Érigée probablement dans la première moitié du XIIe siècle (Poitiers, DRAC Novelle Aquitaine, CRMH, Étude préalable, p. 2), à la même époque du château et du prieuré proches aujourd’hui disparus, et classée aux titre des Monuments Historiques en 1914 (base POP), l’église Saint-Etienne de Celle-Lévescault fut largement remaniée au XIVe et au XVe siècle. D’après les rares études réalisées jusqu’à présent sur l’édifice, le clocher porche actuel aurait été ajouté contre la façade occidentale conservant l’ancien portail à la fin du XIVe siècle, tandis que une partie des voûtes d’ogive qui couvraient l’édifice depuis la fin du XIIème siècle aurait été reconstruite pendant le XIVe et le XVe siècle (des massons ont été payés pour des travaux probablement réalisés à l’église en 1444-1445 : Crozet 1942, p. 127, num. 506). D’autres travaux, dont l’ampleur reste à definir, auraient été réalisés dans la nef au XVIIIe siècle (Patrick Bouvart, communication orale). Si aucune intervention d’envergure ne semble avoir intéressé l’édifice aux XIXe-XXe siècles, la restauration dirigée par Goubert en 1932 aurait concerné le piquetage des enduits des voûtes, le remaillage des fissures et la réfection des joints de la maçonnerie des voûtains.
Ainsi, l’église, dont l’aspect est conforme aux caractères du gothique angevin, est aujourd’hui formée d’une nef unique, divisée en trois travées, et d’un chœur à chevet plat, composé de deux travées et éclairé par un triplet de baies, dont celle au centre est de taille majeure. Une tour clocher surmontait à l’origine la dernière travée de la nef. Dans la nef sont encore visibles des consoles figurées destinées à soutenir les poutres d’une charpente en berceau, peut-être jamais réalisée (Poitiers, DRAC Novelle Aquitaine, CRMH, Dossier de recensement).
Clef de voûte aux armes de Jean du Bellay. Celle-Levescault, église Saint-Etienne, chevet.
L’édifice présente encore de nos jours une belle série d’armories dont l’identification permette également de préciser davantage le phase de construction de l’édifice. Elles figurent sur les clefs de voûte de la nef (armoiries 1-4, 6) et sur la clef de l’arc doubleau qui sépare les deux travées du chœur (armoirie 5). Les écus armoriés sont traditionnellement attribuées aux évêques de Poitiers qui seraient intervenus dans l’aménagement de l’édifice, et notamment dans la construction des voûtes couvrant la nef et le chevet, réalisées au sein d’un chantier étalé tout au long des XIVe-XVe siècles. L’église Saint-Etienne de Celle-Lévescaut (Cella episcopalis) était en effet un fondation épiscopale et le siège d’une collégiale soumise au patronage de l’évêque poitevin (Chamard 1873, p. 436). Celui-ci en nommait notamment le prieur qui présidait, au XIIIe siècle, une communauté de neuf chanoines (Beachet-Filleau 1868, p. 226 ; Chamard 1873, p. 437, note 1 ; Favreau 1988, p. 57-58). Le rôle des évêques de Poitiers comme promoteurs des travaux de réfection de l’église semble effectivement prouvé par l’écusson aux armes du Bellay sculpté sur la clef de la deuxième travée du chevet (armoirie 6). Posé sur une crosse, il identifie incontestablement Jean du Bellay († 1479) (Crozet 1942, p. 147, num. 574b), évêque de Poitiers en 1462-1479 (Bibale ; Vallière 2008, p. 171-174), dont les armes sont connues également par le biais de plusieurs attestations monumentales (Paris, BnF, ms. Lat. 17042, f. 401 : Collecta).
Clef de voûte aux armes de l’abbé Guérin Boisseau (Bouesseau). Celle-Levescault, église Saint-Etienne, chevet.
L’identité de l’écu armorié qui précède celui aux armes de Jean du Bellay sur la première travée du chevet apparaît par contre moins évidente (armoirie 4). Posée sur une crosse épiscopale, l’armoirie présente trois lions issant d’un boisseau et rappelle celle des Bouesseau (Vaivre 1985), famille de Bourgogne qui, aux XIVe-XVe siècles, ne semble toutefois avoir fourni d’évêques ni à Poitiers, ni à d’autres diocèses français. Cependant, nous savons qu’un Guérin Boisseau (Bouesseau) fut abbé de Saint-Benoît de Quinçay dans les années 1468-1482 (Monsabert 1911-1912, p. 265 ; Fouchier 1862, p. 458) et, surtout, vicaire général de Jean du Bellay entre 1466 et 1479 (Vallière 2008, p. 173, 228, 431). Il est donc très probable que ce Guérin Boisseau, en vertu de son rôle de représentant d’un évêque qui était rarement présent dans son diocèse, eut un rôle de co-promoteur de la reconstruction du chevet de l’église Saint-Etienne et que pour cela y fit représenter ses armes. L’orientation de la crosse ne semble en effet un détail signifiant, puisque à ces dates l’extrémité supérieure de cet ornement extérieur de l’écu apparaît le plus souvent tournée vers l’extérieur dans les représentations d’armoiries d’évêques comme dans celles d’abbés. La présence des armoiries de l’abbé de Saint-Benoît de Quinçay semble ainsi permettre de dater la réalisation du chevet de l’église avec une certaine précision aux années 1468-1479.
L’identification de l’écu armorié figurant sur la clef de l’arc doubleau qui sépare les deux travées (armoirie 5), seul élément armorié qui semble appartenir à la phase de reconstruction plus ancienne de l’édifice (Patrick Bouvart, communication orale), est également problématique. Placée de manière à être vue de la nef, elle présente trois roquets ou plutôt trois cotterels, sorte de fers de lance utilisés dans les tournois, accompagnés par une étoile en chef. Exception faite pour le nombre de rais de l’étoile sculptée en chef, l’armoirie est tout à fait similaire à celle de la clef de voûte de la troisième travée de la nef (armoirie 3), dont l’authenticité semble cependant douteuse (Patrick Bouvart, communication orale). Cette dernière, qui pourrait avoir été sculptée sur la base d’un exemplaire ancien en mauvais état lors d’une restauration non documentée de l’édifice au XIXe siècle ou dans le cadre de celle de 1932, avait été déjà attribuée aux évêques poitevins Arnaud d’Aux (1304-1312) ou Fort (Fortius) d’Aux (1314-1357), son neveu (Crozet 1942, p. 68, num. 280 ; Poitiers, DRAC Novelle Aquitaine, CRMH, Étude préalable, p. 2). La famille D’Aux portait en effet des armes à trois meubles qui ont été interprétés comme des roquets par Beauchet-Filleau (1891, p. 190), probablement sur la base d’une empreinte de sceau en mauvais état (Sigilla). L’attribution de l’armoirie à Fort d’Aux demeure ainsi la plus plausible : si l’étoile en chef pourrait en effet constituer une brisure de l’armoiries familiale, que Fort aurait pu utiliser en tant que cadet de Guillaume d’Aux (Beauchet-Filleau 1891, p. 190), la forme étirée de l’écu conviendrait à une datation pas antérieure au milieu du XIVe siècle.
Clef d’arc aux armes de Fort d’Aux. Celle-l’Evescault, église Saint-Etienne (photo : Patrick Bouvart, DRAC).
L’identité de l’armoirie figurée sur la voûte de la deuxième travée demeure en revanche inconnue (armoirie 2). Elle présente une roue à huit rayons accompagnée d’une pointe de flèche (ou de lance) tournée vers le bas. Par son dessin trop propre et net pour dater de l’époque médiévale, cette clef de voûte semble appartenir à une phase plus récente d’aménagement ou reconstruction de la nef. Il est cependant impossible d’affirmer si elle reproduit les formes d’une armoirie plus ancienne qu’on a voulu remplacer parce qu’en mauvais état ou s’il s’agit d’une invention, inspirée éventuellement d’autres représentations héraldiques visibles dans l’église ou dans le village (nous noterons que cet écu armorié rassemble à celui qu’on voit sur une maison de Jazeneuil). À cette même phase de refection des voûtes appartiendrait également un autre écusson sculpté sur la clef de voûte de la première travée, aujourd’hui totalement dépourvu de traces d’armoiries (seules quelques fragments de peinture sont visibles sur son contour) (armoirie 1).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Celle-Lévescault, église Saint-Étienne, https://armma.saprat.fr/monument/eglise-saint-etienne-celle-levescault/, consulté
le 16/10/2024.
Bibliographie sources
Poitiers, DRAC Novelle Aquitaine, CRMH, 86 Celle L’Evescault, église. Dossier de recensement.
Poitiers, DRAC Novelle Aquitaine, CRMH, Vienne-Celle l’Evescault, église Saint-Etienne. Étude préalable à la restauration générale de l’édifice, octobre 2001.
Bibliographie études
Beauchet-Filleau Henri, De Chergé Charles, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 1, Poitiers 1891.
Beauchet-Filleau Henri, Pouillé du diocèse de Poitiers, Niort-Poitiers 1868.
Chamard François, « Histoire ecclésiastique du Poitou », Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 37, 1873, p. 59-492.
Crozet René, Textes et documents relatifs à l’histoire des arts en Poitou (Moyen âge – Début de la Renaissance), Poitiers 1942.
Favreau Robert, « Un siècle d’équilibre », dans Id. (dir.), Histoire du diocèse de Poitiers, Poitiers 1988, p. 53-65.
Fouchier Edouard de, « Un poitevin en Roussillon au XVe siècle », Mémoires de la Société des antiquaires de l’Ouest, 27, 1862, p. 427-462.
Monsabert Pierre de, « État sommaire des fonds concernant l’histoire monastique conservés dans la série H des archives départementales de la Vienne (suite) », Revue Mabillon, 7, 1911-1912, p. 253-287.
Vaivre Jean-Bernard de, « Un manuscrit ayant appartenu à Nicolas Bouesseau, maître des comptes du duc de Bourgogne », Archivum heraldicum, 99, 1985, p. 38-42.
Vallière Laurent, Le diocèse de Poitiers (Fasti Ecclesiae Gallicanae, t. 10), Turnhout 2008.