ArmmA

ARmorial Monumental du Moyen-Âge
Afficher la recherche

Rechercher dans le site

Recherche héraldique

Tours, maison du Dauphin

 

Construite au XVe siècle, la maison dite du Dauphin est située en face du portail sud de l’église Notre-Dame de la Riche. Classé au titre des Monuments historiques depuis 1910 (base POP), l’immeuble à pans de bois s’élève sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée, deux piliers à gauche encadrent la porte permettant l’accès au passage latéral de la maison, tandis qu’un troisième poteau, à l’extrême droite, est relié aux deux premiers par une sablière en bois. Quatre écus étaient sculptés sur la façade (armoiries 1-4), mais seules les armes de France au pignon sont encore lisibles. Celles-ci sont tenues par un ange et sont timbrées d’une couronne (armoirie 1). Le décor se poursuit au rez-de-chaussée sur les parties hautes des trois piliers, où le saint et le Couronnement de la Vierge encore bien lisibles, étaient jadis accompagnés, sur le poteau cornier droit, d’une Vierge à l’Enfant, encore visible au début du XXe siècle. Ces éléments sculptés reposaient sur des culs-de-lampe ornés d’anges qui tenaient autrefois des écus armoriés. Au début du XXe siècle, l’érudit Édouard Gatian de Clérambault put identifier les armes de Savoie sur le pilier de gauche (armoirie 2) et l’écartelé France/Dauphiné au pilier droit (armoirie 4), mais il ne put pas reconnaître les armoiries sculptées sur le pilier central, car elles étaient déjà bûchées lors de sa visite (armoirie 3) (Clérambault 1912, p. 19).

Selon la tradition, cette maison aurait été construite à l’emplacement où Charles VII, alors Dauphin de France, avait placé ses troupes pour délivrer la ville occupée par les Bourguignons en 1418 (Clérambault 1912, p. 19 ; Jeanson 1973, p. 278 ; Ranjard 1986, p. 85). Par conséquent, l’écu aux armes France/Dauphiné lui est attribué et l’ensemble héraldique est interprété comme un décor réalisé pour commémorer sa victoire. Cependant, la présumée présence des armes de Savoie, dans la partie ouest du rez-de-chaussée, invite à reformuler cette hypothèse. L’ensemble du programme héraldique, comme il a été décrit par Édouard Gatian de Clérambault, suggère en effet une mise en avant de la figure de Louis XI, qui épousa en secondes noces Charlotte de Savoie, devenue reine de France en 1461, et de sa famille.

L’emplacement stratégique de la maison, située à l’extérieur de l’ancienne ville, sur la voie menant de la porte de La Riche au château de Plessis-lès-Tours, invite à y reconnaître une construction réalisée sous le règne de Louis XI, qui avait largement restauré ce manoir emblématique de la Touraine dans le but d’en faire sa résidence principale. De plus, dans les années 1470, le monarque fit apposer ses armoiries sur les différents points d’accès de la ville de Tours (Bulté 2015) et notamment sur la porte de La Riche qui, en raison de son accès direct au château de Plessis-lès-Tours, était la plus empruntée par les souverains de l’époque (Partours. Parcourir Tours à la Renaissance). Le dernier tiers du XVe siècle marqua également une période importante du règne de Louis XI avec la naissance de son fils, le futur Charles VIII, en 1470. Il est donc possible que les armes du Dauphin, qui étaient autrefois placées sur le pilier droit, pouvaient soit rappeler le passage à Tours de Charles VII quand il était encore Dauphin, soit célébrer la naissance de l’héritier de Louis XI.

Ange tenant un écu armorié (écartelé France/Dauphiné), surmonté du Couronnement de la Vierge. Tours, maison du Dauphin.

Ainsi, la façade de la maison raconterait un épisode historique de la ville tout en mettant en valeur la famille royale. On y trouverait les armes de Louis XI en place d’honneur au pignon, suivies en bas de celles de la reine Charlotte de Savoie, puis éventuellement des armes de France sur le pilier central, et enfin des armes du Dauphin. La mise en signe de la façade répondait à une logique bien établie, consistant à placer les armoiries du roi au-dessus de celles d’autres institutions ou familles, comme on peut également le voir, par exemple, sur la fontaine de Beaune-Semblançay à Tours où les armes de Louis XII et Anne de Bretagne surplombent celles de la cité tourangelle et du commanditaire Jacques de Beaune. En outre, il semble que les trois scènes sculptées aux piliers sont à mettre en relation avec les éléments héraldiques.

Ange tenant un écu armorié surmonté d’un saint. Tours, maison du Dauphin.

Bien que l’identité du saint placé au-dessus des armes de Savoie demeure énigmatique, le reste du décor met clairement à l’honneur la Vierge dont l’image a été couramment utilisées en Val de Loire pour protéger les entrées des villes, comme on le constate sur le Pont de Loire où la figure de Marie est sculptée près des armes de France en 1481 (Bulté 2015). Dans la maison du Dauphin la Vierge est représentée à deux reprises peut-être au même but prophylactique. Par ailleurs, la Vierge à l’Enfant, autrefois placée au-dessus des armes du Dauphin sur le pilier de droite, aurait pu évoquer la jeunesse, voir la naissance même de l’héritier de France et le placer sous la protection de la reine des cieux. Cela pouvait créer un jeu symbolique autour de la fleur de lis, à la fois emblème marial et royal. Cette association de la Vierge à la royauté s’illustre également au pilier central où la Vierge couronnée surplombait probablement un écu aux armes de France. Ainsi, le couronnement divin ne se limitait pas à la seule figure mariale, il s’étendait également au royaume de France.

Auteur : Sarah Héquette

Pour citer cet article

Sarah Héquette, Tours, maison du Dauphin, https://armma.saprat.fr/monument/tours-maison-du-dauphin/, consulté le 21/11/2024.

 

Bibliographie études

Clérambault Edouard Gatian de, Tours qui disparaît, Tours 1912.

Jeanson Denis, Sites et Monuments du Grand Tours, Tours, 1973.

Ranjard Robert, La Touraine archéologique : guide du touriste en Indre-et-Loire, Mayenne 1986 (éd. or. 1930).

Bulté Cécile, « Emblématique royale dans les hôtels de ville du Val de Loire, 1440-1510 », dans A. Salamagne (dir.), Hôtels de ville. Architecture publique à la Renaissance, Tours 2015, p. 189-205.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Tours, maison du Dauphin. Armoirie Louis XI ? (armoirie 1)

D'(azur) à trois fleurs de lis d'(or).

  • Attribution : Roi de France ; Louis XI roi
  • Tenants / Supports : Un ange
  • Timbre : Une couronne
  • Position : Extérieur
  • Étage : 3ème étage
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Pignon
  • Support armorié : Poinçon
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Sculpture en bois
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Tours, maison du Dauphin

Tours, maison du Dauphin. Armoirie Charlotte de Savoie ? (armoirie 2)

(Mi-parti : au 1 d’azur à trois fleurs de lis d’or, au 2 de gueules à la croix d’argent).

  • Attribution : Armoirie bûchée ; Savoie, Charlotte de
  • Tenants / Supports : Un ange
  • Position : Extérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Pilier
  • Support armorié : Console
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Sculpture en bois
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Tours, maison du Dauphin

Tours, maison du Dauphin. Armoirie bûchée (armoirie 3)

(D’azur à trois fleurs de lis d’or ?).

  • Attribution : Armoirie bûchée ; Roi de France
  • Tenants / Supports : Un ange
  • Position : Extérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Pilier
  • Support armorié : Console
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en bois
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Tours, maison du Dauphin

Tours, maison du Dauphin. Armoirie Dauphin de France ? (armoirie 4)

(Écartelé : au 1 et 4 d’azur à trois fleurs de lys d’or (France) ; au 2 et 3 d’or au dauphin d’azur, crêté, barbé, loré, peautré et oreillé de gueules (Dauphiné de Viennois)).

  • Attribution : Armoirie bûchée ; Dauphin de France
  • Position : Extérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Pilier
  • Support armorié : Console
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en bois
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Tours, maison du Dauphin

Recherche

Menu principal

Haut de page