Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Espérance (chapelle de Jacques Robertet)
Située dans la sixième travée du collatéral nord de la collégiale Notre-Dame d’Espérance, cette chapelle fut érigée à partir de 1515 par le chanoine Jacques Robertet († 1519), fils de Jean Robertet, fondateur de la chapelle voisine. Elle était placée sous le vocable de sainte Cécile, patronne de la cathédrale d’Albi dont Jacques Robertet, qui avait été également chanoine de Notre-Dame à Paris et de Saint-Paul à Lyon, était évêque depuis 1515 (Compayré 1841, p. 91).
En adoptant une solution habituelle dans la mise en signe de ce type d’espaces, les armoiries du chanoine, timbrées d’une crosse épiscopale, ont été sculptées sur les retombées de voûtes des quatre angles de la chapelle (armoiries 25a-d). D’importants vestiges de polychromie sont encore visibles sur l’ensemble des écus et témoignent de l’aspect coloré que les sculptures et les reliefs héraldiques devaient toujours avoir à l’origine. Les clés de voûtes de la chapelle représentent en revanche un Agnus Dei et les symboles des quatre évangélistes : une solution que nous pouvons mettre en parallèle au tétramorphe qui orne la tombe en cuivre qui fut réalisée en l’honneur de Jacques Robertet à Notre-Dame de Paris, ville dans laquelle il était mort, probablement en sa qualité d’ancien chanoine de la cathédrale (le portrait du défunt y apparaissait également accompagné par deux écussons à ses armes : Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 3, f. 69, base COLLECTA). Nous remarquerons d’ailleurs que Jacques Robertet légua son cœur à la collégiale (La Mure 1674, p. 316) : l’emplacement originel de son cardiotaphe est encore aujourd’hui marqué par une plaque au sol, gravée d’un écu chargé d’un cœur et d’une croix.
Culots aux armes de Jacques Robertet (dans l’ordre : armoiries 25a, 25b, 25c, 25d). Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Espérance, chapelle Jacques Robertet (cliché : A. Robin).
Des scènes de la vie de sainte Cécile étaient jadis représentées sur la verrière à trois lancettes du mur nord de la chapelle, accompagnant une représentation du donateur « en rochet et camail agenouillé sur un oratoire, la teste nue et la mitre en bas, au-devant de l’image de la sainte Vierge, à laquelle il est présenté par son patron saint Jacques » (La Mure 1674, p. 316). Sous le portrait de Jaques Robertet était représenté « son écusson porté par des anges » (ibid.) (armoirie 25e). Puisque l’œuvre était datée de 1524 par une inscription placée dans sa partie inférieure (ibid., p. 317), nous pouvons présumer que la chapelle n’était pas terminée à la mort de Jacques Robertet (Guibaud, Monnet, Mermet 2009) et que le vitrail fut donc achevé sous le mécénat d’un autre membre de la famille. Le chanoine La Mure proposait qu’il s’agisse de Florimond Robertet, frère de Jacques, qui avait fait ériger dans la chapelle un autel en l’honneur de sainte Anne – peut-être en lien avec leur mère, Anne Briconnet – auprès duquel il avait fait graver « en plusieurs endroits » ses initiales F.R. (La Mure 1674, p. 317). Un jeton conservé au Cabinet des Médailles de la BnF (Paris, BnF, dép. Monnaies, médailles et antiques, JEF-1697 (JET-1729)) nous permet de nous figurer l’apparence de ce chiffre superposant les lettres F et R, forgé sur le modèle du monogramme utilisé par les parents de Florimond (Jean Robertet et Louise Chauvet), mais se différenciant par l’emploi exclusif des initiales nominales et pronominales de son ‘porteur’ plutôt que par l’union des initiales du nom de ce dernier et de celui de son épouse (les décors sculptés du château de Bury et de l‘hôtel d’Alluye témoignent cependant d’une certaine liberté dans la forme de cet emblème, ne superposant pas toujours les initiales de Florimond et les associant parfois à celles de son épouse).
Il est cependant improbable que Florimond Robertet ait pu intervenir dans la réalisation du vitrail de la chapelle puisqu’il mourut toutefois en 1522, à savoir deux ans avant le millésime inscrit sur la vitre (Guibaud, Monnet, Mermet 2009). Il est également intéressant de noter que les étoiles des armes de Jacques Robertet sont représentées à sept pointes, là où celles de son père n’en montraient que cinq ou six. En l’état, il semble néanmoins difficile de statuer sur le sens à donner à ces adaptations, qui pourraient être une manière de briser discrètement les armoiries familiales (pour sa part, le jeton de Florimond Robertet montre par exemple des molettes en place des traditionnelles étoiles héraldiques des Roberet).
Dalle funéraire marquant l’emplacement du cardiotaphe de Jacques Robertet. Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Espérance, chapelle Jacques Robertet (cliché : A. Robin).
Sur la façade extérieure de la chapelle, deux sculptures endommagées de lions scutifères surplombent les contreforts nord-est et nord-ouest (armoiries 25f-g). Seul le contenu de l’un des deux est encore lisible et permet de confirmer la description du chanoine La Mure, indiquant la présence renouvelée des armoiries de Jacques Robertet (ibid., p. 317), qui marquaient donc l’intégralité de la chapelle, à l’intérieur comme à l’extérieur, à l’instar de ce que nous pouvons encore voir dans d’autres édifices religieux contemporains (comme dans l’église Notre-Dame-la-Grande à Potiers, par exemple).
Un ange, les mains brisées, est également visible sur le contrefort nord-ouest de la chapelle dans une position suggérant la présence probable d’un écusson aujourd’hui totalement perdu (armoirie 25h). Cet élément peut être mis en relation avec le contenu du vitrail susmentionné où des anges soutenaient également un écu aux armes des Robertet.
Contreforts aux armes de Jacques Robertet (dans l’ordre : armoirie 25f, contrefort nord-est ; armoiries 25g et 25h, contrefort nord-ouest). Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Espérance, chapelle Jacques Robertet (cliché : A. Robin).
La répétition du motif de l’ange scutifère, tant dans cette chapelle que dans les chapelles de Jean Robertet, de Notre-Dame de Pitié ou de Claude de Saint-Marcel – qui remplit également un rôle funéraire – peut être considéré comme signifiant, puisque l’ange est de longue date un support privilégié en contexte funéraire où il remplit un rôle psychopompe, illustrant la montée des âmes au Paradis (Hablot 2012, p. 271). En outre, il ne faut pas oublier que la mise en signe des contreforts s’inscrit dans une logique généralisée à l’ensemble de l’édifice, comme l’indiquent les armoiries, désormais perdues, jadis placées sur les contreforts de la chapelle saint Jérôme et saint Christophe ou celles, encore visibles, de la chapelle des Lévis. Répétant les armes des fondateurs des chapelles à l’extérieur de l’édifice, ces contreforts répondaient également aux frontons armoriés des maisons des chanoines, dans le cloître environnant la collégiale.
Auteur : Antoine Robin
Pour citer cet article
Antoine Robin, Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Espérance (chapelle de Jacques Robertet), https://armma.saprat.fr/monument/montbrison-collegiale-notre-dame-desperance-chapelle-de-jacques-robertet/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie sources
La Mure Jean-Marie de, Histoire universelle civile et ecclesiastique du pays de Forez, t. 4, Lyon 1674.
Hablot Laurent « Saint-Michel, archétype d’un support héraldique : l’ange écuyer », dans Ch. Lauranson-Rosaz, M. de Framond (dir.), Autour de l’archange Saint-Michel, actes du colloque Saint-Michel (Aiguilhe 2009), Le Puy-en-Velay 2012, p. 265-278.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Montbrison, collégiale Notre-Dame d’Espérance (chapelle de Jacques Robertet). Armoirie Jacques Robertet (armoiries 25a-d)
D’azur à la bande d’or chargée d’une aile de sable, accompagnée de trois étoiles à sept rais d’argent.