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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Paris, Hôtel de Clisson

 

L’hôtel de Clisson fut érigé à partir de 1371 par Olivier de Clisson, connétable de France sous Charles VI, sur des maisons et des terrains situés à l’extérieur des remparts de Philippe Auguste, à cette époque devenus désormais inutiles pour la défense de la ville (Langlois 1922). Cette bâtisse, construite dans un faubourg déjà peuplé, a connu une histoire assez mouvementée (Weiss 2012). Passée à Marguerite de Clisson, épouse de Jean de Blois comte de Penthièvre, à la mort de son père Olivier en 1417, elle fut confisquée par les Anglais pendant l’occupation de Paris entre 1420 et 1436. Elle devint ainsi d’abord la résidence d’abord de Thomas de Lancastre († 1421), puis de Jean, duc de Bedford († 1435).

Paris, Hotel de Clisson.

Passé dans les mains des Albret, par le biais de l’héritage de Catherine de Rohan (Raymond 1859), et nécessitant d’important travaux d’entretien déjà au début du XVIe siècle (Raymond 1860, p. 450-451 citant un document de 1504), l’hôtel fut acheté d’abord par Jean de La Barre, puis par Philibert Babou de la Bourdaisière (1528). Un des fils de ce dernier le vendit en 1553 à Anne d’Este, femme de François de Lorraine, duc de Guise, famille qui en gardera longtemps la propriété par la suite. En 1556, l’hôtel passa finalement dans la propriété d’Henri, prince de Guise et fils du couple ; celui-ci lança d’importants travaux sous la direction de Francesco Primaticcio qui changèrent radicalement l’aspect du site donnant ainsi naissance à l’Hôtel de Guise (Langlois 1922, p. 7 et s.).

L’hôtel médiéval était à l’origine formée par deux corps de logis et une haute tour ronde (Langlois 1922, p. 7), mais il n’en reste aujourd’hui que le bâtiment ouvrant sur la rue des Archives : un édifice qui constitue également le seul fragment conservé des grandes demeures parisiennes du XIVe siècle. Deux tourelles en encorbellement encadrent l’ample portail dont l’ornementation armoriée et emblématique en fait un des monuments héraldiques parmi les plus remarquables dans l’architecture parisienne civile.

J. Quicherat, Relevé des éléments emblématisés retrouvés dans l’hôtel de Clisson à Paris (1847), dans Revue archéologique, 1847, pl. 83 (Gallica).

Cette porte, qui donnait jadis sur une cour, fut dégagée et restaurée en 1847 sous la direction de l’architecte Lelong dans le cadre d’un réaménagement de l’édifice et de l’Hôtel de Soubise adjacent pour permettre l’installation de l’Ecole de Chartes (Quicherat 1847, p. 760 ; Langlois 1922, p. 8). Le portail se compose d’une double embrasure : la première, de plus grandes dimensions et terminée par un arc en ogive retombant sur des colonnettes, en encadre une deuxième en arc surbaissé. Le tympan délimité par les deux arcades est orné par une composition héraldique peinte, d’époque toutefois bien plus tardive (Garrigou Grandchamp 2012, p. 175-177) : présentant deux écus aux armes des Guise, elle fut réalisée pour marquer le changement de propriété de l’édifice par ses nouveaux propriétaires. Les deux armes sont timbrées d’une couronne et encadrées l’une par un collier de l’Ordre du Saint-Esprit, l’autre par une cordelière. Elles sont placées sur le fond d’un manteau où des croix de Lorraine alternent avec des monogrammes formés par un H et deux C entrelacés.

Paris, Hotel de Clisson, Portail aux armes de Charles Ier de Guise et Henriette-Catherine de Joyeuse.

Au lendemain de la restauration des peintures, Jules Quicherat (1847, p. 762-763) avança l’hypothèse (successivement reprise par Guiffrey 1893, p. 99) que le décor héraldique de la porte avait été réalisé en deux phases, dont la première aurait concerné seulement le fond emblématisé et l’écusson aux armes de Guise figurant à dextre. Quicherat concluait donc que le décor avait été réalisé par Henri Ier de Guise († 1588) et par sa femme Catherine de Clèves († 1633) (Quicherat 1847, p. 763). A son avis, l’armoirie à senestre avait été ajoutée dans un deuxième temps par Henriette Catherine de Joyeuse († 1656), femme de Charles Ier de Guise († 1640). La reconstruction proposée par J. Quicherat ne semble toutefois pas correcte, puisque ne tient en compte ni la cohérence formelle des deux armoiries, ni le fait que, à toute époque, les compositions héraldiques de ce type répondaient à un principe de symétrie. Nous pensons par conséquent que le portail de l’Hôtel désormais « de Guise » avait été mis en signe lors d’une unique campagne.

Paris, Hotel de Clisson, détail de l’armoirie de Charles de Guise peinte dans le tympan du portail.

Les armes aujourd’hui visibles pourraient donc appartenir à Charles Ier de Guise († 1640), qui fut chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit, et à sa femme Henriette-Catherine de Joyeuse († 1656) qui portait justement des armes parties de Guise/de Joyeuse (nous signalons que la même armoirie est représentée sur une plaque de cheminée retrouvée dans les caves de l’hôtel de Guise : Langlois 1922, p. 37 et pl. XII). Non seulement les initiales des prénoms du couple (C et CH) se retrouvent en effet dans la composition des monogrammes reproduit sur le manteau, mais l’ancre qui pend en dessous de l’armoirie de dextre ne peut appartenir qu’à Charles de Guise, nommé Amiral des mers du Levant par Henri IV (comme l’indiquait déjà Guiffrey 1893, p. 99). La réalisation de la peinture date donc d’après 1611, année du mariage du couple.

Même si la composition emblématique surmontant l’arcade du portail présente un aspect plus médiéval, elle a pourtant été en réalité intégralement réalisée par Letronne à l’occasion des travaux de restauration de 1847 afin d’évoquer l’origine ancienne de l’édifice et à partir de fragment de décor conservés dans l’hôtel ou des sceaux du connétable. Nous y trouvons deux médaillons sculptés et, à l’origine, peints : l’un, à gauche, reproduit quasiment le signet d’Olivier de Clisson (un heaume timbré d’un cimier au vol, chaque aile chargée de deux M, placé sur un fond semé d’une M : Sigilla) ; l’autre, à droite, est aux armes des Clisson et est également encadré d’M onciales (armoirie 1).

Paris, Hotel de Clisson, décor sculpté aux armes et devises d’Olivier de Clisson.

Les deux écus sont reliés par un phylactère portant le mot, aujourd’hui quasiment illisible, « pour ce qui me plaist » (le texte de l’inscription est documenté par Henri Chapelle en 1922 : Paris, Musée Carnavalet inv. D), surmonté par un M onciale couronné reprenant le motif découvert sur les éléments de faîtage et relevés par Quicherat (1847, p. 764 ; Langlois 1922, p. 8). D’après les sources anciennes cette lettre emblématique, qu’Olivier de Clisson portait depuis au moins 1370 (base Devise), aurait été représentée à plusieurs endroits de la résidence, come en atteste la découverte, lors des restaurations du milieu du XIXe siècle, de M couronnés ornant une lucarne de la tour de gauche et des fragments de carreaux en terre cuite émaillée retrouvé (et par la suite perdus) sous la cage d’escalier de l’Hôtel de Soubise (Quicherat 1847, p. 764-765 avec le relevé des éléments emblematisés récupérés). Cet emblème symbolisant très certainement le nom de la Vierge, comme en attestent des jetons d’Olivier de Clisson qui portent cette devise associée, au revers, à la légende « Maria g(ratia) plena » (De la Tour 1899, p. 84, num 494 ; mentionné par Langlois 1922, p. 307).

Nous noterons par ailleurs que l’emblématique de ce personnage (armoiries, devise du M et mot emblématique) figure encore sur plusieurs de chantiers qu’il a financé sur ses terres (château de Josselin et église Notre-Dame du Roncier ; château de Blain ; château de Clisson ; chapelle Notre-Dame de la Fontaine à Saint-Brieuc).

Auteur : Matteo Ferrari

Pour citer cet article

Matteo Ferrari, Paris, Hôtel de Clisson, https://armma.saprat.fr/monument/paris-hotel-de-clisson/, consulté le 20/04/2024.

 

Bibliographie sources

Chapelle Henri, Recueil de 154 dessins à la plume, la plupart d’après des documents anciens. Paris, Musée Carnavalet, inv. D.

Bibliographie études

De la Tour Henri, Catalogue de la collection Rouyer léguée en 1897 au département des médailles et antiques, t. 1, Paris 1899.

Garrigou Grandchamp, « L’Hôtel de Clisson et sa place dans l’architecture des années 1400 », dans La demeure médiévale à Paris, Paris 2012, p. 168-178.

Guiffrey Jules, « Palais Soubise », dans H. Havard (dir.), La France artistique et monumentale, Paris 1893, p. 97-120.

Langlois Charles Victor, Les hôtels de Clisson, de Guise et de Rohan-Soubise au Marais, Paris, Archives et Imprimerie nationales, 1922.

Quicherat Jules, « Porte de l’Hôtel Clisson », Revue archéologique, 4, 1847, p. 760-769.

Raymond Paul, « Pièce sur l’hôtel de Clisson, aujourd’hui Palais des archives et École des chartes », Bibliothèque de l’école des chartes, 20, 1859, p. 516-518.

Raymond Paul, « Pièces sur l’hôtel de Clisson, aujourd’hui Palais des archives et École des chartes », Bibliothèque de l’école des chartes, 21, 1860, p. 447-454.

Weiss, Valentine, « L’Hôtel de Clisson. L’hôtel de Clisson et ses voisins : étude historique », dans La demeure médiévale à Paris, cit., p. 163-167.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Paris, Hôtel de Clisson. Armoirie Olivier de Clisson (armoirie 1)

De (gueules) au lion d’(argent) armé, lampassé et couronné d’(or).

  • Attribution : Clisson Olivier de
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Corps de bâtiment sur rue
  • Emplacement précis : Mur ; Portail
  • Support armorié : Relief
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1801-1900
  • Dans le monument : Paris, Hôtel de Clisson

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