Si la majeure partie des tombeaux médiévaux et de la première Renaissance conservés dans l’église des Célestins était concentrée dans le chœur de l’église, les sources attestent que dans la chapelle d’Orléans, s’ouvrant sur le côté droit de la nef, se trouvait également « une grande quantité de tombeaux admirables par leur exécution, ou intéressans par les personnages qu’ils renferm[ai]ent » (Millin 1791, p. 53). Par-delà la présence des monuments aux cœurs de François II, Charles IX, Catherine de Médicis et Anne de Montmorency, plus récents mais qui donnent la mesure de l’importance de cette chapelle érigée par Louis d’Orléans comme lieu d’enterrement, nous signalerons notamment les tombeaux et les épitaphes les plus anciens réalisés pour des membres de la famille d’Orléans.
Épitaphe aux armes de Louis d’Orléans et de Valentine Visconti et de leurs fils, Charles et Philippe dans l’église des Célestins à Paris, chapelle d’Orléans (Paris, BnF, Français 20077, f. 29 : Gallica).
Aucun élément héraldique semble avoir été sculpté ou peint directement sur le tombeau de Louis d’Orléans († 1407) et Valentine Visconti († 1408), dont Millin nous fournit l’image (Millin 1791, pl. III-15). Le tombeau avait été commandé à Gênes par Louis XII, leur petit fils, en août 1502 et réalisé par des artistes italiens. Installé dans l’église entre novembre 1504 et février 1505, il présentait les gisants du couple et ceux de leurs enfants, Charles († 1465) et Philippe († 1420), distribués sur deux étages reposant sur un soubassement orné de statues de saints et d’apôtres dans des niches (Hamon 2011, p. 72-73 ; Erlande-Brandenburg et al. 1975, p. 34-35). La sépulture, démontée et aujourd’hui conservée dans la basilique Saint-Denis, était à l’origine accompagnée d’une double épitaphe armoriée, fixée sur les murs de la chapelle, dans des bordures ornées de fleurs de lis et de guivres (Guilhermy 1873, p. 444). Le premier, gravée sur du marbre noir, était à la mémoire de Louis d’Orléans et de Valentine Visconti. Accrochée « contre le deuxième pillier à gauche dans la chapelle l’Orléans » (Paris, BnF, Français 20077, f. 29 : Collecta), « près de la porte du chœur » (Millin 1791, p. 90) et en proximité du tombeau susmentionné, l’inscription était surmontée d’un relief peint présentant quatre écus armoriés timbrés d’une couronne (armories 1-4).
Inscription aux armes de Louis XII dans l’église des Célestins à Paris, chapelle d’Orléans (Paris, BnF, Français 20077, f. 31 : Gallica).
Au milieu les armes plaines d’Orléans, identifiant sans doute Louis (armoirie 2), étaient accompagnées par celles parties d’Orléans-Visconti qui indiquaient son épouse Valentine (armoirie 3). Nous noterons que celles-ci employaient pour la famille milanaise l’armoirie écartelée France-Visconti que Charles VI avait concédée à Jean-Galéas, seigneur de Milan : il est possible que le choix de cette armoirie, occasionnellement portée par Valentine (Hablot 2013, p. 272), était en lien avec les revendications du roi de France, et commanditaire du monument, sur la Lombardie, dont l’écho est visible aussi dans les textes des épitaphes accompagnant la sépulture (Guilhermy 1873, p. 444). Les armoiries du couple étaient flanquées, d’une part et d’autre, par celles de leurs enfants qui avaient été tumulés dans le même tombeau. A dextre, l’écartelé Orléans-Visconti appartenait à Charles (armoirie 1), comme le prouve, entre autres, son portrait dans l’Armorial de la Toison d’or (La Haye, Koninklijke Bibliotheek, ms. 76 E 10, f. 57r) (nous signalons que cette armoirie avait été utilisée aussi par le futur Louis XII en tant que duc d’Orléans : Sigilla ; Hablot 2013, p. 273-274). A senestre, l’écu aux armes d’Orléans appartenait en revanche à Philippe (armoirie 4). : il est donc possible que celui-ci portait la brisure avec un croissant de gueules sur le pendant central du lambel propre au deuxième fils de Louis et Valentine. La même composition figurait dans la partie supérieure d’une deuxième épitaphe, elle aussi placée « contre le deuxième pilier à gauche dans la chapelle d’Orléans » (Paris, BnF, Français 20077, f. 33).
Une troisième inscription, réalisée sur une plaque de marbre noir, était accrochée « contre le pillier à gauche dans la chapelle d’Orléans » et témoignait de l’intervention de Louis XII (« Ludovicux rex XII quieti… » : ibid., p. 442) pour la réalisation du monument à la mémoire de Louis d’Orléans et de Valentine Visconti (Paris, BnF, Français 20077, fol. 31 : Collecta). Les armes du roi, couronnées et entourées du collier de l’ordre de saint Michel, figuraient dans la partie supérieure, à l’intérieur d’un encadrement en demi-cercle (armoirie 5).
Tombeau de Renée d’Orléans, dans l’église du couvent des Célestins à Paris, chapelle d’Orléans. (Paris, BnF, Français 20077, f. 7 : Gallica).
Cet ensemble funéraire déjà extraordinaire fut complété dix ans plus tard par le tombeau en marbre de Renée d’Orléans († 1515), comtesse de Dunois, morte à l’âge de sept ans. Saisi à la révolution et reconstitué finalement au Louvre en 1959 (inv. RF459 ; base Agorha), il était placé à l’origine près de l’autel de la chapelle familiale (Millin 1791, p. 103). Sculpté en marbre et albâtre, le monument était formé par une niche, ornée d’une coquille dans la partie supérieure selon le style de la Renaissance, réalisée « dans le mur à main droite de l’autel » (Paris, BnF, Français 20077, fol. 56 : Collecta). Le gisant de la princesse était disposé sur un soubassement de marbre noir, orné dans la partie antérieure de quatre niches dans lesquelles se trouvaient quatre saintes martyres. Le portrait de la défunte, vêtue d’un riche costume, est veillé par six autres statuettes féminines (deux Vierge à l’Enfant, sur les deux côtés, et quatre saintes, sur le fond), elles aussi encadrées par des niches.
Licorne portant un écu aux armes de Renée d’Orléans. Paris, Musée du Louvre (RMN).
Deux anges tiennent le coussin sur lequel la tête du gisant est posée, tandis que, à ses pieds, une licorne, symbole de virginité, porte à son cou un écusson en forme de losange chargé des armes de la princesse, écartelées d’Orléans-Longueville et d’Alençon (armoirie 6a). Sur l’extrados de l’archivolte encadrant la sépulture, quatre anges portaient les armes de la jeune comtesse (armoiries 6b-e), toujours représentées dans des écus en losanges (ces éléments ont été perdus). Au sommet de l’arcade, deux anges agenouillés soutenaient en revanche un écusson de plus grande taille et de forme triangulaire, qui fut récupéré seulement dans un deuxième temps dans la basilique Saint-Denis, où les fragments des tombeaux provenant des Célestins avaient été déposés, parmi des débris de sculptures de toute sorte (Prinet 1916, p. 26) (armoirie 7). Il est conservé au musée du Louvre. Timbré de deux couronnes, et à l’origine surmonté par la statue du Christ, il porte des armes parties de France et de France-Bretagne que nous devrons attribuer à Claude de France (ibid., p. 29, mais voir aussi pour une comparaison l’écusson fragmentaire conservés dans les réserves du musée Sainte-Croix de Poitiers), duchesse de Bretagne et reine de France (dont les deux couronnes timbrant l’écu) entre 1515 et 1524. L’intervention de la reine dans la réalisation de ce monument peut s’expliquer : Françoise d’Alençon, mère de Renée, était belle sœur de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier, roi de France et époux de Claude de France.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, couvent des Célestins (chapelle d’Orléans), https://armma.saprat.fr/monument/paris-couvent-des-celestins-chapelle-dorleans/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie études
Erlande-Brandenburg Alain et alii, Le roi, la sculpture et la mort. Gisants et tombeaux de la basilique de Saint-Denis, Paris 1975.
Guilhermy, Ferdinand de, Inscription de la France du Ve au XVIIIe, t. 1, Ancien diocèse de Paris, Paris 1873.
Hablot, Laurent, « La mémoire héraldique des Visconti dans le France du XVe siècle », dans M. Ferrari (dir.), L’arme segreta. Araldica e storia dell’arte nel Medioevo (secoli XIII-XV), Florence 2013, p. 267-283.
Hamon, Etienne, Une capitale flamboyante. La création monumentale à Paris autour de 1500, Paris 2011.
Millin,Aubin-Louis, Antiquités nationales ou recueil de monuments pour servir à l’histoire générale et particulière de l’empire françois, t. 1, Paris 1790.
Paris 1400. Les arts sous Charles VI, catalogue de l’exposition (Paris 2004), Paris 2004.
Prinet, Max, « Un écusson de marbre conservé au Musée du Louvre », Revue du seizième siècle, 1916, p. 24-30.
Willesme Jean-Pierre, Catalogues d’art et d’histoire du Musée Carnavalet, I. Sculptures médiévales (XIIe siècle-début du XVIe siècle), Paris 1979.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Paris, couvent des Célestins (chapelle d’Orléans). Armoirie Charles d’Orléans (armoirie 1)
Écartelé : aux 1 et 4, d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or), au lambel d'(argent) (Orléans) ; aux 2 et 3, d'(argent) à la guivre ondoyante d’(azur) posée en pal, couronnée d’(or) et engloutissant un enfant de (gueules) (Visconti).
Timbre : une couronne.
Attribution : Orléans Charles de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chœur
Emplacement précis : Pilier ; Pilier gauche
Support armorié : Inscription
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Mi-parti : au premier, d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or), au lambel d'(argent) (Orléans) ; au deuxième, écartelé, aux 1 et 4 d'(azur) semé de fleurs de lys d'(or) (France), aux 2 et 3, d'(argent) à la guivre ondoyante d’(azur) posée en pal, couronnée d’(or) et engloutissant un enfant de (gueules) (Visconti).
Écartelé : aux 1 et 4, d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or), au lambel d'(argent), à la bande d'(argent) brochant sur le tout (Longueville) ; aux 2 et 3, d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or), à la bordure de (gueules) chargé de huit besants d'(argent) (Alençon).
Tenant : une licorne.
Attribution : Orléans-Longueville Renée de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chœur
Emplacement précis : Côté sud ; Enfeu
Support armorié : Monument funéraire
Structure actuelle de conservation : Paris, Musée du Louvre
Écartelé : aux 1 et 4, d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or), au lambel d'(argent), à la bande d'(argent) brochant sur le tout (Longueville) ; aux 2 et 3, d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or), à la bordure de (gueules) chargé de huit besants d'(argent) (Alençon).
Tenant : un ange.
Attribution : Orléans-Longueville Renée de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chœur
Emplacement précis : Côté sud ; Enfeu
Support armorié : Archivolte ; Monument funéraire
Structure actuelle de conservation : Paris, Musée du Louvre
Paris, couvent des Célestins (chapelle d’Orléans). Armoirie Claude de France (armoirie 7)
Parti : (au premier, d’azur à trois fleurs de lys d’or) (France), au deuxième, écartelé : aux 1 et 4 d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or) (France), aux 2 et 3 d’hermine plain (Bretagne).
Tenant : deux anges.
Timbre : deux couronnes.
Attribution : France, Claude de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chœur
Emplacement précis : Côté sud ; Enfeu
Support armorié : Archivolte ; Monument funéraire
Structure actuelle de conservation : Paris, Musée du Louvre