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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Poitiers, tour vers Rochereuil

 

La tour connue comme « tour vers Rochereuil » (Baudry 2001, p. 237) s’élève, isolée, dans le parc de la Petite Villette. Elle faisait partie de l’enceinte septentrionale de la ville et, probablement, constituait la tour la plus à l’est du château triangulaire édifié par Philippe-Auguste et rebâti vers la fin du XIVe siècle par Jean de Berry. La tour actuelle prit vraisemblablement la place d’un édifice plus ancien. Un contrat fut passé le 23 septembre 1507 entre Simon Herbert, maire de Poitiers de 1507 à 1508, et Charles Coutant, maçon, pour la reconstruction d’une tour située près du château, qui s’était écroulée depuis plusieurs années (Ledain 1897, p. 488-491). Il fut stipulé qu’elle aurait 25 pieds de haut, 12 de large, des murs de 5 pieds d’épaisseur, deux étages voûtés, une plate-forme pavée et un couronnement de mâchicoulis.

Tour du Parc de la Petite Villette. Poitiers.

Tour du Parc de la Petite Villette, Poitiers.

La structure actuellement visible est ornée sur le côté sud d’une console chargée d’un écusson. Tenu par deux lions, il porte une armoirie écartelée (armoirie 1) que l’on peut attribuer au maire constructeur de l’édifice, selon une pratique bien documentée dans la ville de Poitiers à cette période (voir, à ce propos, l’écu aux armes de Jean Macé sur la tour du Cordiers). Les armes sculptées aux quartiers 1 et 4 appartiennent en effet aux Herbert, comme en témoigne, entre autres, l’écu armorié figurant sur la clef du manteau de la cheminée jadis située dans la salle au rez-de chaussé de l’hôtel que François Herbert, père de Simon et lui aussi maire de Poitiers en 1474, avait fait édifier dans la Grand’rue. L’édifice fut détruit à la fin du XIXe siècle mais la cheminée, sauvegardée et donnée à la Société des Antiquaire de l’Ouest (Barbier 1890), est encore visible dans le dépôt du Musée Saint-Croix de Poitiers (l’écusson a été totalement gratté mais un dessin daté de la fin du XIXe siècle montre encore l’armoirie qui y était reproduite).

Console aux armes de Simon Hérbert. Poitiers, Tour du Parc de la Petite Villette.

L’armoirie représentée aux quartiers 2 et 3 appartient en revanche aux Jully (ou Juilly), famille qui détenait la seigneurie de Buxerolles à partir de la fin du XVe siècle (signalement de F. Anquetil) (Paris, BnF, ms. Fr. 23081, f. 391v; De Varenne 1640, p. 199), mais qui ne semble avoir jamais eu de liens avec les Herbert. Parmi les personnages de l’élite poitevine de l’époque, il était pourtant courant de valoriser ses propres armoires en l’écartelant avec celles de la famille de la mère ou de l’épouse (notamment dans le cas des mariages hypergamiques) (voir à ce propos la notice sur l’hôtel Royrand à Poitiers). Hors, les deux épouses de Simon Herbert portaient des armoiries totalement différentes : Marie de Janoilhac († 1509) portait d’azur à une fasce d’or accolée de 6 étoile du même 3 en chef 3 en pointe, tandis que Catherine de Granges, dame de Puychenin, portait de gueules fretté de vair de 3 traits au chef d’or chargé d’un lambel de sable. Il est plausible que l’armoirie à la croix appartenait donc à la mère de Simon Herbert, Guillemine Jeuilly. A l’état actuel de l’enquête, nous ne pouvons en effet pas exclure que les Jeuilly et les Juilly/Jully de Buxerolles constituaient un seul lignage.

D’ailleurs, même si l’armorial des maires de Poitiers lui attribue un écu aux armes pleines de la famille (Paris, BnF, Ms. Fr. 20157, f. 173v), il paraît que Simon Herbert a fit effectivement usage d’une armoirie écartelée comme le prouve un sceau attaché à un document daté de 1498, que François Eygun décrit toutefois de manière incomplète et probablement imprécise (Eygun 1938, p. 402, num. 1429).

Armoirie Simon Herbert. Poitiers, Tour du Parc de la Villette.

À la différence des autres figurations héraldiques sculptées sur les remparts de la ville, les armes de Simon Herbert étaient visibles seulement de l’intérieur de l’enceinte urbaine. En outre, il est probable que la console sculptée servait de soutien pour une statue, comme le laisse envisager le dais de pierre finement sculpté qui la surmonte. Il est toutefois impossible de déterminer l’identité du personnage qui y était éventuellement représenté : un saint, le roi, le maire lui-même ? Si la présence d’une figure sacrée correspondrait à la pratique habituelle d’apposer des images prophylactiques sur les enceintes des villes, l’apposition sur la tour des armoiries du maire, normalement soumise à l’approbation de la municipalité, marquait la responsabilité de la Commune sur l’entretien des murailles et la défense de la ville.

Auteur : Matteo Ferrari

Pour citer cet article

Matteo Ferrari, Poitiers, tour vers Rochereuil, https://armma.saprat.fr/monument/tour-du-parc-de-la-petite-villette-poitiers/, consulté le 21/11/2024.

 

Bibliographie sources

De Varenne, Marc Gilbert, Le roy d’armes, Paris 1640.

Eygun François, Sigillographie du Poitou jusqu’en 1515, Poitiers 1938.

R. Favreau (éd.), Poitiers, de Jean de Berry à Charles VII. Registres de délibération du corps de ville nos 1, 2 et 3 (1412-1448), Poitiers 2014.

R. Favreau (éd.), Poitiers, de Charles VII à Louis XI. Registres de délibérations du corps de ville n° 4 et 5 (début) (1449-1466), Poitiers 2014.

Paris, BnF, ms. Fr. 23081, Recueil de pièces et d’extraits relatifs au blason… formé par les frères de Sainte-Marthe.

Bibliographie études

B. Ledain, Histoire sommaire de la ville de Poitiers, Fontenay 1889.

A. Barbier, « Chroniques de Poitiers aux XVe et XVIe siècles », dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 2, 13, 1890, p. 431-517.

B. Ledain, « Les maires de Poitiers », dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 2, 20, 1897, p. 215-774.

M.-P. Baudry, Les Fortifications des Plantagenêts en Poitou 1154-1242, Paris 2001.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Poitiers, tour vers Rochereuil. Armoirie Simon Herbert (armoirie 1)

Écartelé : au 1 et 4 de (gueules) à trois besants d'(argent) au chef d'(argent) chargé de trois (hures de sanglier) de (sable) (Herbert) ; au 2 et 3 de (gueules) à la croix d'(or) chargée de 5 coquilles d'(azur) et cantonnée de 4 quintefeuilles d'(argent) (Jully/Jeuilly).

Tenants/supports : deux lions.

  • Attribution : Herbert, Simon
  • Position : Extérieur
  • Emplacement précis : Côté ouest
  • Support armorié : Console
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1501-1525
  • Dans le monument : Poitiers, tour vers Rochereuil

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