L’ancienne salle capitulaire, autrefois close, se situait dans la sixième travée du bas-côté sud de la collégiale (La Mure 1674, p. 372 ; Guibaud, Monnet, Mermet 2008). Elle fit l’objet d’une importante rénovation au début du XVIe siècle (La Mure 1674, p. 372) sous le mécénat de plusieurs chanoines dont Claude de Saint-Marcel, doyen de la collégiale de 1505 à 1509 et fondateur d’une autre chapelle dans le même bas-côté. Les armoiries de ce dernier, sculptées dans un quadrilobe et vraisemblablement percées lors de travaux d’aménagements récents, sans doute pour faire passer des câbles électriques, se voient encore sur la clé de voûte (armoirie 26m). Plus tard, la salle fut transformée en chapelle et placée sous le vocable de saint André (Renon 1847, p. 180). À chaque angle, les retombées de voûtes présentent des écussons vierges de forme moderne, certainement apposés lors des lourds travaux de restauration effectués dans la chapelle au XIXe siècle (Guibaud, Monnet, Mermet 2008).
Il est également probable qu’un décor peint médiéval, aujourd’hui disparu, ait autrefois figuré dans cette chapelle ou dans ses alentours. En effet, au XVIIe siècle, le chanoine La Mure décrivait plusieurs écus d’alliance, supportés par des anges, « en la chapelle de saint Georges dans l’église collégiale de Montbrifon » (La Mure 1868, p. 70). André Steyert, gloseur de La Mure, précisait que ces décors ornaient « les quatre pendentifs des nervures de cette chapelle » (La Mure 1868, p. 71). La localisation de ce décor demeure toutefois incertaine. En effet, si la collégiale possédait effectivement un autel dédié à saint Georges, plus aucune chapelle ne conserve aujourd’hui ce vocable. L’emplacement de la chapelle mentionnée par La Mure est pourtant corrélé avec certitude à celui de la salle capitulaire car nous savons que les reliques de saint Aubrin étaient autrefois exposées « dans la muraille du chapitre au-dedans de l’esglize, vis-à-vis de la chapelle de sainct Georges » (Renon 1847, p. 252 ; Guibaud, Monnet, Mermet 2008). Si l’on en croit cette description, cette chapelle aurait donc fait face à la salle capitulaire et les peintures héraldiques décrites par La Mure auraient donc dû figurer sur les voutes du collatéral de la sixième travée, face à la salle du chapitre. Il est également possible que la chapelle Saint-Georges décrite par La Mure fut en réalité la salle capitulaire elle-même, appelée ainsi par métonymie, se référant à l’autel dédié au saint vraisemblablement situé en face de celle-ci. La disparition du décor de cette chapelle serait ainsi peut-être due aux importants travaux de restauration susmentionnés.
Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Esperance, salle, clé de voûte aux armes de Claude de Saint-Marcel.
Le premier écu décrit par La Mure (1868, p. 70) est donné comme présentant les armes ducales des Bourbons, dans leur forme ancienne, à savoir un semé de fleurs de lis (armoirie 6b) : il s’agit vraisemblablement des armes du duc Louis II († 1410), qui investit la collégiale à la suite de son mariage avec Anne-Dauphine en 1371. Cet écu était suivi d’un second, aux armes mi-parties de Bourbon et de Valois, attribué par La Mure à Isabelle de Valois († 1383), mère de Louis II (armoirie 32). Notons également que la sœur de ce dernier, Marie de Bourbon († 1401), prieuse de Poissy, employait une composition identique (La Mure 1868, p. 42 ; Artignan 2021, p. 77 ; Paris, BnF, RESERVE PE-1-FOL, f. 31 : base COLLECTA).
Suivait ensuite un écu aux armoiries « de Bourgogne tel que le prit le Duc Philippe le Hardy pour luy et sa famille, contreparti de même audit écusson de Bourbon aussi à fleurs de lys sans nombre » (La Mure 1868, p. 70) (armoirie 33). Cette composition pose un premier problème : la seule duchesse bourbonnaise à avoir porté le mi-parti Bourbon/Bourgogne est Agnès de Bourgogne († 1476), épouse du duc Charles Ier. Cependant, ses armoiries – très bien documentées – diffèrent sur plusieurs aspects. Tout d’abord, le premier parti d’Agnès ne présente pas un semé de lis mais trois fleurs de lis, sur le modèle de son époux et tel que l’on pouvait autrefois l’observer sur le portail de la collégiale, sur la tour Quiquengrogne et à la Sainte-Chapelle de Bourbon-L’Archambault, ou sur ses sceaux (base SIGILLA ; Artignan 2021, p. 109-110). Le second parti présentait quant à lui la version « moderne » des armes de Bourgogne, adoptées par son père Jean Sans Peur, c’est-à-dire un écartelé aux 1 et 4 de Touraine, aux 2 et 3 de Bourgogne et, sur le tout, un écusson aux armes de Flandre. Or, La Mure s’était déjà aperçu que l’écu dont il donnait la description ne présentait pas cette dernière caractéristique et, pour cela, il proposait de l’attribuer à Bonne de Bourgogne († 1399), promise au futur duc Jean Ier († 1434), fils du duc Louis II (La Mure 1868, p. 71). Steyert attribuait quant à lui cet écu à Agnès de Bourgogne, rejetant l’incohérence héraldique de la composition sur une erreur de l’artiste ou sur un repeint partiel volontaire (ibid.).
Il semble cependant que l’interprétation de La Mure soit la plus cohérente. En effet, il est improbable que l’absence du lion de Flandre et l’utilisation du semé soit dues à une erreur de l’artiste, souvent compétent en matière héraldique et, dans ce cas précis, disposant d’un modèle des armes d’Agnès de Bourgogne dans l’édifice même (sur le trumeau du portail). Les armes mi-parties Bourbon (semé) et Bourgogne (écartelé Touraine/Bourgogne) correspondent en revanche parfaitement à la composition que Bonne de Bourgogne devrait avoir employée de son vivant. De plus, les écus de Louis II, d’Isabelle de Valois et de Bonne de Bourgogne s’inscriraient dans une fenêtre chronologique cohérente : la promesse de mariage entre Jean de Bourbon – fils de Louis II, né en 1381 – et Bonne de Bourgogne – fille de Philippe le Hardi, née en 1380 – est notifiée par le roi Charles VI le 6 juin 1382 (Huillard-Bréholles 1867, p. 613), tandis qu’Isabelle de Valois décède le 26 juillet 1383 (ibid., p. 54). Ce décor peint aurait donc pu être réalisé entre 1382 et 1383, sous le principat du duc Louis II (armoirie 6b), du vivant de sa mère Isabelle de Valois (armoirie 32), pour célébrer l’union à venir de son fils Jean avec Bonne de Bourgogne (armoirie 33). Ce dernier écu symboliserait ainsi l’union entre les deux enfants.
Mais la présence d’un quatrième écusson, uniquement décrit dans la glose de Steyert et dans les notes de La Mure – qui lui attribue la troisième position dans la série héraldique (Durand, Huguet, p. 233) –, trouble cependant cette analyse. Cet écu présentait un mi-parti Bourbon-France, toujours semé de fleurs de lis (armoirie 34) (ibid. ; La Mure 1868, p. 71, note 1), que La Mure et son commentateur s’accordent pour attribuer à Jeanne de France († 1482), première épouse du duc Jean II de Bourbon († 1488). Cependant, cette duchesse – comme son époux – fit un usage exclusif de la forme à trois fleurs de lis tout au long de sa vie, comme en témoignent les nombreuses occurrences enluminées, sigillaires ou sculptées de ses armes. Steyert explique cette anomalie en proposant que le décor original représentant les armes du duc Louis II de Bourbon et de ses ancêtres ait été ensuite retouché sous le principat de Jean II pour y faire figurer les armes de la duchesse Jeanne de France et celles de sa mère la duchesse douairière Agnès de Bourgogne. Pour l’érudit, seule la partie féminine des écus aurait été reprise (en omettant le lion de Flandre sur les armes d’Agnès de Bourgogne), expliquant ainsi la présence anachronique des semés de fleurs de lis dans la moitié senestre de toutes les armoiries.
Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Esperance, salle capitulaire, écusson réalisé lors de la restauration de l’édifice au XIXe siècle.
Mais la théorie de Steyert doit inviter à la prudence. Si elle a le mérite d’expliquer l’étrange composition du décor de cette chapelle, elle rencontre plusieurs arguments d’opposition. Comme dit plus tôt, l’hypothèse de l’erreur héraldique est peu convaincante : les artistes ayant œuvré dans la collégiale étaient de toute évidence de compétents héraldistes, ou étaient tout au moins dirigés par quelqu’un de capable en la matière, comme l’atteste la centaine d’armoiries de la collégiale. Les erreurs sont rares et, sur la base des recherches en cours sur l’héraldique de la principauté bourbonnaise, nous pouvons affirmer qu’elles étaient d’autant plus rares sur les décors ducaux, en particulier lorsque plusieurs écussons attribuables aux mêmes individus sont déjà présents dans l’édifice. Ensuite, bien que la réalisation d’un décor mettant en scène les armes de Jeanne de France et d’Agnès de Bourgogne ne soit pas tout à fait à exclure, puisque celles-ci se côtoyèrent à la cour bourbonnaise de 1446 à 1476, cela n’explique toujours pas l’absence du lion de Flandre sur les armes d’Agnès, ni la présence des armes d’Isabelle de Valois qui auraient pu être remplacées également.
Les candidates à l’attribution de cette mystérieuse armoirie (armoirie 34) ne sont pas nombreuses, mais aucune ne semble avoir porté des armes tout à fait identiques à celles décrites par La Mure. La duchesse Jeanne de France, nous l’avons dit, portait un mi-parti Bourbon/France mais sous la forme trinitaire et Anne de Beaujeu († 1522), épouse du duc Pierre II de Bourbon, portait également la version à trois lis. La reine Jeanne de Bourbon († 1378) portait bien un mi-parti semé de lis mais dans une composition inversée (France à dextre et Bourbon à senestre) que La Mure et Steyert n’auraient pas manqué de remarquer. Une dernière candidate serait Marie de Berry († 1434), épouse de Jean Ier de Bourbon, qui portait un mi-parti Bourbon/Berry, pouvant être confondu avec un Bourbon/France si la bordure engrêlée du parti Berry s’était effacée. Néanmoins, cette théorie semble peu convaincante et l’œil aiguisé de La Mure aurait certainement su relever la brisure héraldique, même estompée par le passage du temps.
Les « erreurs » héraldiques et l’hétérogénéité de ce décor, jouxtant des armoiries en apparence chronologiquement incohérentes entre elles, impose donc une lecture prudente, en particulier au regard des témoignages lacunaires et parfois contradictoires du chanoine La Mure. Néanmoins, il convient de souligner que si ce décor date en effet du principat du duc Louis II, cette peinture pourrait être mise en relation avec les autres décors angéliques et héraldiques quasi-contemporains des voûtes de la crypte de Saint-Bonnet-le-Château et de la chapelle vieille du prieuré de Souvigny.
Auteur : Antoine Robin
Pour citer cet article
Antoine Robin, Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Espérance (salle capitulaire), https://armma.saprat.fr/monument/montbrison-collegiale-notre-dame-desperance-salle-capitulaire/, consulté
le 21/11/2024.
Artignan Aurore, Catalogue des sceaux de la famille de Bourbon. De la seigneurie à la royauté (fin XIIe-début XVIIe siècle), mémoire de recherche, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021.
Durand Vincent, Huguet Adrien, « Peintures murales découvertes dans l’église de Notre-Dame de Montbrison. Notes sur cette église tirées des papiers de la Mure », Bulletin de la Diana, 4, 1887, 227-241.
Guibaud Caroline, Monnet Thierry, Mermet Vincent, « Collégiale Notre-Dame d’Espérance », Dossier en ligne de l’Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, 2008.
Renon François, Chronique de Notre-Dame d’Espérance de Montbrison, ou étude historique et archéologique sur cette église, depuis son origine (1212) jusqu’à nos jours, Roanne 1847.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Espérance (salle capitulaire). Armoirie Claude de Saint-Marcel (armoirie 26m)
De (sable) semé de billettes d’(argent), au lion rampant (du même) lampassé de (gueules).
(Mi-parti : au 1 d’azur semé de fleurs de lis d’or, au bâton de gueules en bande brochant (Bourbon) ; au 2 d’azur à trois fleurs de lis d’or, à la bordure de gueules (Valois)).
Attribution : Bourbon Marie de ; Valois Isabelle de
Tenants / Supports : Deux anges
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale
Emplacement précis : Voûte
Support armorié : Pendentif
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
(Mi-parti : au premier, d’azur semé fleurs de lis d’or, au bâton de gueules en bande brochant (Bourbon) ; au deuxième, écartelé : aux 1 et 4 d’azur semé de fleurs de lis d’or à la bordure componée d’argent et de gueules (Touraine), au 2 et 3 bandé de six pièces d’or et d’azur, à la bordure de gueules (Bourgogne)).
Attribution : Bourgogne Bonne de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale
Emplacement précis : Voûte
Support armorié : Pendentif
Structure actuelle de conservation : Pièce remployée
(Mi-parti : au premier d’azur, semé de fleurs de lis d’or, au bâton de gueules en bande brochant (Bourbon) ; au deuxième, d’azur semé de fleurs de lis d’or (France)).
Attribution : France-Bourbon
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale
Emplacement précis : Voûte
Support armorié : Pendentif
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue