Le logis qui s’élève sur le côté sud de la cour du château de Bourg-Archambault présente aujourd’hui un aspect hybride, résultat des remaniements réalisés au XIXe siècle, surtout dans les façades, dans le système de couverture et dans les partitions internes. Sous cette apparence néogothique, l’édifice conserve encore des larges pans de la construction originelle, bâtie par Poncet de Rivière (1478-1487), puis renouvelée et agrandie à l’initiative de Pierre de Sacierges (1495-1514), évêque de Luçon et abbé de Notre-Dame-la-Grande de Poitiers (1487-1514).
Les armoiries de l’évêque marquent les parties de l’édifice qu’il fit bâtir ou aménager, comme nous pouvons le voir également à l’intérieur du châtelet d’entrée du château. Un écusson en pierre sculpté à ses armes a été notamment encastré à l’extérieur du logis, sur la façade sud donnant sur la douve (armoirie 1a). Placé entre deux fenêtres du premier étage, à quelques mètres seulement du pont levis donnant accès au rez-de-chaussée du logis, il a été apparemment réalisé dans une pierre différente de celle utilisée pour les reliefs ornant les cheminées du châtelet-poterne d’entrée. Si des dessins antérieurs aux restaurations du XIXe siècle situent déjà la pierre à cet emplacement, celui-ci apparaît comme inhabituel et nous ne pouvons pas exclure qu’il s’agisse d’un remploi (Durand 1986, p. 88). Le fait qu’un burelé remplace ici le fascé de huit pièces des Sacierges ne semble pas signifiant, s’agissant certainement d’une mauvaise interprétation de l’armoirie de l’évêque par l’artiste.
Bourg-Archambault, château, logis, portail d’entrée de la chapelle.
La pièce la plus remarquable du château, du point de vue artistique et de la mise en signe de l’espace, est la chapelle, située au premier étage de la tour sud. Mesurant 5,50 mètres de long, pour 4,56 mètres de large, elle fut construite près des appartements de l’évêque, selon l’hypothèse la plus répandue, entre 1494 et 1499 (Andrault, Meunier 1998, p. 14). Il est cependant plausible qu’elle soit un peu plus tardive. Une porte monumentale et richement ornée y donne accès. Surmontée d’un gâble en accolade avec de pinacles torsadés, elle est encadrée par deux consoles sculptées dont celle de droite prend la forme d’un animal fantastique, celle de gauche peut-être d’un chien. L’armoirie du propriétaire des lieux et commanditaire des travaux est insérée dans le tympan (armoirie 2a). Dépourvue de crosse, mitre et fanons, elle est surmontée d’une tête de lion qui tire la langue : un élément probablement prophylactique, très courant dans l’ornementation de l’espace religieux, qui évoquait également la figure principale de l’armoirie de l’évêque. À cause de l’absence des enseignes épiscopales, ce relief et l’armoirie insérée à l’extérieur du logis ont été datées d’avant 1495, lorsque Pierre de Sacierges obtint la confirmation de son élection controversée à la chair de Luçon, où il avait été imposé par le roi (De la Fontenelle 1847, I, p. 158-182 et ss.). On ne peut toutefois retenir cette interprétation : d’abord, parce que Pierre de Sacierges avait déjà le droit de timbrer ses armes avec la crosse et la mitre avant 1495, en tant qu’abbé de Notre-Dame-la-Grande ; puis, parce que le programme iconographique et de mise en signe du château est visiblement le résultat d’une campagne de travail unitaire et coherent qui fut certainement réalisé dans un délai restreint ; enfin, parce que les enseignes épiscopales n’accompagnaient pas systématiquement les armoiries des évêques, mais pouvaient être omises pour des raisons d’équilibre de la composition ou d’espace (comme cela est probablement le cas ici).
Bourg-Archambault, chateau, logis, chapelle, porte aux armes de Pierre de Sacierges (détail de l’armoirie).
Les armes du commanditaire, avec crosse et mitre cette fois, sont sculptées sur la porte en bois de la chapelle (armoirie 2b). L’aspect de l’armoirie et le fait que ce panneau se différencie, par son ornementation, des trois autres composant la porte ont conduit d’aucuns à croire que la plaque avait été remplacée après 1495 (Durand 1986, p. 107). Pourtant, encore une fois, tout laisse penser que la porte a été produite en un seul moment par le même atelier, comme en témoigne l’homogénéité du décor, à la fois dans le choix des éléments architecturaux reproduits et par l’aspect formel et la qualité, plutôt médiocre, de la sculpture.
À l’intérieur de la chapelle, le discours héraldique se complexifie. D’abord, les armes de Pierre de Sacierges, repeintes au XIXe siècle et peut-être même plus récemment, apparaissent sur la clef de la voûte en croisée d’ogives (armoirie 1b). Présentant là aussi un burelé à la place du fascé habituel, elles sont accolées à une crosse, mais ne sont pas timbrées de mitre. Comme une sorte de projection, l’image héraldique de la clef de voûte est reprise par le carreau central de la rosace qui orne la partie centrale du sol de la chapelle (armoirie 2d). Dans ce cas, l’arme familiale de l’évêque, dans sa forme traditionnelle, n’est pas accompagnée par les emblèmes de son autorité épiscopale, mais est encadrée par sa devise DOMAT OMNIA VIRTUS (Paris, Bibliothèque Nationale, Cabinet de médailles).
Bourg-Archambault, château, logis, chapelle avec sol à carreaux émaillés.
C’est justement sur les carreaux en terre cuite qui composent le sol de la chapelle que les figurations héraldiques se font plus nombreuses et complexes, comme cela était le cas, dans les mêmes années, dans la chapelle du château de Dissay. Les carreaux ont été réalisés à la presse dans une terre d’origine locale (et donc sur place ?) à l’aide d’une matrice qui imprimait en creux le motif souhaité, puis incrustés de terre blanche (Durand 1986, p. 94) et vernissés. Même si une partie du carrelage a été probablement refaite (ibid., t. 2, fig. 23), les carreaux héraldiques semblent conserver leur disposition d’origine, marquant l’espace devant l’autel et la cheminée. Devant l’autel, un bandeau encadré par des carreaux ornés de motifs végétaux contient trois écus d’environ 18 cm de hauteur. De droite (nord) à gauche (sud), on reconnaît : l’armoirie du roi de France (soutenue par deux anges et timbrée d’une couronne) (armoirie 3a), celle de Pierre de Sacierges (soutenue par deux anges et, probablement, timbrée d’une crosse et d’une mitre) (armoirie 2c) et, enfin, un écu contenant la devise de l’évêque (Doma omnia virtus), soutenu également par deux anges et timbré d’une crosse et d’une mitre (armoirie 5). À l’extrémité sud de la chapelle, en partant de l’autel et en descendant vers la cheminée, se trouvent trois autres écussons (armoiries 1c, 3b, 4). Le premier est chargé d’une armoirie encore non identifiée d’or au chevron de gueules sommé d’un croissant et cantonné de trois molettes d’éperon à huit pointes de même(armoirie 4). Sans aucune raison apparente, elle est timbrée d’une couronne et tenue par deux anges, comme la plupart des autres armoiries, probablement en réutilisant des pièces produites en série. Le deuxième écu porte les armes du roi de France (timbrées d’une couronne et tenues par deux anges) (armoirie 3b), tandis que le dernier est encore aux armes de Pierre de Sacierges (timbrées de crosse et mitre) (armoirie 1c).
Carreau de pavement aux armes de Pierre de Sacierges. Bourg-Archambault, château, logis, chapelle.
Le discours emblématique était amplifié par les figures qui apparaissent sur d’autres petits carreaux, en forme de losange, qui complètent le carrelage. Notamment, dans le bandeau qui encadre la rosace centrale, le roi de France est à nouveau évoqué par les nombreuses fleurs de lys, représentées soit par groupes de quatre, soit dans la forme du semé. D’autres carreaux sont décorés d’une mitre et d’une crosse, enseignes de fonction de Pierre de Sacierges, ou de lettres majuscules (que l’on retrouve même dans d’autres parties du carrelage) : un A surmonté d’une couronne – en lien avec Anne de Bretagne, épouse de Louis XII (Durand 1986, p. 96) ? –, un S (de Sacierges ?), mais aussi des B, I, Q, TE, des P (dans la rosace, pour Pierre de Sacierges ?), des L (Louis XII ?) et des W. Sur la base de ces lettres, qui restent toutefois en grande partie encore à déchiffrer, la mise en œuvre du carrelage pourrait dater d’après 1499, date du mariage entre Louis XII et Anne de Bretagne (8 janvier 1499) et du départ de Pierre de Sacierges pour l’Italie (ibid., p. 108), où il se trouvait dès le 6 octobre 1499 à l’occasion de l’entrée de Luis XII à Milan (Aillery 1860, p. XVIII).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Bourg-Archambault, château (logis), https://armma.saprat.fr/monument/chateau-bourg-archambault-logis/, consulté
le 31/03/2025.
Bibliographie études
Aillery Eugène, Pouillé de l’évêché de Luçon, Fontenay-le-Comte 1860.
Andrault Jean-Pierre, Meunier Marie-Françoise, Châteaux et gentilhommières en Haut-Poitou, Paris 1998.
De la Fontenelle Armand Désiré, Histoire du monastère et des évêques de Luçon, Paris 1847.
Durand Philippe, Les châteaux de la baronnie de Montmorillon aux XIVe et XVe siècles, thèse de doctorat, dir. R. Favreau, Université de Poitiers, 1986.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Bourg-Archambault, château (logis). Armoirie Pierre de Sacierges (armoirie 1a)
Burelé d’(argent) et d’(azur ?) de dix pièces, au lion de (gueules ?) couronné (du même ?) brochant sur le tout.
Attribution : Sacierges, Pierre de
Position : Extérieur
Étage : 1er étage
Pièce / Partie de l'édifice : Façade
Emplacement précis : Mur sud
Support armorié : Pierre sculptée
Structure actuelle de conservation : Déplacée dans le même monument