Saint-Pierre-du-Chemin, localement célèbre pour abriter les reliques de saint Valentin, doit son nom à sa situation sur le « chemin » romain reliant Nantes à Poitiers, qui a permis le développement d’un village christianisé dès l’Antiquité tardive et l’installation d’un archiprêtré paléochrétien, dépendant du diocèse de Poitiers (Teillet 1894, p. 75). De cette première implantation chrétienne, il ne reste aucune trace, pas plus que de l’église « Sancti-Petri de Camino » mentionnée au XIe siècle (Teillet 1894, p. 76 ; Delhommeau 2000). L’église actuelle est en effet le résultat de trois campagnes de construction dont la plus ancienne date de la fin du XVe siècle. Dans le plan originaire, l’édifice aurait dû présenter deux nefs de six travées, la nef nord ayant la fonction de collatéral selon une disposition courante dans la région, que l’on retrouve à Cheffois ou à Montournais par exemple. Cependant ce projet ne fut pas complété : seule la première travée du bas-côté fut construite, sur laquelle fut érigée une tour-clocher carrée. Les nervures partant des piliers entre les deux premières travées, tout comme le fait que le chœur soit partagé en deux espaces indépendants (dont celui au sud abrite le maître-autel), témoignent de l’idée d’origine d’une division en deux nefs. À cette première phase de construction appartient le portail flamboyant ouvert dans la façade ouest, classée Monument historique en 1906 (base POP). Il est surmonté d’une statue de saint Pierre sous un dais, d’une petite baie à remplage et de deux faux mâchicoulis trilobés. Formée de six travées, la nef unique est large de 12 mètres. Voutée d’ogives et terminée par un chevet plat, elle est flanquée au sud par quatre renfoncements peu profonds formant des sortes de chapelles ; deux autres leur répondaient au nord. L’ensemble est complété par une crypte placée sous le chœur, qui aurait abrité plusieurs sépultures de seigneurs locaux (Teillet 1894, p. 372-376).
Pillée et détruite partiellement pendant les guerres de Religion, l’église est reconstruite dans la première moitié du XVIIe siècle. À cette époque ses voutes sont reprises (la date de 1602 figure sur la clé de la voûte supportant le clocher), tout comme sa charpente et sa couverture (deux poutres du clocher portent les millésimes 1610 et 1641 et les noms de leurs charpentiers). Un nouveau chantier d’envergure fut lancé dans la deuxième moitié du XIXe siècle : en 1867, l’architecte départemental Victor Clair proposa des plans pour « l’amélioration du sanctuaire de l’église » concernant, entre autres, la reconstruction complète de la nef et du chœur (Luçon, archives du diocèse, SM 264/3-2). De l’ancienne église, ne furent ainsi conservés que la première travée et les murs sud et nord, auquel furent toutefois ajoutés deux renfoncements pour des raisons de symétrie avec l’autre côté de l’édifice. Les voûtes de la nef et le chœur furent intégralement reconstruits et l’ensemble du mobilier changé.
L’édifice présente plusieurs écus armoriés. À l’extérieur, ils sont concentrés sur la façade occidentale, au-dessus du portail flamboyant. Au-dessous du chou frisé situé au sommet du gâble en accolade qui encadre l’entrée monumentale se trouve un écu fascé de huit pièces à une bande brochante, dans lequel on a reconnu, dès la fin du XIXe siècle, les armes des Parthenay-Larchevêque (Robuchon 1892, p. 17), qui portaient un burelé d’argent et d’azur à la bande de gueules(armoirie 1). De part et d’autre du gable figurent, dans deux baies trilobées aveugles, deux écus échiquetés, que nous pouvons attribuer avec une plus grande certitude à la famille Bigot (armoiries 2a-b), dont la branche ainée portait un échiqueté d’argent et de gueules (Beauchet-Filleau 1891, p. 527). Ce lignage a en effet possédé de nombreuses terres en Poitou dont, à Saint-Pierre-du-Chemin, la seigneurie de la Ménardière à partir du mariage de Louis Bigot, seigneur de Dislay († ap. 1538), avec Catherine Grignon, dame de la Ménardière (Beauchet-Filleau 1891, p. 528). La forme en targe de l’écu, proche de celle en chanfrein typique de la Renaissance italienne, permet de dater le relief au début du XVIe siècle.
Saint-Pierre-du-Chemin, église Saint-Pierre, détail du portail ouest avec écu aux armes supposées Parthenay-Larchevêque.
La présence des armoiries des Parthenay-Larchevêque, figurant à la place d’honneur, s’explique plus difficilement. Certes, il semble que la majeure partie des fiefs de la paroisse de Saint-Pierre-du-Chemin relevaient de la baronnie de Vouvant (ou de la châtellenie de Bazoges, elle-même relevant de Vouvant), qui leur a longtemps appartenu. Cependant, à l’époque de la construction du portail, à la fin du XVe siècle voire au début du XVIe, les Parthenay n’étaient plus les seigneurs de Vouvant et cela depuis la vente qu’en avait fait Jean Larchevêque au roi de France en novembre 1419 (Guerin 1898, p. 90-100 : Corpus num. 1040, 9 avril 1435). Lors de la construction du portail de Saint-Pierre-du-Chemin, Vouvant appartenait désormais aux ducs Longueville de la maison d’Orléans, qui avaient l’habitude de faire représenter leurs armes dans les églises de leur baronnie alors en travaux (à Cheffois, Réaumur ou Mouilleron-en-Pareds). Cependant, il est plausible que la mise en valeur des armoiries des Parthenay-Larchevêque et leur association, dans la façade de l’église, à celles des Bigot trouve explication dans la volonté de Louis Bigot de s’afficher comme le légitime héritier des droits déjà vantés par l’ancien lignage poitevin, notamment sur l’église de Saint-Pierre-du-Chemin, qu’il avait acquis par le biais de son mariage avec Catherine Grignon. En effet, l’arrière grand-mère maternelle de celle-ci serait Catherine de Parthenay, mariée à Jean de la Chaussée (Beauchet-Filleau 1963, p. 429), dont le nom apparaitrait dans le contrat de mariage de l’une de ses filles (Beauchet-Filleau 1895, p. 335 ; elle ne figure cependant pas dans la généalogie de la maison de Parthenay-Larchevêque de Pattou 2024 et parfois sa descendance se fait plus obscure : Geneanet). Par ailleurs, si l’état de fraîcheur de l’écu armorié laisse planer des doutes sur son authenticité, une armoirie que l’on dirait identique à l’actuelle est bien visible dans des photographies et relevés anciens (La Roche-sur-Yon, AD, 1 Num 20 8-85 et 20 Fi 264-1 ; Farault 1914, p. 403, num. 2377).
Saint-Pierre-du-Chemin, église Saint-Pierre, détail de la façade ouest avec écu aux armes Bigot.
À l’extérieur, un troisième écu, vierge, orne l’arc en anse de panier de la porte latérale nord (armoirie 3). Il s’agit sans doute cependant d’un élément ajouté à l’occasion de la restauration de l’édifice à la fin du XIXe siècle, puisque cette porte néo-gothique a été percée et dessinée en 1894 (Luçon, archives du diocèse, SM 264/5-3).
À l’intérieur de l’église, trois éléments héraldiques se remarquent. La clé de voûte du renfoncement sud de la quatrième travée est ornée des armes de la famille Grignon, sculptée sur un écu dont la forme allongée est assez courante, dans la région, dans les décors héraldiques du début du XVIe siècle (armoirie 4). Les Grignon – dont les armes auraient été par la suite héritées par la famille poitevine des Chevalier en raison du supposé mariage vers 1350 entre Jean Chevalier et une Grignon (Beauchet-Filleau 1895, p. 431-432) – sont mentionnés à Saint-Pierre-du-Chemin à partir du milieu du XVe siècle, en la personne d’André, seigneur de la Ménardière et du Bourg-Bastard dans la paroisse voisine de La Tardière (Beauchet-Filleau 1963, p. 429). Son fils cadet, François Grignon, est assassiné vers 1530 et ses meurtriers sont condamnés le 26 octobre 1531 à la décapitation et, entre autres, à la fondation d’une chapellenie en l’église où leur victime a été inhumée (ibid.). C’est peut-être cette chapelle que signale cette clé de voute aux armes des Grignon. À moins qu’elle n’ait été construite antérieurement par Catherine Grignon († av. 1531), fille de François, et par son époux Louis Bigot, dont les armoiries ornent, comme nous venons de le voir, le portail de l’église.
Saint-Pierre-du-Chemin, église Saint-Pierre, clé de voûte aux armes Grignon.
Par ailleurs, la clé de voute du renfoncement sud de la deuxième travée porte un écu non identifié à ce jour : présentant une croix à double traverse et une crosse posées en sautoir, il a vraisemblablement été sculpté dans une phase plus récente de travaux, peut-être même au seins du chantier de la fin du XIXe siècle, comme la forme de l’écu, typique du XVIIIe et XIXe siècle, l’indique (armoirie 5). Enfin, un écu vierge, sans doute également sculpté lors de la reconstruction du XIXe siècle, orne un culot placé sous la baie sud de la troisième travée (armoirie 6).
En somme, malgré la reconstruction d’une large partie de l’édifice dans le dernier quart du XIXe siècle et le flou qui demeure autour de la présence des armes supposées des Parthenay-Larchevêque, les différents décors héraldiques de l’église de Saint-Pierre-du-Chemin témoignent d’une campagne de construction, ou a minima de réaménagement, dans le premier tiers du XVIe siècle, confirment l’analyse stylistique du portail et affinent la chronologie de l’édifice.
Auteur : Clément Brusseau
Pour citer cet article
Clément Brusseau, Saint-Pierre-du-Chemin, église Saint-Pierre, https://armma.saprat.fr/monument/saint-pierre-du-chemin-eglise-saint-pierre/, consulté
le 21/12/2024.
Bibliographie sources
Guerin Paul, Recueil des documents concernant le Poitou, t. 8, 1431-1447, Poitiers 1898 (Archives historiques du Poitou, 19).
Luçon, Archives historiques du Diocèse de Luçon, SM 264, Correspondance entre la paroisse de Saint-Pierre-du-Chemin et l’évêché (XIXe siècle).
Bibliographie études
Beauchet-Filleau Henri et al., Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 1, Poitiers 1891.
Beauchet-Filleau Henri et al., Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 2, Poitiers 1895.
Beauchet-Filleau Henri et al., Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 4, Poitiers 1963.
Delhommeau Louis, Églises de Vendée : vocables, titulaires et liste des documents relatifs à leur construction et à leurs travaux du XIe siècle à nos jours, Luçon 2000 (éd. or. 1967).
Farault Alphonse, « Répertoire des dessins archéologiques d’Arthur Bouneault à la Bibliothèque municipale de Niort », Mémoires de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres, 10, 1914, p. 201-427.
Robuchon Jules, Paysages et monuments du Poitou, t. 10, Paris 1892.
Teillet Louis, « Notice sur Saint-Pierre-du-Chemin (Vendée) », Revue du Bas-Poitou, 1894, p. 69-93 et p. 372-396.
