L’église paroissiale de Céré-la-Ronde (37), dédiée à Saint-Martin, est située à quelques kilomètres à l’ouest du château de Montpoupon, fief de la seigneurie de la famille de Prie depuis le début du XIVe siècle. Classée au titre des Monuments historiques depuis 1971 (base POP), l’édifice est édifié au XVIe siècle sur les fondations de l’ancienne nef qui datent du XIIe siècle. L’église actuelle se compose de cinq travées et se rétrécie au milieu de la troisième, à partir de laquelle elle est accompagnée de deux collatéraux, au nord et au sud, tous deux composés de trois travées et terminés par un chevet plat. Le vaisseau central est quant à lui terminé par un chœur à cinq pans et voûté sur croisée d’ogives comme l’ensemble de l’édifice. Si aucune étude monographique n’a été menée sur l’église Saint-Martin de Céré-la-Ronde, celle-ci a néanmoins été mentionnée dans quatre ouvrages des XIXe et XXe siècles consacrés soit aux communes, soit au patrimoine monumental et archéologique de la région (Carré de Busserolle 1879, Flohic 2001, Ranjard 1986, Couderc 1987). En revanche, les éléments héraldiques présents dans l’édifice ne sont que cités par Robert Ranjard (1986, p. 239), qui ne donne toutefois ni le blasonnement des armoiries mentionnées ni leur identification, ainsi que par J.-X. Carré de Busserolle (1879, p. 56) qui propose des attributions erronées pour certaines d’entre elles.
Au total sept écus sculptés marquent l’église, dont deux bûchés ou laissés vides (armoiries 6a-b, 7a-b). Trois sont situés aux clefs de voûte des trois premières travées de la nef qui correspondent au vaisseau de l’église romane. On y voit alors, à la première travée et tourné vers la façade occidentale, un écu à la fasce frettée, à laquelle se superpose une aigle éployée et surmontée de trois étoiles en chef (armoirie 1). L’écu est entouré d’un décor mouluré qui, par sa structure et ses caractéristiques formelles, semble dater du XVIe siècle, tout comme les autres armoiries aujourd’hui visibles dans l’église, qui semblent donc constituer un ensemble cohérent réalisé au moment de construction de l’édifice.
Clé de voûte armoriée. Céré-la-Ronde, église Saint-Martin.
L’identification de cette première armoirie pose toutefois problème puisqu’elle ne correspond ni à celle de la famille de Prie, qui avait droit de sépulture dans l’église (Carré de Busserolle 1879, p. 56) et qui possédait la châtellenie voisine de Montpoupon, ni à celle d’une famille alliée à celle-ci. Les seigneurs de Prie portaient de gueules à trois tiercefeuilles d’or et, par la baronnie de Buzançais qu’ils possédaient, certains membres écartelaient les armes familiales avec celles de Buzançais qui était une aigle bicéphale (Sigilla) ou une aigle éployée (Sigilla). Si l’aigle reproduite sur la clef de voûte de l’église Saint-Martin pourrait donc faire penser aux Buzançais, nous devrons tout de même reconnaitre que la fasce frettée et les trois étoiles posées en chef sont étrangères à leurs armes. Il est donc plus probable que l’armoirie appartienne à une autre famille, à l’instar des seigneurs du Châtellier, de Bléré et de Razay qui, selon J.-X. de Busserolle (1879, p. 56), avaient certains droits honorifiques sur l’église Saint-Martin mais dont les armes ne sont pas figurées dans l’édifice.
La clef de voûte de la deuxième travée de la nef est timbrée d’un écartelé aux armes de Prie et d’une famille portant un lion rampant (armoirie 2) qui n’a pu encore être identifiée. La troisième travée porte sur sa clef de voûte les armes de Jeanne de Beauveau (ou Beauvau) (armoirie 3), première femme d’Edmond de Prie, qui utilisait un mi-parti aux armes de Prie-Buzançais et de Beauveau (base Bibale). Edmond de Prie († après 1510), fils de Louis Ier de Prie († avant 1497) et de Jeanne de Salazar († après 1503), est le neveu d’Aymar de Prie (1453 – † avant 1527), seigneur de Montpoupon, qui construisit la poterne du château de Montpoupon vers 1515. L’identification des armes de Jeanne de Beauveau permettrait ainsi de dater la construction de l’édifice au tout début du XVIe siècle, puisque Edmond de Prie se remaria en 1504 avec Avoye de Chabannes (Racines & Histoire). Toutefois, les encadrements Renaissance des écus laisseraient penser à une datation légèrement plus tardive puisque l’on retrouve des premiers témoins similaires à partir des années 1505-1510, comme au tombeau des enfants de Charles VIII et d’Anne de Bretagne, terminé en 1506, et aujourd’hui conservé à la cathédrale Saint-Gatien de Tours (Collecta).
Clé de voûte armoriée. Céré-la-Ronde, église Saint-Martin.
Cette église étant sous le patronage des Prie, il ne surprend pas que le marquage héraldique de cette famille se poursuive dans la troisième travée du collatéral sud, qui avait aussi fonction de chapelle seigneuriale, dont la clef de voûte est timbrée d’un écartelé (armoirie 4), très proche de celui que nous avons déjà vu à la deuxième travée de la nef (armoirie 2). Notons cependant que les trois tiercefeuilles prennent ici la forme de trois besants et que les lions, s’ils peuvent rappeler ceux visibles sur les armes de Beauveau, ne sont toutefois pas en nombre de quatre comme on le voit dans les armes de Jeanne. Faut-il alors y voir une erreur du sculpteur qui aurait mal exécuté un écartelé Prie/Beauveau, ou qui, par manque d’espace, aurait reproduit un seul lion pour faire allusion aux armes des Beauveau ? Il nous semble peu probable. De plus, cette combinaison héraldique interroge puisqu’elle est située dans la chapelle seigneuriale, où nous nous attendrions de trouver les armes du seigneur de Montpoupon, à savoir soit celles de Aymar de Prie († dès 1527) soit celles de son fils Edmé de Prie († 1576) qui portaient tous deux l’écartelé Prie/Buzançais.
Par ailleurs, la dernière travée du collatéral nord conserve une clef de voûte timbrée d’un écu à la fasce frettée et à l’aigle éployée surmontée de trois étoiles (armoirie 5), identique à celle que l’on voit dans la première travée de la nef (armoirie 1). Enfin, les chapiteaux des colonnes engagées séparant la première de la deuxième travée des collatéraux nord et sud sont chacun timbrés de deux écus en chanfrein (armoiries 6 et 7), également datés du XVIe siècle, et qui n’ont probablement jamais été sculptés mais qui pouvaient porter des armoiries peintes dont l’identité demeure inconnue.
Auteur : Sarah Héquette
Pour citer cet article
Sarah Héquette, Céré-la-Ronde, église Saint-Martin, https://armma.saprat.fr/monument/cere-la-ronde-eglise-saint-martin/, consulté
le 23/11/2024.
Bibliographie études
Carré de Busserolle Jacques-Xavier, Dictionnaire géographique historique et biographique d’Indre-et-Loire et de l’ancienne province de Touraine, t. 2, Tours, 1879.
Couderc Jean-Mary (dir.), Dictionnaire des communes de Touraine, Chambray-lès-Tours 1987.
Flohic Jean-Luc (dir.), Patrimoine des communes d’Indre-et-Loire, t. 1, Paris 2001.
Ranjard Robert, La Touraine archéologique : guide du touriste en Indre-et-Loire, Mayenne. 19863 (éd. or. 1949).
Céré-la-Ronde, église Saint-Martin. Armoirie Jeanne de Beauveau (armoirie 3)
Mi-parti: au 1, écartelé au 1 et 4 de (gueules) à trois tiercefeuilles d’(or) (de Prie) ; aux 2 et 3 d’(or) à l’aigle bicéphale de (sable) (Buzançais) ; au 2 d’(argent) à quatre lions de (gueules), placés 2 et 2, armés, lampassés et couronnés d’(or) (Beauveau).