Élevée dans le secteur septentrional de la ville sur les vestiges de thermes gallo-romains (De la Croix 1905, p. 16), l’église Saint-Germain aurait été fondée au Xème siècle. Dépendant d’abord de l’abbaye Saint-Paul, elle fut donnée à l’abbaye de Montierneuf en 1083 par l’évêque Isembert II (Crozet 1934-1935, p. 593). L’édifice actuel ne conserve aucune trace de cette première construction. Une nouvelle église fut en effet construite au cours du XIIème siècle : dépourvue de collatéraux, elle terminait par l’abside en hémicycle que l’on peut encore voir à nos jours.
Poitiers, église Saint-Germain.
Entre la fin du XIIème siècle et le début du XIIIème, l’absidiole nord fut ajoutée et, un siècle plus tard, fut bâti le clocher. La nécessité de réparer les endommagements provoqués par la guerre de Cent Ans ou la volonté d’adapter l’édifice au goût de l’époque portèrent, à la fin du Moyen Âge, à remplacer la couverture de la nef, à l’origine charpentée, avec des voûtes d’ogives, comme il arriva à partir du milieu du XVème siècle à nombre d’autres églises de la ville et de la région (Colombiers, Lusignan etc.). En même temps, le collatéraux nord fut construit, peut-être pour répondre à l’augmentation de la population de la paroisse (Crozet 1934-1935, p. 593). Dégradé au XIXème siècle, quand elle était utilisée comme grange ou grenier à foin (De Fleury 1843, p. 214), l’église Saint-Germain a fait récemment l’objet d’un projet de réhabilitation et de transformation en auditorium.
Ange tenant un écu aux armes de France. Poitiers, église Saint-Germain, nef.
La construction des voûtes de la nef au XVème siècle fut scellée par l’apposition de clefs armoriées. Celle qui orne la troisième travée, vraisemblablement à l’époque surplombant le maître autel, porte un écu aux armes du roi de France (armoirie 2). Il est possible que le roi ait contribué au financement des travaux (Crozet 1934-1935, p. 593) ou que l’église était soumise à la protection royale. Une fleur de lys est par ailleurs représentée en creuse sur le mur oriental du clocher (armoirie 6) : réalisée dans des formes typiques du XVème siècle, elle laisserait croire que le réaménagement intéressa aussi cette partie de l’église. À l’intérieur, un ange, de très bonne facture, tient dans ses mains le bouclier aux armes royales, gauchement percé pour faire passer les câbles du système d’éclairage : un signe, hélas très recourant, du manque d’intérêt pour les images héraldiques même à d’époques très proches à nous (cf. église de Sanxay). La clef de voûte de la deuxième travée présente la figure d’un évêque, tandis qu’un deuxième écusson, encadré dans un feuillage luxuriant, est sculpté sur la clef de la première travée (armoirie 1). Aucune trace de figures héraldiques n’est plus lisible à son intérieur : il est possible qu’une armoirie y était peinte (voir l’église de Pouzioux, pour rester dans la région) et que la couleur ait été simplement emportée par le temps.
Armoirie bûchée (René Berthelot). Poitiers, église Saint-Germain, arc d’accès à la chapelle Berthelot.
Comme il arriva pour d’autres églises du centre ville (Saint-Opportune, Saint-Cybard, Saint-Porchaire), au XVIème siècle de familles de l’haute bourgeoisie poitevine obtinrent le droit d’y construire des chapelles funéraires. Une chapelle dédiée à la Sainte-Croix avait été déjà édifiée avant 1512 par Simon Moquet, curé de l’église qui voulut être enterré devant son autel (Crozet 1942, p. 204, num. 772). Maire en 1529 et habitant en rue de la Chaîne, donc dans la paroisse de Saint-Germain, René Berthelot († avant 1561) fit à son tour construire en 1531-1532 une chapelle sur le côté sud de la deuxième travée de la nef (Crozet 1934-1935, p. 595 ; Id. 1942, p. 229, num. 864 ; Blomme 1993, p. 271), sur une partie du cimetière qui entourait l’église et à partir de la muraille du clocher (Poitiers, Arch. dép. G9, liasse 98, cit. par Crozet 1934-1935, p. 596). Elle s’ouvre sur la nef par un arc en anse de panier, reposant à droite sur un pilastre surmonté par un chapiteau corinthien et orné d’un candélabre et d’une tête de profil dans un médaillon.
L’armoirie de René Berthelot était sculptée à la clef de l’arcade (armoirie 3) : il en reste que le heaume qui la timbrait, surmonté par un cimier d’interprétation douteuse, tandis qu’un cartouche, portant probablement la devise du commanditaire, se déployait d’un côté et d’autres de l’écu. L’armoirie de la famille était finalement sculptée même au-dessus de la porte d’entrée de la chapelle (armoirie 4), que René avait pu ouvrir sur le côté sud « pour sortir au cimetière » (Poitiers, Arch. dép. G9, liasse 98, cit. par Crozet 1934-1935, p. 596).
Poitiers, église Saint-Germain, détail de la porte de la chapelle Berthelot.
Décrite par René Corzet (ibid.), elle semble avoir disparu depuis : on en devine toutefois encore la trace dans la sorte d’accolade qui surmonte l’architrave de la porte. Un dernier écu (armoirie 5), réalisé en relief, est en revanche encore lisible sur le contrefort à gauche de la même porte d’entrée. Sa surface est trop abîmée pour en permettre une lecture. Il est toutefois plausible qu’il portait encore les armes des Berthelot : il aurait donc marqué l’extension de la chapelle construite par René.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Poitiers, église Saint-Germain, https://armma.saprat.fr/monument/eglise-saint-germain-poitiers/, consulté
le 28/03/2023.
Bibliographie sources
Poitiers, Archives départementales de la Vienne, G9, liasse 98.
Bibliographie études
É. de Fleury, Histoirede Sainte Radegonde reine de France au VIe siècle et patronne de Poitiers, Poitiers-Paris 1843.
P. de la Croix, « Les origines des anciens monuments religieux de Poitiers », dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 2ème, t. 29, 1905, p. 1-80.
R. Crozet, « Deux anciennes églises de Poitiers : Saint-Nicolas et Saint-Germain », dans Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 3ème, 10, 1934-1935, p. 585-597.
R. Crozet, Textes et documents relatifs à l’histoire des arts en Poitou (Moyen âge – Début de la Renaissance), Poitiers 1942.