Parmi les nombreux témoignages architecturaux, sculptés et peints, de l’époque médiévale conservés dans la ville de Figeac (Napoléone, Séraphin 1989 ; Napoléone 2015), l’ensemble de maisons appelées l’Ilot Séguier retient particulièrement notre attention. Situé entre le 10, rue Séguier et le 2, impasse Bonhomme , il est propriété de la ville de Figeac et inscrit au titre des Monuments Historiques depuis le 18 décembre 2021 (base POP).
L’Ilot Séguier est formé de deux corps de logis distincts, rassemblés en un seul lot à l’époque moderne (Viers 2019). Le plus ancien, dans l’actuel impasse Bonhomme, remonte au XIIe siècle alors que le module sur la rue Séguier a été bâti au XIIIe siècle, lorsque s’ouvrait ce nouvel axe commerçant de la cité quercynoise. La façade côté rue Séguier présente au niveau inférieur une suite de trois grands arcs brisés surbaissés chanfreinés. Les étages comportent des ouvertures de la période moderne. Une galerie couverte (ou soleilho) s’ouvre au dernier niveau, portée par des piliers maçonnés, des poteaux et des aisseliers en bois. Sur l’impasse Bonhomme, les trois étages sont animés de plusieurs fenêtres modernes ou médiévales, parfois chanfreinées ou géminées, d’un jour rectangulaire médiéval, d’une souche de cheminée en léger encorbellement et de trois coffres débordants de latrines maçonnés en pierre, dont un repercé par une fenêtre contemporaine.
Figeac, Ilot Séguier, porte d’entrée armoriée.
Dans les niveaux supérieurs s’ouvrent des fenêtres de diverses époques, non alignées à l’exception de celles qui éclairent l’escalier en vis et la galerie couverte couronne la façade. Dans la cour intérieure, côté est, l’aile la plus longue se termine par une tour ronde qui abrite un escalier en vis. Le premier niveau, en pierre, est percé de trois ouvertures identiques en arcs brisés non chanfreinés sur le long côté et d’une quatrième en retour d’équerre, suivie d’une porte à linteau droit, chanfreiné, et d’une fenêtre moderne. Le second niveau, côté est, est bâti en partie en pierre avec à nouveau deux portes en arc brisé. Un important remontage en brique postérieur est visible. Une fenêtre rectangulaire en pierre, chanfreinée, pourvue d’une traverse, reposant sur des petits congés, prend place au centre de ce mur de briques. Des poutres en saillie sur la façade témoignent de la présence d’une galerie, qui courrait également sur le retour d’équerre au nord. Ce dernier corps de logis est entièrement remonté en briques contemporaines sur ses deuxièmes et troisièmes niveaux. Des abouts de poutres conservés attestent d’une seconde galerie de bois qui filait là-encore sur les deux façades est et nord. Une partie de celle-ci est conservée sur le flanc est jusqu’à la tour d’escalier.
Vers l’extérieur, seule la porte qui donne sur l’impasse de la Monnaie est ornée d’un décor héraldique (armoirie 1) : le tympan est sculpté d’un soleil et d’une lune qui encadrent un écu parti, dont l’identité reste inconnue, présentant, à senestre, une tige feuillée et fruitée et, à dextre, deux étoiles ou molettes posées en pal. A l’intérieur des deux corps de logis, outre des aménagements domestiques médiévaux (cheminées, latrines, placards) plusieurs vestiges de peintures murales remontent au XIVe et au XVe siècle ont été découverts.
Figeac, Ilot Séguier, closoir armorié.
Au dernier niveau côté rue Séguier, une vase salle conserve un grand plafond à poutres et solives, en partie effondré, daté par dendrochronologie des années 1447-1453. Relativement simple, il présente un décor héraldique, en grande partie lisible, sur les closoirs qui courent le long des murs de la salle : il s’agit donc du premier plafond armorié découvert à ce jour sur le territoire de l’ex-région Midi-Pyrénées. Chaque planche rectangulaire paraît ornée d’un motif répétitif de brocards, réalisé vraisemblablement au pochoir et parfois agrémenté par des petites fleurs dorées, au milieu duquel est placé un écu. Deux d’entre eux sont chargé, l’un du monogramme du Christ (IHS) et l’autre de celui de la Vierge (AM), les deux sur un fond or. Les autres portent en revanche des armoiries quasiment toutes différentes, que les répertoires disponibles à ce jour n’ont pas permis d’identifier (Esquieu 1907) en raison aussi de l’état de conservation des peintures.
Figeac, Ilot Séguier, closoir armorié.
Même si l’étude de ces closoirs héraldiques devra être sans doute reprise après leur nettoyage ou la prise de photographies spéciales (IR et UV) pour passer à travers les couches de suie, nous pouvons quand même observer que dans l’ensemble, à l’origine certainement plus vaste (d’autres closoirs sont certainement dissimulés sous les débris du plafond en partie effondré), certaines armoiries semblent se répéter, parfois isolées, parfois combinées à une autre dans des écus mi-partis. Une première armoirie, dont la lecture est rendue très difficile en raison de la couche de suie qui la recouvre, présente probablement trois besants. Sur au moins deux closoirs elle figure pleine (armoiries 2a-b), tandis que sur un troisième elle est associée à une autre armoirie dans un écu mi-parti, dont la moitié dextre est cependant illisible (armoirie 3) : il s’agit vraisemblablement des armes identifiant un couple issu du mariage d’une femme de la famille, puisque les armes à trois tourteaux figurent selon la convention à senestre.
Figeac, Ilot Séguier, closoir armorié.
Sur d’autres closoirs figure une armoirie similaire, mais avec trois tourteaux qui accompagnent un chevron. Elle pourrait appartenir à une branche cadette des Du Mas de Naussac brisant les armes familiales (d’argent à trois tourteaux de gueules : de Magny 1858, p. 245) par une chevron d’azur. Connue depuis le XIVe siècle, cette famille était en effet possessionnée de la localité homonyme située à 20 kilomètres de Figeac, ce qui rend sa présence sur le plafond tout à fait plausible. L’armoirie en question est représentée deux fois : pleine sur un closoir (armoirie 4), elle est associée à une armoirie aujourd’hui illisible (nous distinguons juste quelque trace d’une peinture jaunâtre) sur un autre closoir (armoirie 5), dans la moitié senestre d’un mi-parti qui fait probablement référence à un couple issu du mariage d’une femme de ce même lignage. D’autres écus sont encore visibles sur d’autres closoirs du même plafond (armoiries 7-9) : leur état de conservation ne permet toutefois pas de reconstruire l’aspect des armoiries qu’ils portaient, qui semblent parfois avoir été grattées pour les rendre illisibles (armoiries 6-7). Nous pouvons juste reconnaitre la trace d’une armoirie partie sur un de ces closoirs (armoirie 7).
Auteur : Emmanuel Moureau
Pour citer cet article
Emmanuel Moureau, Figeac, Ilot Séguier, https://armma.saprat.fr/monument/figeac-ilot-seguier/, consulté
le 23/11/2024.
Bibliographie études
De Magny Edouard, Nobiliaire de Normandie, Paris-Caen 1863.
De Magny Ludovic, La science du blason, accompagnée d’un armorial général des familles nobles de l’Europe, Paris 1858.
Esquieu Louis, Essai d’un armorial quercynois, Paris-Cahors, 1907.
Moureau Emmanuel, « Figeac, 10, rue Séguier. Découverte d’un plafond armorié du milieu du XVe siècle », Bulletin Monumental, 180-1, 2022, p. 66-68.
Napoléone Anne-Laure, Séraphin Gilles, « Les maisons de Figeac », dans Congrès archéologique de France, t. 147, Quercy, Paris 1989, p. 291-306.
Napoléone Anne-Laure, « Les derniers travaux de restauration de la Maison « de la Monnaie » à Figeac », Mémoires de la Société. Archéologique du Midi de la France, 75, 2015, p. 65-83.
Viers Catherine (dir.), Figeac. 10, rue Séguier – 2, impasse Bonhomme, Rapport de prospection, INRAP, 2019.