L’hôtel de Dunois, situé autrefois au numéro 15 de la rue Colbert à Tours, a été détruit lors des bombardements allemands de 1940. Très peu de sources sont conservées sur cet hôtel particulier, qui semble avoir été commandé par Jean de Dunois (1402/1403-1468) vers le milieu du XVe siècle (Weelen 1942, p. 42). Surnommé le bâtard d’Orléans, Jean de Dunois était le fils naturel de Louis Ier d’Orléans, le frère cadet de Charles VI, et joua un rôle important dans la Guerre de Cent Ans. Propriétaire du château de Châteaudun, situé à la frontière nord de la Touraine dans l’actuel Eure-et-Loir, il a été l’un des négociateurs de la trêve de Tours en 1444, qu’il a renouvelée en 1447 en tant que représentant du roi Charles VII face à Henri VI, roi d’Angleterre (Nantes, AD Loire-Atlantique, E 122/24 : Sigilla). Il semble que l’hôtel fut par la suite acquis par Louise de Savoie auprès de l’archevêque de Toulouse, Jean d’Orléans (1484-1533), petit-fils de Jean de Dunois (Spont 1895, p. 147), mais les modalités de cette transaction suscitent débat. En effet, selon Charles-Louis de Grandmaison (1868-1870, p. 179), Jean d’Orléans n’aurait pas vendu la résidence mais l’aurait offerte à la reine. En tout cas, la même année Louise de Savoie donna l’édifice à Jacques de Beaune, surintendant des finances de François Ier, pour le remercier de sa loyauté envers le royaume (Spont 1895, p. 146). Le noble tourangeau l’intégra ensuite à son hôtel par la construction d’une aile de style Renaissance en 1518.
B. Mantelier, L’hotel de Dunois en rue Colbert, 1896 (Tours, AM).
L’emplacement d’origine de l’hôtel Dunois est révélé par le plan d’implantation de 1941, recréant l’état des bâtiments détruits et existants du complexe de l’hôtel de Beaune (Tours, AM, 2 R Monuments historiques, S 3174). On y distingue deux corps de logis articulés autour d’une tourelle d’escalier à pans coupés, dont Alfred Spont fournit une première description à la fin du XIXe siècle en précisant qu’elle présentait « des culs-de-lampe, une clef de voûte et un blason bien conservés » (Spont 1895, p. 147, note 1). Quelques années plus tard Édouard Gatian de Clérambault affirmait qu’une voûte en coupole couronnait le sommet de l’escalier, soutenue par huit nervures prismatiques qui retombaient sur des culs-de-lampe ornés de feuillages, d’animaux fantastiques et d’anges présentant des écussons, dont les armoiries avaient cependant déjà disparu (Clérambault 1912, p. 26) (armoiries 1a-3 ?). Malgré cette perte, il pouvait encore reconnaître la présences des armes de France sculptées sur la clef de voûte déjà mentionnée par Alfred Spont (armoirie 1b).
Au lendemain des bombardements de juin 1940, Jean-Edmond Weelen, érudit qui avait déjà exploré le monument avant sa destruction, se rendit sur les ruines de l’hôtel Dunois juste avant sa démolition complète. Là, il retrouva les culots des nervures de la voûte de la tour d’escalier, qu’il décida de donner à la Société archéologique de Touraine (Weelen 1942, p. 44). Parmi les huit culs-de-lampe du dernier étage de la tour qu’il put récupérer, trois étaient armoriés (armoiries 1a-3). Conservées dans le dépôt lapidaire de la Société Archéologique de Touraine (inv. HG9400040003, HG9400040004, HG9400040005), les trois sculptures ont été malheureusement abimées et les écussons qu’elles présentaient bûchés, probablement lors de la Révolution. L’écu sculpté sur l’un de ces culs de lampe (inv. HG9400040005) porte cependant encore la trace évidente d’une fleur de lis sculptée (armoirie 1a). Timbré d’une couronne, il est tenu par un ange accroupi, très abimé, aux ailes déployées et au visage rond encadré de cheveux mi-longs. Même s’il est impossible d’identifier avec précision l’endroit dans lequel ce culot était situé à l’origine, nous remarquerons que la position de l’ange et l’orientation de l’écu suggèrent qu’il était placé de manière à faire face au sens de circulation de l’escalier à vis. Ainsi, en montant la tour, les visiteurs devaient se trouver face aux armoiries de France qui, par leur prestige, devaient être disposées en place d’honneur.
De la même tourelle d’escalier perdue provient un deuxième culot présentant un écu dont la surface a été entièrement bûchée (inv. HG9400040004) (armoirie 2). Il est tenu par un ange, dont le manteau porte une bordure au col et aux poignets, qui semble avoir été réalisé avec plus de soin que le précédent. Cela n’implique toutefois pas que cette dernière sculpture ait été réalisée à un autre moment. Les composantes stylistiques tels que la taille des pennes des ailes de cet ange et les plis de ses vêtements sont en effet cohérents avec une datation à la seconde moitié du XVe siècle que ce deuxième culot partage avec les autres pièces de la série. Celle-ci était complétée par un troisième cul de lampe présentant un écusson, également gratté avec soin, porté par un aigle (armoirie 3) (inv.HG9400040003). Nous n’avons malheureusement aucune information sur les armoiries jadis figurées sur ces deux derniers culs de lampe. Cependant, étant donné que les deux écus ne sont pas surmontés d’une couronne, contrairement à celui aux armes de France mentionné précédemment, nous pouvons supposer qu’au moins l’un d’entre eux était aux armes de Jean de Dunois, qui portait les armoiries d’Orléans brisées d’un bâton mis en barre (Sigilla).
L’ensemble armorié devait trouver sa conclusion logique dans la clef de voûte aux armes de France déjà décrite par Clérambault (armoirie 1b). Incapable de la retrouver mais en tout cas d’accord avec la description fournie par son prédécesseur, Jean-Edmond Weelen avançait l’hypothèse que cette clef de voûte n’avait pas été ajoutée lors du chantier voulu par Jean de Dunois, mais quand le logis revint à la couronne de France au début du XVIe siècle (Weelen 1941, p. 44). Cette hypothèse suscite cependant des interrogations, car Louise de Savoie, première propriétaire de l’hôtel après que celui-ci ait cessé d’appartenir aux héritiers de Dunois en 1517, n’a possédé le lieu que très brièvement avant de le donner à Jacques de Beaune la même année. Serait-il plausible qu’elle ait demandé de faire sculpter les armes de France sur la clef de voûte en si peu de temps ? Dans ce cas, pourquoi n’a-t-elle pas plutôt choisi de faire représenter ses propres armoiries ? D’après Bernard Toulier cette clef de voûte fleurdelysées aurait en revanche porté les armes de Dunois sans pouvoir toutefois apporter des preuves (Toulier 1980, p. 81). Bien que l’hypothèse soit pertinente, il serait surprenant que Clérambault et Weelen, qui avaient vu la clef de voûte de leurs propres yeux, se soient tous les deux trompés dans l’interprétation des armoiries qui y étaient sculptées et aient confondu les armes de France avec celles de Dunois, brisées d’un lambel et d’un bâton posé en barre. De plus, s’il est plausible que les armes de Dunois étaient figurées sur au moins l’un des écus des culots de l’escalier, il est tout à fait légitime d’imaginer que les armes de France figuraient sur la clef de voûte : positionnées en place d’honneur, sur l’élément intérieur le plus élevé de la tourelle, elles témoignaient de la fidélité du bâtard d’Orléans au roi et rappelaient également le lien de sang unissant la famille de Dunois aux rois de France.
Auteur : Sarah Héquette
Pour citer cet article
Sarah Héquette, Tours, hôtel de Dunois, https://armma.saprat.fr/monument/tours-hotel-de-dunois/, consulté
le 21/11/2024.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Tours, hôtel de Dunois. Armoirie roi de France (armoirie 1a)
D’ (azur) à trois fleurs de lis d’(or).
Attribution : Armoirie bûchée ; Roi de France
Tenants / Supports : Un ange
Timbre : Une couronne
Position : Intérieur
Étage : Dernier étage
Pièce / Partie de l'édifice : Tourelle d'escalier
Emplacement précis : Voûte
Support armorié : Cul-de-lampe (culot)
Structure actuelle de conservation : Tours, Société archéologique de Touraine, dépôt lapidaire