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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Lussac-les-Châteaux (musée La Sabline), pièce erratique

 

Le relief armorié (armoirie 1), mesurant 48 centimètres de largeur pour 53 centimètres de hauteur (profondeur 17 centimètres), appartient à la collection lapidaire du Musée La Sabline de Lussac-les-Châteaux et est exposé dans la cour externe de l’édifice. Il fut retrouvé en 1977, dans la vase, à coté de la rive méridionale de l’étang situé aux pieds du château de Lussac, en bas de la rue qui monte au village (Querrioux et alii s.d., p. 14).

Lussac-les-Chateaux. L'étang et les piliers du pont-levis.

Lussac-les-Chateaux. L’étang et les piliers du pont-levis.

On a donc supposé que la pierre provenait du pont-levis monumental, dont les ruines pittoresque des piliers se dressent encore dans l’eau de l’étang, désormais dépourvues des passerelles en bois qui devaient les relier (Baudry 2001, p. 309-310). Connu à partir de 1065 (Crozet 1971, p. 195), lorsque les documents citent un « castellum Luciagum » (Durand, Andrault 1995, p. 357), le château de Lussac fut rebâti au XIIIe siècle ou au début du XIVe, comme le suggèrent les ruines conservées aux marges de l’habitat (Baudry 2001). Des travaux de consolidation furent réalisés pendant la guerre de Cent Ans. En 1404, le châtelain de Luçon reçu l’ordre de faire fortifier la place (Baudry 2001, p. 309-310) et avant 1494 Geoffroy Taveau  lança des travaux de réaménagement des douves du château (Olivier 2005, p. 60-61; Le patrimoine des Communes 2002, p. 514-515).

Le présence des armes du propriétaire de la forteresse (ou celles de sa famille) à l’entrée principale était courante et on en trouve des exemples, dans la région, à Bourg-Archambault ou à Dissay. Sur la base de ce présupposé, on a probablement interprété le relief comme une armoirie d’alliance entre la famille de Taveau, qui détenait la seigneurie de Lussac (et qui portait d’or au chef de gueules chargé de deux pals en vair ; Gouget 1866, p. 62), et de Rochechouart, qui portait un fascé ondé d’argent et de gueules (Armorial Le Breton, Paris, Archives Nationales, ms. MM684/L-AE/I/25/6, p. 44). Dans la composition des armoiries d’alliance, l’arme de la femme est placée sur la droite (senestre héraldique) pour laisser la place d’honneur à celle du mari (dextre) : on en a donc conclu que la pierre avait été réalisée en 1526 à l’occasion du mariage entre Renée Taveau baronne de Mortemer et François Rochechouart de Mortemart (1502-1552 ou 1565) (Querrioux et alii s.d., p. 14; Olivier 2005, p. 65), déjà fiancés en 1509. Outre les fiefs provenant de l’héritage de son père, Renée apportait à son époux les terres de Lussac, qui restèrent après dans la famille Rochechouart jusqu’à la Révolution (Querrioux et alii s.d., p. 14). Selon cette hypothèse, la figure représentée dans le bouclier résulterait donc de la combinaison de quelques éléments des armoiries de deux époux. Notamment, l’élément sur la droite constituerait une citation du vair qui apparaît dans le chef de l’arme des Taveau, seigneur locaux  —ce  qui justifie d’ailleurs son remploi dans l’armoirie actuellement utilisée par la commune de Lussac — tandis que la figure à gauche reprendrait les fasces ondées de l’arme des Rochechouart. En outre, bien que découverte hors de son contexte d’origine, l’armoirie a été interprétée comme indicateur des travaux d’aménagement de la forteresse réalisés par François Rochechouart (Olivier 2005, p. 65).

Enseigne de maréchal ferrant. Lussac-les-chateaux, Musée la Sabline.

Enseigne de maréchal ferrant. Lussac-les-chateaux, Musée la Sabline.

Cette hypothèse, bien que suggestive, ne prend toutefois pas en compte le fait que l’image ne respecte pas les codes propres au langage héraldique : une arme d’alliance aurait été composée par un écu parti aux armes du mari et de la femme (ou mieux, du père de cette dernière), disposées de manière à occuper toute surface disponible. Or, elles apparaissent ici  isolées au centre du bouclier. De même, les figures représentées dans l’armorie de Lussac-les-Châteaux ne forment pas une armoirie partie, puisque elles ne sont pas partagées par une seule ligne verticale, mais plutôt par un double trait vertical qui crée un espace vide. Dans le relief l’écu présente donc deux objets autonomes, mis l’un à côté de l’autre. Il s’agirait plutôt de deux types différents de mors de bride, comme le suggère une comparaison avec les harnachements dessinés dans la première moitié du XVIe siècle au château de Caen : mêlés à des monogrammes, ils constituaient la décoration des parois internes d’un grand édifice utilisé comme salle d’apparat ou comme écurie (Decaëns, Dubois 2009, p. 76-77).  Il est donc probable que le relief de Lussac, qui daterait également de la première moitié du XVIe siècle, ne portait pas une armoirie, mais plutôt une enseigne d’un maréchal ferrant, dont l’atelier pouvait se situer juste à l’extérieur du château.

Auteurs : Laurent Hablot, Matteo Ferrari

Pour citer cet article

Laurent Hablot, Matteo Ferrari, Lussac-les-Châteaux (musée La Sabline), pièce erratique, https://armma.saprat.fr/monument/musee-la-sabline-lussac-les-chateaux/, consulté le 21/11/2024.

 

Bibliographie études

A. Gouget (par), Armorial du Poitou et état des nobles réservés dans toutes les élections de la généralité, Niort 1866.

R. Crozet, « Recherches sur les sites de château et de lieux fortifiés en Haut-Poitou au Moyen-Age », dans Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 11, 3, 1971, p. 187-217.

P. Durand, J.-P. Andrault (sous la dir.), Châteaux, manoirs et logis. La Vienne, Prahecq 1995.

M.-P. Baudry, Les Fortifications des Plantagenêts en Poitou 1154-1242, Paris 2001.

Le patrimoine des communes de la Vienne, sous la dir. de A. Guihéneuc, R. Toulouse, Paris, Flohic, 2002.

M.-R. Olivier, Lussac-les-Chateaux : histoire et topographie d’une petite ville du Haut Poitou médiéval, mémoire de master I, sous la dir. de C. Tréffort, L. Bourgeois, Université de Poitiers 2005, p. 60-65.

J. Decaëns, A. Dubois (dir.), Le château de Caen. Mille ans d’une forteresse dans la ville, Caen 2009.

A. Querrioux, G. Bredel, J.C. Petit, T. Lejars, Lussac-les-Chateaux. Vienne, s.d. s.l.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Lussac-les-châteaux, pièce erratique

De … à deux mors de cheval de … en cœur.

  • Attribution : Enseigne
  • Position : Inconnue
  • Pièce / Partie de l'édifice : Inconnue
  • Emplacement précis : Inconnu
  • Support armorié : Pierre sculptée
  • Structure actuelle de conservation : Lussac-les-Châteaux, Musée La Sabline
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1501-1525 ; 1526-1550
  • Dans le monument : Lussac-les-Châteaux (musée La Sabline), pièce erratique

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