Robert II d’Artois et sa fille Mahaut construisirent un premier complexe d’édifices à partir de 1270 sur les terrains acquis dans une aire assez vaste actuellement à peu près délimitée par les rues Saint-Denis (à l’est), Pavée-Saint-Saveur (au nord), Montorgueil (à l’ouest), Etienne Marcelle (au sud). Bâti d’un côté et d’autre d’une longue portion de l’enceinte de Philippe Auguste, l’hôtel des comtes d’Artois passa dans les mains de Philippe le Hardi à la suite de son mariage avec Marguerite de Flandres, comtesse d’Artois, en 1369. Les ducs de Bourgogne restèrent donc propriétaire de cette résidence jusqu’à 1477 quand, après la mort de Charles le Téméraire, elle fut récupérée par Louis XI (Plagnieux 1988, p. 11). Malgré son prestige, l’hôtel désormais connu comme « de Bourgogne » connut un abandon progressif : les commissaires chargés par François Ier de sa vente en constatèrent alors « la ruine et décadence » (Perrault-Dabot 1902, p. 327). Morcelé en une quinzaine de lots, en partie offerts en 1550 par François Ier à Diego de Mendoza, noble espagnol, il a été par la suite occupé par des maisons particulières. Le plan de la Grande Gouache, daté de 1532-1533, nous donne une image assez détaillée de l’hôtel d’Artois et de Bourgogne avant sa vente et avant les transformations qui en ont changé radicalement la physionomie dans les décennies suivantes le condamnant à la disparition presque totale.
A la suite des démolirons perpétrées notamment dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Perrault-Dabot 1902, p. 328-329), de l’imposante résidence médiévale ne reste aujourd’hui que la tour Jean sans Peur, restaurée une première fois en 1893 et puis en 1992. Elle constitue le dernier vestige d’un projet architectural ambitieux promu à partir des années 1370 par les ducs de Bourgogne qui avaient fait de l’ancien hôtel d’Artois une de leurs résidences privilégiées à Paris. Philippe le Hardi lança les premiers travaux dès 1371, quand les registres des comptes font état de travaux de maçonnerie qui se poursuivirent jusqu’à 1374, quand d’autres importants ouvrages furent réalisés. Parmi ces-ci on compte la construction d’un donjon. Ce fut toutefois son fils Jean sans Peur († 1419) à donner au chantier un nouvel élan, transformant définitivement le complexe dans une véritable résidence princière. Déjà en février 1405, à moins d’un an de son avènement, Jean avait fait réparer et installer une quarantaine de panneaux de verrière dans la grande salle, dans la chapelle et dans la chambre de parement du logis (Mirot 1938, p. 146, note 2). Il est possible que l’intervention, probablement à attribuer à des raisons de manutention, porta à l’effacement de quelques traces héraldiques des précédents propriétaires de l’hôtel. Après l’incendie de 1317, Mahaut d’Artois avait en effet déjà fait apposer, au maître verrier Jean de Ses, 62 pieds de verre « vigneté et armoié [à savoir portant des armoiries : DEAF, « armoié »] à listres de couleurs » au pignon de la grande salle (Richard 1890, p. 157, p. 14) (armoirie 1). Nous ignorons toutefois quelles armoiries étaient représentées à cet endroit.
Il est en revanche certain que Jean sans Peur fit représenter ces armes dans d’autres corps de bâti qu’il avait fait édifier. Ses armes étaient notamment visibles sur le nouveau corps d’hôtel, formé par deux ailes à deux étages, construit entre 1409 et 1411 sous la direction de Robert de Helbutene, maître des œuvres du duc (Plagnieux 1988, p. 11, 17). L’édifice longeait la tour édifiée dans les mêmes années (Viré, Lavoye 2008), se développant en parallèle à la courtine de Philippe Auguste. Il était encore partiellement conservé au début du XVIIIe siècle, avec son couronnement « de grands frontons gothiques de pierre rehaussés » des armes de Jean de Bourgogne et de Marguerite de Bavière, sa femme (Sauval t. 2, 1724, p. 63, repris par Deschamps, Thibout 1963, p. 207-208 ; Plaignieux 1988, p. 14 ; Mérindol 2001, p. 331, num. 268 ; id. 2013, p. 115) (armoiries 2, 3). Ayant ce bâtiment été abattu en 1893 pour faire place à l’édifice scolaire actuel (Perrault-Dabot 1902, p. 328), il nous est aujourd’hui impossible d’avoir une idée de ce décor héraldique, surement pensé pour être vu de la cour du logis et de la voie « réservée » qui courait sur le rempart de Philippe Auguste (Plagnieux 1988, p. 15).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, Hôtel d’Artois et de Bourgogne, https://armma.saprat.fr/monument/paris-hotel-dartois-et-de-bourgogne/, consulté
le 06/12/2024.
Bibliographie études
Deschamps Paul, Thibaut Marc, La peinture murale en France au début de l’époque gothique, Paris 1963.
Mérindol Christian de, La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit, t. 2. Les décors peints : corpus des décors monumentaux peints et armoriés du Moyen âge en France, Pont-Saint-Esprit 2001.
Mérindol Christian de, Images du royaume de France au Moyen Âge. Décors monumentaux peints et armoriés, art et histoire, Pont-Saint-Esprit 2013.
Mirot Léon, « Jean sans Peur de 1398 à 1405, d’après les comptes de sa Chambre aux deniers », Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, 1938, p. 129-245.
Perrault-Dabot Anatole, « Historique de l’hôtel d’Artois devenu hôtel de Bourgogne e son dernier débris la tour de Jans-Sans-Peur », L’ami des monuments et des arts, 16, 92-93, 1902, p. 325-329.
Plagnieux Philippe, « La tour Jean Sans Peur. Une épave de la résidence parisienne des ducs de Bourgogne », Histoire de l’Art, 1988, 1-2, p. 11-20.
Richard Jules-Marie, « Documents des XIIIe et XIVe siècles relatifs à l’hôtel de Bourgogne (ancien hôtel d’Artois), tirés du Trésor des chartes d’Artois », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, 17, 1890, p. 137-159.
Viré Marc, Agnès Lavoye, « Matériaux et phases de construction : l’étude d’une partie de l’hôtel d’Artois à Paris », dans F. Blary, J.-P. Gély et J. Lorenz (dir.), Pierres du patrimoine européen : économie de la pierre de l’antiquité à la fin des temps modernes, actes du colloque (Château-Thierry 2005), Paris 2008, p. 185-193.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Hôtel d’Artois et de Bourgogne, Paris. Armoirie inconnue (armoirie 1)
Armoirie inconnue (Artois ?)
Attribution : Armoirie inconnue
Position : Intérieur
Étage : Inconnu
Pièce / Partie de l'édifice : Salle
Emplacement précis : Mur pignon
Support armorié : Baie ; Verrière
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Hôtel d’Artois et de Bourgogne, Paris. Armoirie Jean sans Peur (armoirie 2)
(Écartelé, au 1 et 4 d’azur semé de fleurs de lys d’or à la bordure componée d’argent et de gueules (Touraine), au 2 et 3 bandé d’or et d’azur, à la bordure de gueules (Bourgogne) sur le tout d’or, au lion de sable, armé et lampassé de gueules (Flandre).
Attribution : Bourgogne Jean Ier de (Jean sans Peur)
Position : Extérieur
Étage : Toit
Pièce / Partie de l'édifice : Façade ; Logis
Emplacement précis : Lucarne
Support armorié : Tympan
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Hôtel d’Artois et de Bourgogne, Paris. Armoirie Marguerite de Bavière (Marguerite de Bourgogne) (armoirie 3)
(Écartelé, au 1 fuselé en bande d’argent et d’azur (Bavière), au 2 d’azur semé de fleurs de lys d’or à la bordure componée d’argent et de gueules (Touraine), au 3 contre-écartelé au 1 et 4 d’or au lion de sable, armé et lampassé de gueules, au 2 et 3 d’or au lion de gueules, armé et lampassé d’azur (Hainaut), au 4 bandé d’or et d’azur, à la bordure de gueules (Bourgogne))
Attribution : Bavière Marguerite de ; Bourgogne, Marguerite de
Position : Extérieur
Étage : Toit
Pièce / Partie de l'édifice : Façade ; Logis
Emplacement précis : Lucarne
Support armorié : Tympan
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue