Situé sur l’emplacement d’une plus anciennes forteresse, citée en 1252 sous le nom de Rocha Dominica et propriété de la famille de Plagny au XIVe siècle (Crozet 1952, p. 270), le château de la Roche-du-Maine appartient à Charles Tiercelin (1483-1567), personnage très en vue de l’entourage de François Ier et propriétaire du château de Chitré (Vouneuil-sur-Vienne). Embrassé la carrière militaire, il suit le roi dans ses guerres en Italie et en 1525 fut fait prisonnier avec lui à la bataille de Pavie. Pendant toute sa vie, il associa l’activité militaire – il participa à la bataille de Saint-Quentin en 1527 et fut capitaine de Chinon – à des charges politiques et diplomatiques importantes : il fut maître des eaux et forêts de France, Champagne et Brie en 1525 ; chargé de missions diplomatiques en Angleterre en 1527 ; gouverneur et capitaine de Mouzon en 1543 …
À la Roche-du-Maine, Charles Tiercelin fit entreprendre des gros travaux de reconstruction vers 1520 ou, plus probablement, après son retour d’Italie (Jeanneau 1999, p. 8). Le chantier avança pourtant plutôt lentement ou subit des longues interruptions, probablement imputables au lancement des travaux à la résidence de Chitré où Tiercelin préférait résider (Guillaume 1995).
Château de la Roche-du-Maine, Prinçay. Façade de l’aile nord.
Les dendrochronologies effectuées sur les bois utilisés pour les couvertures et pour les plafonds permettent d’affirmer que le corps de bâtiment oriental fut achevé en 1534, tandis que l’aile nord ne fut terminée qu’en 1537-1538 ; les aménagements intérieures du bâtiment est sont encore plus tardifs, datant aux années 1537-1538 (rez-de-chaussée et premier étage) et aux années 1545-1546 (2nd étage) (Jeanneau 1999, p. 25). Abandonné par la suite et utilisé comme carrière de pierre, le château perdit ses ailes sud et ouest déjà avant 1813 (Jeanneau 1999, p. 3). Classé aux Monuments Historiques en 1914, il a été l’objet d’une restauration générale à partir du début des années 2000 (Poitiers, Archives MH, 86 Prinçay).
Le complexe se signale parmi les exemples les plus réussis et les mieux préservés de l’influence du goût de la première Renaissance dans l’architecture de la région, dans lequel les éléments défensifs traditionnels, marquant surtout l’entrée de la résidence, laissent de même la place à des aménagements de confort d’une richesse inouïe. Les éléments héraldiques et emblématiques constituent l’atout de ce manoir et nous délivrent des informations précieuses sur l’identité, les aspirations et les goûts de son propriétaire.
Le discours emblématique se concentre essentiellement sur la façade du corps de bâti nord, en dessus de l’entrée du château, sur les deux façades du logis est et, à l’intérieur, dans les salles du premier étage.
L’accès au château advenait à travers le corps de bâtiment nord, dont la construction avait débuté dans un deuxième temps par rapport à l’aile est.
Statue équestre de Charles Tiercelin. Château de la Roche-du-Maine, châtelet d’entrée (après restauration).
À son milieu, flanqué par deux grosses tours, s’ouvre un large portail surmonté par une statue équestre de Charles Tiercelin (largement réintégrée en 2010), placée dans une niche : un dispositif qui rappellera forcement celle de la statue de Charles VII qui surmontait l’entrée du palais de Jacques Cœur à Bourges ou de celle de Louis XII au château de Blois ou, encore, celle de Pierre de Rohan, seigneur de Gié, au château du Verger. Dans sa veste de comandant victorieux, représenté dans l’acte d’écraser un guerrier ennemi comme dans la statuaire antique, Charles monte un cheval orné d’une housse qui porte son nom, sculpté à grandes lettres sur la bordure inférieure, sa devise et ses armes entourées par le collier de l’ordre de Saint-Michel (Crozet 1952, p. 273), qui lui fut accordé en 1555 (armoirie 1). Son armoirie devait avoir été représentée même sur l’arcade externe du portail où un écusson martelé est encore visible (armoirie 2). La façade qui donne sur la cour intérieure est traversée par deux cordons moulurés, entre lesquels sont sculptées les armes des Tiercelins, toujours entourées du collier de Saint-Michel (armoirie 3) : un croquis de Louis Charbonneau-Lassay, conservé au musée municipale de Loudun, représente un de ces reliefs, à l’époque (1921) déjà mutilés.
Le dispositif emblématique est complété, pour ce qui concerne les façades du château, par les armoiries du propriétaire sculptées sur les deux lucarnes du logis oriental (côté cour), dont la mise en œuvre est contemporaine de la réalisation de la charpente (1534) (les trois lucarnes visibles sur la façade qui donne vers le jardin ont été par contre réalisé lors de la restauration de l’édifice, d’après le modèle de ceux de la façade ouest : Jeanneau 1999, p. 15).
Lucarne armoriée. Château de la Roche-du-Maine, logis est (coté cour).
Le linteau des fenêtres est surmonté par un fronton polygonal orné d’un écu aux armes des Tiercelin (armoiries 4, 5), tenu par deux lévriers, timbré d’un casque orné d’un panache. Réalisées donc dans la première phase de construction de la résidence, les armes de Charles Tiercelin ne sont pas encadrées par le collier de l’Ordre de Saint-Michel qui lui sera conféré seulement en 1555.
À l’intérieur, au premier étage des deux corps de bâtiment constituant aujourd’hui la résidence, se trouvent deux salles richement emblématisées : l’une avec une série de cerfs et biches saillant des murs et portant des écussons armoriés au cou, qui fournit probablement le modèle pour le décor analogue du château de Chitré, l’autre avec un sol émblématisé et une cheminée monumentale dont la hotte est ornée d’éléments héraldiques en partie disparus.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Prinçay, château de la Roche-du-Maine, https://armma.saprat.fr/monument/chateau-de-la-roche-du-maine-princay/, consulté
le 09/10/2024.
Bibliographie sources
R. Crozet, « Le château de la Roche-du-Maine », dans Congrès archéologique de France, CIX. Poitiers 1951, Paris-Orléans 1952, p. 270-279.
F. Eygun, « La Roche du Maine, le plus pur joyau Renaissance du Poitou », dans Vieilles maisons françaises, 18, octobre 1963, p. 6-8.
K. Lavault, G. Lavault, « La Roche du Maine », dans Le Picton, 74, 1989, p. 37-42.
J. Guillaume, « La Roche-du-Maine », dans P. Durand, J.-P. Andrault (dir.), Châteaux, manoirs et logis. La Vienne, Prahecq 1995, p. 80.
S. Longer, Chistré à travers les âges, s.l. 1927.
Bibliographie études
Poitiers, DRAC Nouvelle Aquitaine, Archives Monuments Historiques, 86 Prinçay, Château de la Roche du Maine, Dossier de recensement.
F. Jeanneau, Vienne.Prinçay, château de La-Roche-du-Maine. Étude préalable à la restauration des charpentes et couvertures, Angers 1999 (Poitiers, DRAC Nouvelle Aquitaine, Archives Monuments Historiques, 86 Prinçay, Château de la Roche du Maine, Dossier de recensement).
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Château de la Roche-du-Maine, Prinçay. Armoirie Charles Tiercelin (armoirie 1)
D’(argent) à deux tierces d’(azur) mises en sautoir accompagnées de quatre merlettes (ou tiercelets) de (sable).
Collier de l’Ordre de Saint-Michel.
Attribution : Chareles, famille
Position : Extérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Corps de bâtiment nord ; Façade