Les Célestins s’installèrent à Paris en 1352 dans des structures qui avaient été auparavant occupées par les Carmes, dans le Marais. L’ordre, dont la règle avait été approuvée en 1294 par le pape Célestin V qui en avait été le fondateur, bénéficiait d’une particulière bienveillance de la part du roi de France qui, depuis Philippe le Bel, le considérait comme un emblème de la primauté du pouvoir de la monarchie sur celui de l’Eglise de Rome.
A.P. Martial, Façade de la chapelle des Célestins à Paris, 1846. Paris, BnF (Gallica).
La construction d’un nouveau couvent, situé en proximité de l’hôtel Saint-Pol et des remparts de la ville, initia en 1365 grâce à l’intervention du roi Charles V. Les travaux commencèrent par l’édification de l’église, comme en témoigne la pierre de fondation inscrite retrouvée, encore engagée dans la maçonnerie du mur de fond du sanctuaire, le 27 octobre 1847 (Guilhermy 1873, p. 432). Deux ans plus tard, en 1367, le même Charles V, donnait aux Célestins 10000 livres d’or « pour édifier, parfaire et achever leur église » (ibid.), qui sera consacrée à la présence du roi sous le vocable de Sainte-Marie, le 15 septembre 1370, par l’archevêque de Sens, Guillaume de Melun. Des travaux d’aménagement furent réalisés au fil des siècles. Le cloître du couvent, édifié au milieu du XIVe siècle, fut ainsi reconstruit entre 1539 et 1550. Avec la suppression de l’ordre en 1770, les Célestins durent quitter leur couvent en 1775. Abandonné jusqu’à 1791, le complexe fut transformé en caserne à partir de 1791. Les derniers vestiges de l’église et des bâtiments conventuels furent détruits en 1847-1848.
Portail de l’église des Célestins (Millin 1790).
De rares fragments sculptés et des documents écrits et iconographiques permettent de se faire une idée de l’ornementation, jadis riche, de cet édifice et surtout de son église. Le portail de celle-ci était orné, selon une pratique courante dans les églises parisiennes construites au XIVe siècle par l’intercession de membres de la famille royale, par les statues des bienfaiteurs de l’institution (aujourd’hui conservées au Louvre : Erlande-Brandenburg 1972, p. 221-222) : celle de Charles V tenant la maquette de l’église figurait à gauche (dextre), tandis que celle de son épouse, Jeanne de Bourbon, était à droite. Le fondateur de l’ordre, Pietro de Morrone, était représenté sur le trumeau dans une statue réalisée par Jean de Thoiry peu avant 1378 (ibid., p. 218). A la différence d’autres portails parisiens présentant une ornementation sculptée similaire (voir, par exemple, celui de l’ancienne chapelle Saint-Yves), les portraits du roi et de la reine ne semblent pas avoir été accompagnés d’écus à leurs armes (MIllin 1790, p. 11-13 et pl. III-2 : dans l’incision le dessin représentant le portail a été reproduit à l’envers). Il paraît toutefois que le manteau du roi, tout comme la ceinture portée par la reine étaient ornés de fleurs de lys peintes en or.
L. Boudan, Vitrail aux armes et devises de Charles de Bourbon, dans l’église des Célestins à Paris (Paris, BnF, RESERVE PC-18-FOL, f. 13 : Collecta).
Très peu d’informations nous sont parvenues sur l’ornementation de l’édifice. Nous mentionnerons alors le vitrail aux armes et devises de Charles de Bourbon (armoirie 1), cardinal de Lyon, dans la chapelle dite de Gêvres, en raison du nom de la dernière famille qui en eut le patronat au XVIIIe siècle. Consacrée en 1482 par Luis de Beaumont, évêque de Paris, elle était située sur le côté droit de l’église (Millin 1791, p. 22). Formée d’une nef, sur laquelle donnaient d’autres chapelles, et d’un chœur elle avait été rebâtie sur une plus ancienne à l’initiative de Charles de Bourbon († 1488), qui en avait posé la première pierre, et qui pour cela obtint vraisemblablement le droit d’y faire représenter ses armes, comme un dessin de Louis Boudan en témoigne (Paris, BnF, RESERVE PC-18-FOL, f. 13 : Collecta ; voir aussi Paris, BnF, ms. Clairambault 640, f. 62 : Collecta). L’écu aux armes de l’archevêque de Lyon figurait dans un panneau trilobé placé dans la partie sommitale de la verrière. Il était posé sur une crosse de procession à double travers, timbré d’un chapeau rouge, signes du rang ecclésiastique de Charles II de Bourbon, et accompagné par une cartouche à sa devise « Nespoir ne peur » (Devise). Plus en bas, deux panneaux étaient ornés de la devise de l’épée flamboyante rouge, tenue par une dextrochère de la même couleur, utilisée elle aussi par l’archevêque et représentée sur plusieurs œuvres qu’il avait commandité (Devise). La composition était complétée par le monogramme CHS (Devise) de Charles de Bourbon (Boudan a probablement mal interprété l’inscription, qu’il transcrit comme IHS).
Console armoriée, provenant du couvent des Célestins à Paris. Paris, Musée Carnavalet, AP 142.
Nous ignorons en revanche de quelle partie de l’édifice provienne une console, datée des années 1380-1420, retrouvée dans des fouilles réalisées en 1911 pour la construction de maisons entre le boulevard Henri IV et la rue Jules-Cousin et du Petit-Musc (Willesme 1979, p. 40, num. 15), et déjà remployée dans un mur qui entourait le couvent (Paris 1400 2004, p. 129) (Paris, Musée Carnavalet, inv. AP 142). Portant à l’origine une statue de saint Sulpice, archevêque de Bourges, comme en témoigne l’inscription en lettres gothiques gravée sur son tailloir, elle est ornée de deux anges portant un écu qui présente l’une des plus anciennes représentations du Sacré-Cœur (ibid.). Nous y reconnaissons facilement le cœur entouré d’une couronne d’épines et sommé d’une croix, chargée d’une hostie au croisement de ses bras (armoirie 2). Nous n’avons pas pu pour le moment déterminer si l’écu porte une armoirie réelle (d’une confrérie, par exemple ?) ou s’il s’agit d’une image de dévotion. Nous signalons qu’une composition similaire a été décrite et documentée sur la façade de l’église des Minimes de Chaillot à Paris.
Avant sa destruction, l’église des Célestins se présentait en tout cas comme un véritable armorial grâce aux nombreuses tombes qui se trouvaient concentrées, comme nous le verrons, à la fois dans le chœur de l’église et dans les chapelles latérales, notamment pour la période qui nous intéresse de plus près dans celle d’Orléans.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, couvent des Célestins, https://armma.saprat.fr/monument/paris-couvent-des-celestins/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie études
Erlande-Brandenburg, Alain, « Jean de Thoiry, sculpteur de Charles V », Journal des Savants, 3, 1972, p. 210-227.
Guilhermy, Ferdinand de, Inscription de la France du Ve au XVIIIe, t. 1. Ancien diocèse de Paris, Paris 1873.
Millin,Aubin-Louis, Antiquités nationales ou recueil de monuments pour servir à l’histoire générale et particulière de l’empire françois, t. 1, Paris 1790.
Paris 1400. Les arts sous Charles VI, catalogue de l’exposition (Paris 2004), Paris 2004.
Willesme Jean-Pierre, Catalogues d’art et d’histoire du Musée Carnavalet, I. Sculptures médiévales (XIIe siècle-début du XVIe siècle), Paris 1979.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Paris, couvent des Célestins. Armoirie Charles II de Bourbon (armoirie 1)
D’azur à trois fleurs de lys d’or, au bâton de gueules en bande brochant.
Attribution : Bourbon Charles II de
Timbre : Une croix de procession ; Un chapeau d’archevêque
Devise : « Nespoir ne peur » ; épée flamboyante rouge, tenue par une dextrochère de la même couleur ; monogramme CHS.
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale
Emplacement précis : Baie
Support armorié : Verrière
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue