Situé à une douzaine de kilomètres au sud-est de Montmorillon, au sommet d’un plateau, le château de Bourg-Archambault (« chaste dudit lieu du Bourt au Chabaux ») a été bâti au milieu d’un petit lac formé par les eaux pluviales, surveillant la voie d’accès au village. Sa physionomie originelle a été très altérée par les travaux de restauration « en style » entrepris à partir de 1865, qui intéressèrent notamment le grand logis (Durand 1986, p. 69) et l’enceinte fortifiée, en grand partie détruite ou rasée. De l’imposante courtine défensive, il ne reste que le secteur nord, caractérisé par six tours, reliées entre elles par des hautes murailles, et incluant, au centre, un châtelet qui domine le seul accès à la court.
Bourg-Archambault, château, poterne d’entrée.
Si une première structure fortifiée est mentionnée en 1405 (Durand 1986, p. 61), il n’est pas certain qu’il s’agisse du château actuellement visible. Une lettre royale du 1412 nous apprend en effet que l’ensemble castral, qui nécessitait des réparations à cause de sa « grande ancienneté » et des menaces portées par les Anglais, contenait l’« église paroissiale du dit lieu » (Durand 1986, p. ) et servait d’abri aux habitants des alentours en cas de nécessité : « … lesquels manans et habitants sont plus prochains du dit chatel du Bourg que d’autre fortresse et y peuvent plutost et plus aisément avoir leur retrait que ailleurs » (Durand 1986, p. 353). Ces indications laissent donc penser que le premier château de Bourg-l’Archambault, dont aucun vestige n’est conservé, présentait la physionomie d’un château-refuge, plutôt que d’une forteresse féodale. Cependant, il est possible qu’il occupait le même emplacement du château actuel : la tour circulaire d’environ 10 mètres de diamètres, aujourd’hui rasée et identifiée dans la cour, entre le logis et la poterne, pourrait en effet constituer le donjon de cette première forteresse (Durand 1986, p. 98, 104).
Quoi qu’il en soit, cette structure fut détruite avant 1474, quand son propriétaire, Poncet de Rivière, fut condamné par Louis XI au bannissement et à la destruction de ses châteaux pour avoir été impliqué dans un affaire d’empoissonnement du roi (Durand 1986, p. 104). Après avoir obtenu le pardon royal en 1477 et, un an après, la permission de reconstruire les forteresses détruites, Poncet aurait commencé l’édification d’un nouveau château, peut-être déjà achevé avant sa mort en 1487. Ses héritiers, rapidement ruinés, furent pourtant contraints de vendre l’immeuble qui fut ainsi acheté en 1494 par Pierre de Sacierges, abbé de la Châtille et de Notre-Dame-la-Grande de Poitiers et, dès 1491 (mais, officiellement, depuis 1495), évêque de Luçon. Homme politique d’envergure, il accompagna le roi en Italie et assuma la charge de « chancellier et président du Conseil et chef de justice » du duché de Milan. Même s’il ne fut pas très présent à Bourg-Archambault – il y mourra toutefois en 1514 et son corps sera déplacé quatre ans plus tard de ce village à Poitiers – Pierre de Sacierges s’engagea aussitôt dans une série de travaux pour améliorer l’aspect résidentiel de la forteresse et l’élever, par conséquent, au rang des autres résidences épiscopales de la région, sur l’exemple du château de Dissay de Pierre d’Amboise.
Cheminée aux armes de Pierre de Sacierges. Bourg-Archambault, château, châtelet d’entrée, Ier étage, pièce ouest.
Une mise en signe héraldique tout à fait exceptionnelle caractérise toutes les parties commanditées par ce haut prélat, notamment la poterne d’entrée et le logis avec sa chapelle. A l’extérieur, l’armoirie de l’évêque était probablement affichée au-dessus du grand portail d’accès à la cour (armoirie 1), selon une pratique habituelle qu’on retrouve également dans d’autres forteresses de la région (voir, par exemple, le château d’Angle-sur-l’Anglin érigé par Pierre de Combarel). Malheureusement, la pierre a été bûchée et il est désormais impossible d’identifier l’armoirie qui y était représentée. À l’intérieur du châtelet, les armes de Pierre de Sacierges – fascé d’argent et d’azur ( ?) au lion de gueules couronné brochant sur le tout (De la Fontanelle 1847, I, p. 968), posé sur une crosse et sommé d’une mitre – ont été sculptées sur les cheminées qui ornent les murs orientaux des trois pièces au premier étage (armoiries 2a-c). Desservies par une escalier étroit qui monte directement de la cour, les trois petites salles, en communication entre elles, forment une sorte d’appartement éclairé par des fenêtres ornées d’accolades ouvertes vers l’extérieur du château et vers son intérieur, un signe de la fonction résidentielle et non militaire de cet espace (s’agissait-il d’une sorte de studiolo inachevé ?). Les armes de l’évêque, toujours timbrées par les enseignes propres à son autorité épiscopales, sont sculptées sur la hotte des cheminées des trois petites salles situées au premier étage. Égales dans la forme et dans leur dimensions (l’écusson mesure 20 centimètres de haut, tandis que la composition mesure environ 45), d’une qualité formelle non négligeable, les écussons aux armes de Pierre de Sacierges sont timbrés des enseignes de la fonction de l’évêque : la crosse et la mitre, ornée de gemmes et d’éléments d’orfèvrerie, d’où retombent les deux fanons.
Cheminée aux armes de Pierre de Sacierges. Bourg-Archambault, château, châtelet d’entrée, Ier étage, pièce centrale.
Les armes de Pierre de Sacierge apparaissent ensuite sur la cheminée installées dans la pièce au rez-de-chaussée de la tour nord-ouest (armoirie 2d). Si l’écusson apparaît aujourd’hui dépourvu de toutes enseignes de fonction, l’observation directe de la pièce permet d’établir qu’à l’origine elle était également timbrée d’une crosse et d’une mitre, martelées au moment de son remploi (la pointe de l’écu a été aussi retravaillée). Il est cependant improbable que cette pierre armoriée ait été dès l’origine destinée à cette salle, dont la fonction défensive est attestée par les quatre canonnières aujourd’hui condamnées. D’ailleurs, la pierre sculptée de la tour nord-ouest ne constitue pas la seule pièce erratique du château. À l’intérieur du logis, dans l’embrasure d’une fenêtre de l’escalier monumental desservant les différents étages du bâtiment, se trouve une pierre erratique sculptée aux armes de l’évêque (armoirie 2e) dont l’aspect et les dimensions correspondent parfaitement à celles du relief de la tour nord-ouest et, aussi, à celles des autres pierres insérées dans le manteau des cheminées du premier étage de la poterne.
Produites par un même atelier, ces pierres armoriées devaient probablement orner une partie spécifique du château : étaient-elles aussi destinées au châtelet d’entrée, et notamment aux cheminées situées dans les trois pièces au deuxième étage et dont on ne conserve en place que les piédroits (Durdand 1986, p. 84-86), selon la même configuration que l’étage inférieur ?
Cheminée aux armes de Pierre de Sacierges. Bourg-Archambault, château, tour ouest, salle au rez-de-chaussée.
Il est plausible que la mise en scène héraldique de cet espace faisait partie d’un projet – partiellement inachevé – de transformation de la poterne d’entrée, à l’origine vouée à la défense du château, en une structure résidentielle, peut-être réservée à l’évêque et à ses proches. Au même moment, les archères et les canonnières de cette partie de la poterne furent remplacées par des fenêtres bien plus larges.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Bourg-Archambault, château, https://armma.saprat.fr/monument/chateau-bourg-archambault/, consulté
le 16/10/2024.
Bibliographie études
A.-D. de la Fontenelle, Histoire du monastère et des évêques de Luçon, Paris 1847.
F. Reix, « Le château de Bourg-Archambault », dans Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 4e, 1, 1950, p. 473-488.
Ph. Durand, Les châteaux de la baronnie de Montmorillon aux XIVe et XVe siècles, doctorat de civilisation médiévale, sous la dir. de Robert Favreau, Université de Poitiers, 1986.