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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Poitiers, hôtel Royrand

 

Situé dans la partie septentrionale de la ville, près de la place du marché nouveau, l’Hôtel Royrand est un exemple des résidences que les familles de la haute bourgeoisie citadine, généralement anoblies par la carrière politique et le service porté au sein du corps de ville, firent construire dans la seconde moitié du XVe siècle dans le secteur nord occidentale de la ville. Depuis la fin de la guerre de Cent Ans, la fondation d’une « grant maison » certifiait en quelque sorte la réussite sociale de l’individu et de sa famille (Favreau 1978, p. 520).

Poitiers, Hôtel Royrand, mur pignon est et portails d'entrée.

Poitiers, Hôtel Royrand, mur pignon est et portails d’entrée.

Cette maison, construite sur les vestiges de l’enceinte gallo-romaine, se compose de deux corps de bâtiment disposés en équerre, dont l’un longeant la rue. Dans le coin compris entre les deux ailes, une tourelle contient l’escalier qui dessert les étages supérieurs de la demeure. Dans le mur refermant la cour du côté rue s’ouvrait le portail d’accès, haut mais plutôt étroit, condamné par la suite. Il était surmonté par une architrave en accolade finement sculptée, que l’on voit encore à nos jours. Son profil supérieur est orné par une série continue de feuilles charnues qui remonte sur la base du panache soutenant le fleuron terminal, formé de trois grosses feuilles serrées en bouton (Hernier-Manson 1968, p. 503). Un dessin esquissé par M. Ancelin au XIXe siècle nous apprends que l’accolade retombait des deux cotés sur des culots ornés de feuillages, disparus par la suite (Poitiers, Méd. ms. 547, t. 2, f. 116).

Un écu armorié est suspendu à l’accolade par le biais d’une longue guiche (armoirie 1) : une solution qui renvoie directement à l’usage d’accrocher, dans certaines circonstances, les boucliers aux murs ou aux arbres au moyen des courroies qui les assuraient au dos du chevalier. L’écu est chargé des armes de la famille Royrand (d’azur à une rencontre de taureau d’or, accompagnée de trois étoiles de même en chef selon Paris, BnF, Ms. Fr. 20157, f. 172r et Thibaudeau 1840, p. 384), dont un des membres, Nicolas, fut lieutenant général de la sénéchaussée de Poitiers et maire en 1485-1486. C’est lui qui fit bâtir avant 1474 cet édifice qui se signale également par la qualité de son décor sculpté (Hernier-Manson 1968, p. 502-503).

Armoirie Royrand. Poitiers, Hôtel Royrand, détail de l'ancien portail d'entrée.

Armoirie Royrand. Poitiers, Hôtel Royrand, détail de l’ancien portail d’entrée.

À cette date l’hôtel est en effet mentionné une première fois dans une délibération du corps de ville relative au pavage de « la rue par laquelle on va des maisons de monsieur le conservateur et maistre Nicolle Rairant, a Saincte Oportune » (Poitiers, Médiathèque, Registre délibération 7, p.144 : Favreau 2015, p. 113). Cette demeure réapparaît dans des actes des années suivantes et, notamment, dans le testament de Nicolas Royrand rédigé en 1498 (Poitiers, Archives départementales de la Vienne, G9 109 : cit. par Favreau 1978, p. 521, note 431). Il faut pourtant noter que l’armorie sculptée sur le portail semble présenter une variante par rapport à celle couramment attribuée aux Royrand : la tête du taureau semble en effet accompagnée en chef par trois éléments circulaires, plus proches à une rose qu’à une étoile. Un deuxième relief armorié, sculpté dans le tympan de la porte d’entrée de la tourelle d’escalier, nous aide à préciser la lecture de cette armoirie (armoirie 2) (la présence de cette armoirie a été signalée par Favreau 1978, pl. 8).

Poitiers, Hotel Royrand, tourelle d’escalier, porte d’entrée armoriée.

L’armoirie Royrand apparaît ici sous la forme d’un écartelé dans lesquels les quartiers 1 et 4 portent les mêmes armes visibles à l’extérieur. Dans le chef nous pouvons facilement reconnaître deux roses et, peut-être, une étoile à six pointes. Les quartiers 2 et 3 portent en revanche une armoirie à trois chevrons qu’on attribue aux Machecoul, famille d’Anne, mère de Nicolas (Beauchet-Filleau 1973, p. 319). Ce dernier aurait donc écartelé son armoirie personnelle (qui brisait les armes familiales par l’insertion des trois meubles en chef) avec celle de la famille de sa mère. Les raisons de cette décision ne sont pas connues, mais il est plausible qu’elle visait à augmenter le prestige familial ou à prétendre à certains droits (après la mort de son époux, Anne s’était remariée avec Pierre du Puy du Fou : Beauchet-Filleau 1973, p. 319), selon une pratique qui apparaît d’ailleurs tout à fait commune à l’époque (Chassel 2012).

 

Auteur : Matteo Ferrari

Pour citer cet article

Matteo Ferrari, Poitiers, hôtel Royrand, https://armma.saprat.fr/monument/hotel-royrand-poitiers/, consulté le 21/11/2024.

 

Bibliographie sources

Paris, BnF, Ms. Fr. 20157, Recueil certain des noms et armoyries des mayres de la ville de Poitiers depuis l’an 1200, f. 165r-178v.

Poitiers, Archives départementales de la Vienne, G9 109.

Poitiers, Médiathèque François Mitterrand, Registre délibération 7.

Poitiers, Médiathèque François Mitterrand, ms. 547, Monuments du Poitou : plans, vues, détails, inscriptions …

R. Favreau (éd.), Poitiers sous le règne de Louis IX de 1471 à 1482. Registres de délibération du corps de ville no 7, Poitiers 2015.

Bibliographie études

A.-R.-H. Thibaudeau. Histoire du Poitou. Nouvelle édition continuée jusqu’en 1789, Niort 1840.

D. Hernier-Manson, « Quelques édifices de l’époque flamboyante à Poitiers », dans Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 4, 1968, p. 499-524.

J. Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 6, Fontenay-le-Comte 1973.

R. Favreau, La ville de Poitiers à la fin du Moyen Age. Une capitale Régionale, Poitiers 1978 (Mémoires de la Société de Antiquaires de l’Ouest, 4ème série, t. XIV, 1977-1978).

J.-L. Chassel, « Le nom et les armes: la matrilinéarité dans la parenté aristocratique du second Moyen Âge », dans Droit et culture, 64, 2, 2012, p. 117-148.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Poitiers, Hôtel Royrand. Armoirie Nicolas Royrand (armoirie 1)

D'(azur) à une rencontre de taureau d'(or), accompagnée en chef de deux roses (?) de … et d’une étoile de six pointe de …

  • Attribution : Armoirie bûchée ; Royrand, Nicolas
  • Position : Extérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Mur exterieur
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Gable
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1451-1475
  • Dans le monument : Poitiers, hôtel Royrand

Poitiers, Hôtel Royrand. Armoirie Nicolas Royrand (armoirie 2)

Écartelé : au 1 et 4, d'(azur) à une rencontre de taureau d'(or), accompagnée de deux roses ( ?) de … et d’une étoile de six pointes ( ?) de … (Royrand) ; au 2 et 3, de (gueules) à trois chevrons d'(argent) ou d'(argent) à trois chevrons de (gueules) (Machecoul).

  • Attribution : Royrand, Nicolas
  • Position : Extérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Tourelle d'escalier
  • Emplacement précis : Porte d'entrée
  • Support armorié : Tympan
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1451-1475
  • Dans le monument : Poitiers, hôtel Royrand

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