Dédiée à saint Pierre, l’église paroissiale de Réaumur, dans le bocage vendéen, est mentionnée pour la première fois en 1158, dans une bulle qui confirme les possessions de l’abbaye Saint-Ruf de Valence (Valence, AD Drôme, 2 H 3). Son état actuel résulte majoritairement d’une reconstruction au XVe siècle, même si l’édifice conserve des éléments antérieurs, tels le portail et le clocher. Ce dernier trône au centre de l’édifice, sur une voûte en ogive, et est entouré de deux chapelles qui forment des petits transepts, donnant à l’église une vague forme de croix latine. Enfin, le chœur est constitué de deux travées voûtées en ogive. À l’extérieur, l’église de Réaumur présente plusieurs traces de fortifications qui témoignent de son rôle de fort destiné à protéger les habitants, en l’absence de véritable forteresse à proximité. Ainsi, le chevet est flanqué de deux éperons massifs couronnés de tourelles, et une meurtrière-canonnière perçait jadis le chevet, derrière le maître-autel. Son unique nef, couverte d’une voûte en berceau et divisée en trois travées, a été en revanche entièrement reconstruite à la fin du XIXe siècle. En 1862-1863, l’intégralité des voûtements et des ouvertures de l’église fut en effet réaménagée après un rapport de l’architecte Léon Ballereau qui signalait la nécessité de reprendre la nef, les voûtes en bois, la charpente et la couverture (La Roche-sur-Yon, AD Vendée, E-DEPOT 187, 1 D 2, p. 5). Deux baies en plein cintre sont alors percées dans la nef en 1863 ; un deuxième oculus est ouvert dans le mur nord du chœur, en écho à celui déjà existant dans le mur sud ; les voûtes du chœur ont été reconstruites et peintes d’un semé de fleurs de lis, de même que les piliers et culots recevant leurs arrêtes ; sur le chevet, la grande baie flamboyante, qui avait été murée, est rouverte et la meurtrière-canonnière est bouchée. L’église a été inscrite au titre des Monuments Historiques en 1927 (base POP).
À l’intérieur de l’église, quatre éléments héraldiques sont encore visibles, tous repeints, vraisemblablement à l’occasion de la restauration réalisée au XIXe siècle. Le culot nord-est de la voûte soutenant le clocher porte un écu aux armes de France (armoirie 1a), dont l’authenticité reste difficile à déterminer. Au milieu du XIXe siècle, Léon Audé se contentait en effet d’écrire que le clocher repose « sur des culots diversement ornés » (Audé 1855, p. 135) sans donner d’indications sur la présence éventuelle d’armoiries. Dans le chœur, au-dessus de la baie du chevet, se trouve un second écu aux armes de France (armoirie 1b) qui par contre semble bien d’origine.
Cul de lampe chargé d’un écu aux armes de France. Réaumur, église Saint-Pierre.
Les chapiteaux des piliers qui reçoivent les arrêtes des voûtes du chœur sont ornés de feuillages, mais les culots séparant les deux travées portent des écus chargés d’un lion passant (armoiries 2a-b) dans lesquels nous reconnaissons les armes de la famille Chasteigner, dont une branche a possédé Réaumur entre le milieu du XIIIe et le milieu du XVIe siècle (Beauchet-Filleau 1895, p. 275-279). Même s’il s’agit d’éléments visiblement recréés au moment de la restauration de l’édifice, dans ce cas nous sommes certains que les écus actuellement visibles remplacent de plus anciens identiques qui avaient été endommagés. En effet, si Léon Audé indiquait en 1855 que les écus ornant ces culs de lampe avaient été martelés (Audé 1855, p. 136), les notes manuscrites presque contemporaines de l’abbé Eugène Aillery, rédigées vers 1850, confirment qu’ils portaient bien les armes des Chasteigner (La Roche-sur-Yon, AD Vendée, 1 J 2702).
Cul de lampe chargé d’un écu aux armes des Chasteigner. Réaumur, église Saint-Pierre.
Trois dessins d’Arthur Bouneault (1839-1910), architecte du département des Deux-Sèvres et érudit passionné de patrimoine et héraldique, présentent d’autres éléments armoriés de l’église de Réaumur aujourd’hui disparus (Niort, Médiathèque Pierre-Moinot, planches Bouneault num. 2032-2034 : Farault 1914, num. 2321-2323). Le premier reproduit une clé de voûte à l’époque située dans le bas-côté droit de l’église, portant un écu à une croix ancrée (armoirie 3), que Bouneault mettait en parallèle avec un autre décor de l’église de Saint-Étienne-de-Brillouët (Vendée). Située d’après lui dans le bas côté de droite mais plutôt à placer sur le côté sud de la travée sous clocher, étant l’église dépourvue de collatéraux déjà dans le cadastre de 1840 (La Roche-sur-Yon, AD Vendée, Cadastre de la commune de Réaumur, 3 P 187-8), cette armoirie pourrait appartenir à la famille Audayer ou Audager, qui porte de gueules à la croix ancrée d’or et dont un membre, Guillaume, était seigneurs du Plessis paroisse de Réaumur à la fin du XIVe siècle (Beauchet-Filleau 1891, p. 161). Les deux autres relevés reproduisent en revanche des pierres tombales, également perdues : l’une, complétée d’une inscription, portait un écu aux armes du seigneur Toussaint Viault, mort en 1609, l’autre, sans inscription, présentait un écu à trois merlettes, que nous n’avons pas pu identifier pour l’instant.
Arthur Bouneault, clé de voute ornée d’un écusson armorié dans l’église Saint-Pierre de Réaumur. Niort, Médiathèque, planches Bouneault num. 2032-2034.
À l’extérieur de l’édifice, trois écus sont visibles sur le mur pignon du chevet. Le premier, qui par sa forme en cartouche semblerait dater de la première moitié du XVIe siècle, orne un corbeau supportant une statue d’un saint décapité, à gauche de la baie, mais il est illisible (armoirie 4). Un deuxième, supporté par une couronne de laurier, se trouve sur le corbeau qui soutient la statue de la Vierge au sommet du chevet et semble présenter trois fleurs de lis qui correspondraient aux armes de France déjà présentes à l’intérieur de l’église (armoirie 1c). Ni Léon Audé, ni Eugène Aillery ne donnent d’indications concernant ces deux écus, mais nous pouvons clairement distinguer celui supposé porter les armes de France dans une planche que le premier publie dans son étude de l’église de Réaumur (Audé 1855, p. 138).
Enfin, un dernier écu, que nous reconnaissons également dans le relevé publié par Audé (ibid.), constitue la clé de la baie du chevet et porte une armoirie à trois fleurs de lis chargée d’un lambel de trois pendants et d’une cotice posée en bande brochant sur le tout (armoirie 5). Il s’agit dans des armoiries de Jean de Dunois († 1468) ou, plus probablement, de celles de son fils, François d’Orléans-Longueville († 1491), que l’on retrouve non loin dans les églises de Vouvant et de Mervent, et qui se seraient trouvées aussi dans l’église de Mouilleron-en-Pareds (1856, p. 201). À Réaumur, comme à Mervent et peut-être à Mouilleron, une bande à été représentée à la place de la barre habituelle, brisure apportée par Dunois aux armes de sa famille pour signifier sa position de bâtard. Il peut s’agir d’une erreur du sculpteur, mais la fréquence avec laquelle se présente dans les monuments de la région laisse plutôt penser à un choix délibéré du bâtard d’Orléans ou de ses descendants, qui ont voulu transformer la barre (brisure de bâtardise) en bande afin de masquer leurs origines (Hablot 2016). Si la présence des armes de la famille d’Orléans-Longueville à Vouvant, Mervent et Mouilleron n’est pas surprenante puisque ces trois localités avaient été données à Dunois en 1458 (Géron 2022), elle a davantage étonné Léon Audé, qui ne comprenait pas les raisons de sa présence ici (Audé 1855, p. 136). En réalité, cette présence peut certainement s’expliquer par le fait que la seigneurie de Réaumur, dont on a vu les possesseurs placer leurs armes dans le chœur de l’église, mouvait de la baronnie de Vouvant (Poitiers, AD Vienne, C 534, aveu de Réaumur à Vouvant).
Console aux armes d’Orléans-Longueville. Réaumur, église Saint-Pierre, mur pignon du chevet.
L’étude des armoiries de l’église Saint-Pierre de Réaumur apporte donc quelques précisions quant à sa datation. Même si les deux écus aux armes des Chasteigner dans le chœur illustrent la prééminence de cette famille dans la paroisse mais, les Chasteigner ayant été seigneurs de Réaumur entre 1220 et 1550 environ, ne permettent pas d’affiner la chronologie des travaux, les armes de Dunois placées sur le chevet indiquent en revanche que cette partie de l’église a été achevée, ou en tout cas reprise, quand Jean de Dunois était baron de Vouvant (entre 1458 et sa mort dix ans plus tard), ou peut-être mieux sous son fils François d’Orléans-Longueville († 1491).
Auteur : Clément Brusseau
Pour citer cet article
Clément Brusseau, Réaumur, église Saint-Pierre, https://armma.saprat.fr/monument/reaumur-eglise-saint-pierre/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie sources
Valence, AD Drôme, 2 H 3.
La Roche-sur-Yon, AD Vendée, Cadastre de la commune de Réaumur, 3 P 187-8.
La Roche-sur-Yon, AD Vendée, 1 J 2702, Aillery Eugène, Chroniques paroissiales : canton de Pouzauges. Réaumur.
Bibliographie études
Audé Léon, « Études historiques et administratives sur la Vendée », Annuaire de la Société d’émulation de la Vendée, 1, 1855, p. 119-188.
Beauchet-Filleau Henri, « Audayer », dans Id., Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 1, Poitiers 1891, p. 161-162.
Beauchet-Filleau Henri, « Chasteigner », dans Id., Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 2, Poitiers 1895, p. 273-291.
Farault Alphonse, « Répertoire des dessins archéologiques d’Arthur Bouneault à la Bibliothèque municipale de Niort », Mémoires de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres, 10, 1914, p. 201-427.
Hablot Laurent, « L’héraldique au service de l’histoire. Les armoiries des bâtards à la fin du Moyen Âge, études de cas », dans C. Avignon (dir.), Bâtards et bâtardise dans l’Europe médiévale et moderne, Rennes 2016, p. 257-277.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Réaumur, église Saint-Pierre. Armoirie roi de France (armoirie 1a)
D’azur à trois fleurs de lis d’or.
Attribution : Armoirie repeinte ; Armoirie restaurée ; Roi de France