs l’un des vitraux de la Sainte-Chapelle du château.
Bourbon-L’Archambault, Château. Reconstitution du décor mural du rez de chaussée (dans Gélis-Didot, Laffilée 1888, p. 40).
Également décrites par Barbier de Montault, les peintures de la salle du rez-de-chaussée, aux arcs formerets « bandé jaune et rouge », aux assises « jaunes ou bleues, ou encore bleues et rouges », et à la voûte au « fond bleu avec des étoiles en ocre jaune ou des fleurs de lys opposées, se détachant en blanc avec des côtes rouges sur un fond bleu bordé de jaune et de rouge » (Barbier de Montault 1876, p. 48-49), évoquent par leurs pigments les couleurs emblématiques des Bourbons : l’or, l’azur et le gueules des armes ducales, associées aux motifs des fleurs de lis. La fleur mariale est par ailleurs également représentée sur les pendentifs de la voute, où Barbier de Montault distinguait encore trois médaillons. L’un d’entre portait une croix fleurdelisée, un autre deux clefs en sautoirs, et le troisième une fleur de lis « à larges ailes » (Barbier de Montault 1876, p. 45). La description est néanmoins ambiguë et les trois médaillons auraient pu porter tous les trois la combinaison de ces symboles.
En 1873, M. La Couture présenta en outre six dessins dans lesquelles étaient reproduites les sculptures ornant les consoles qui « supportent la voute du centre du château de Bourbon », représentant vraisemblablement le duc et, peut-être, la duchesse accompagnés d’autres personnages : « L’un a sur la tête une couronne fleurdelysée ; en face une femme coiffée avec élégance ; l’autre, c’est un vieux soldat à la figure fatiguée, en face une femme à la coiffure moins élégante que la précédente, enfin la troisième un chapelain et en face une tête de femme d’un rang inférieur. » (« Extrait des procès verbaux… » 1873, p. 481).
Enfin, la présence d’un dernier écusson ogivé est signalée au-dessus de la cheminée de la tour jouxtant le moulin banal par Barbier de Montault , qui ne donne toutefois aucune information sur la presence eventuelle d’une armoirie (armoirie 3) (Barbier de Montault 1876, p. 139). Puisque l’édifice a été détruit, nous n’avons plus la possibilité de vérifier cette affirmation.
Auteur : Antoine Robin
Pour citer cet article
Antoine Robin, Bourbon-L’Archambault, château, https://armma.saprat.fr/monument/bourbon-larchambault-chateau/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie sources
D’Orronville, Jean, La chronique du bon duc Loys de Bourbon, ed. A.-M. Chazaud, Paris 1876.
Grassoreille, Georges, « Voyage de Dubuisson-Aubenay en Bourbonnais (1646) », Revue Bourbonnaise, 2, 1887, p. 41-55, 88-95, 109-120.
Gélis-Didot, Pierre et Laffilée, Henri, La peinture décorative en France du XIe au XVIe siècle, Paris 1888.
Hablot, Laurent, « La ceinture ESPERANCE et les devises des ducs de Bourbon », dans F. Perrot (dir.), Esperance. Le mécénat religieux des ducs de Bourbon au XVe siècle, Souvigny 2001, p. 91-103.
Prinet, Max, « Les variations du nombre des fleurs de lis dans les armes de France », Bulletin Monumental, 75, 1911, p. 469-488.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Bourbon-L’Archambault, Château. Armoirie Louise de Savoie (armoirie 1)
(Mi-parti : au 1, d’azur à trois fleurs de lys d’or au lambel d’argent à trois pendants, chaque pendant chargé d’un croissant de gueules (Angoulême) ; au 2, écartelé, au 1 et 4 de gueules à la croix d’argent (Savoie) ; au 2 et 3 d’azur à trois fleurs de lys d’or au bâton de gueules en bande brochant sur le tout (Bourbon) ).