Prinçay, château de la Roche-du-Maine (grande salle)

L’aile est du château de la Roche du Maine, destinée à des fins substantiellement résidentiels, présente au premier étage deux grandes pièces, dont celle plus au sud, desservie par l’escalier en colimaçon, devait servir de salle d’apparat. L’ornementation de la pièce, qui est éclairée par cinq grandes baies, confirme sa fonction comme espace de réception. Un dispositif emblématique d’envergure y était mis en place pour mettre à l’honneur le propriétaire du château, Charles Tiercelin, et sa femme, Anne Turpin.

Les armes du couple étaient avant tout sculptées sur la cheminée installée sur le mur de refend nord de la salle, directement visible à ceux qui accédaient à la pièce par la qui était ouverte sur le mur d’en face (armoiries 1e, 4). Les écus armoriés étaient encastrés dans la hotte et étaient encadrés d’un côté et d’autre par des demi-colonnes et par un riche feuillage. Irréparables depuis plus d’un siècle – ils ont été remplacés par deux éléments lithiques non sculptés – ils sont documentés par un dessin réalisé à la fin du XIXe siècle publié par Roger Drouault. Bien que ce dernier, au début des années 1890, affirme qu’à son époque les deux écus avaient déjà disparu parce que vendus par « un propriétaire antérieur du château » (Droualut 1890-1894, p. 61), l’incision qui accompagne son texte (datée de 1891) fournit une reconstruction de la salle et de la cheminée en question qui semble fondée sur un témoignage bien précis : l’armoirie des Tiercelin apparaît correctement à dextre (armoirie 1e), à la place la plus honorable d’habitude réservée à l’époux, et celle des Turpin à senestre (armoirie 4), à la place habituellement destinées à l’épouse. À l’évidence, cette gravure servit de modèle à Déverin pour la planche contenant différents images du château qu’il prépara en 1913 pour illustrer le dossier d’inscription aux Monuments Historiques de la Roche-du-Maine et dans laquelle les deux armoiries sont esquissées comme si elles se trouvaient encore à leur place (Poitiers, DRAC Archives MH, 86 Prinçay). Encadrées par des couronnes de feuilles de laurier, les deux armoires étaient surmontées par deux oiseaux (des colombes ?) tenant un cartouche à la devise de Charles Tiercelin : Dieu pour guidon, vérité pour enseigne.

G. Balleyguier, La grande salle du château de la Roche-du-Maine (Paysages et monuments du Poitou, t. 4, 1891).

Le sol de la salle est quant à lui couvert par un carrelage en terre cuite et pierre disposé de façon de former une succession de cercles réalisés en pierre de touffu et reliés entre eux par des bandes de la même pierre : une solution inspirée de modèles italiens contemporaines (Pillet 2002, p. 34-35), qui serait davantage attestée dans l’Ouest de la France et qui, dans notre cas, semble faire écho à la structure des armes des Tiercelin (Mérindol 2006, p. 41, 45). Les dalles placées au cœur des roues gironnées qui dessinent le pavement portaient probablement des éléments emblématiques qui, malheureusement, ne semblent plus lisibles. Au centre de la pièce une rose de proportions plus importantes porte les armes du couple Tiercelin-Turpin (armoirie 3l), dans la forme d’un mi-parti comme l’on voit dans l’incision publiée par Drouault (1890-1894, p. 61) et dans un relevé publié au début des années 1970 (Carrelages et dallages 1972, pl. 151-152 ; la planche susmentionnée de Déverin, montrant les écus Tiercelin et Turpin accolés, est en revanche fantaisiste : Poitiers, DRAC Archives MH, 86 Prinçay). Le nom de Charles Tiercelin était enfin gravé dans la banderole qui entoure les armoiries, où René Crozr (1952, p. 277) pouvait encore lire les lettres « …iercelin ».

Château de la Roche-du-Maine, grande salle, sol émblématisé, détail (cliché Min. culture, Méd. de l'Architecture et du Patrimoine).

Prinçay, château de la Roche-du-Maine, détail du sol de la grande salle (cliché Min. culture, Méd. de l’Architecture et du Patrimoine).

Si l’association des armes des deux époux fixe la chronologie de ce décor après leur mariage célébré vers 1516, les analyses dendrochronologiques effectuées sur les charpentes ont établi que les poutraisons des deux chambres au premier étage du logis ne furent mises en place qu’en 1537-1538 (Jeanneau 1999, p. 8). La cheminée et le carrelage de la grande salle dateraient donc de la fin des années 1530 ou du début des années 1540 et seraient contemporaines de la première phase d’emblématisassions de la résidence, concentrée essentiellement – pour ce que on peut le voir aujourd’hui – sur le logis oriental.

Auteur : Matteo Ferrari

Bibliographie sources

Poitiers, DRAC Nouvelle Aquitaine, Archives Monuments Historiques, 86 Prinçay, Château de la Roche du Maine, Dossier de recensement.

F. Jeanneau, Vienne. Prinçay, château de La-Roche-du-Maine. Étude préalable à la restauration des charpentes et couvertures, Angers 1999 (Poitiers, DRAC Nouvelle Aquitaine, Archives Monuments Historiques, 86 Prinçay, Château de la Roche du Maine, Dossier de recensement).

Bibliographie études

R. Drouault, « Prinçay », dans Paysages et monuments du Poitou, Paris 1890-1894, t. 4, p. 60-61.

R. Crozet, « Le château de la Roche-du-Maine », Congrès archéologique de France, t. 109. Poitiers 1951, Paris-Orléans 1952, p. 270-279.

Carrelages et dallages du XII^ème au XVIII^ème siècle (Ministère des Affaires Culturels, Direction de l’Architecture, Centre de recherches sur les Monuments Historiques), Paris 1972.

M. Pillet, La splendeur des sols français du XIe au XXe siècle, Paris 2002.

Ch. de Mérindol, « Emblématique et carreaux de pavement à l’époque médiévale », Revue française d’héraldique et sigillographie, 76, 2006, p. 29-52.

Armoiries répertoriées dans ce monument