Mentionnée pour la première fois en 1163 dans une charte du pape Alexandre III comme une dépendance de l’abbaye de Géneston (Morice 1742, col. 649), l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Boiseau est un prieuré-cure, dont le recteur était souvent choisi parmi les moines de l’abbaye mère (Deniaud 1917, p. 18). En 1382, l’abbaye en manque de moyens demande d’ailleurs au pape d’unir la mense abbatiale à celle de Saint-Jean-de-Boiseau (ibid., p. 12). L’église actuelle conserve cependant peu de traces de l’édifice originel. Seul le clocher remonterait en effet au XIIe siècle, même s’il a aussi été remanié à la fin du Moyen Âge et, puis au XIXe siècle (Boistel 1993-2010), tandis que presque l’intégralité de l’édifice fut reconstruite aux XVIIIe-XIXe siècles : le transept sud fut édifié en 1724, la nef en 1834, la sacristie en 1861.
Des travaux avaient été déjà engagés à la fin du XVe siècle sur le transept nord, ravalé au XIXe siècle (ibid.), et aussi sur le chœur charpenté présentant un chevet plat à grande verrière, selon un parti que l’on retrouve très fréquemment en Bretagne à cette époque. Des remaniements profonds, en accord avec les principes édictés lors du concile de Trente, sont effectués vers 1682 (Binet 1682-1683, p. 3-4), au moment de la mise en place du grand autel, et aboutissent vraisemblablement à la suppression des entraits et poinçons gênant la visibilité du retable du chœur, l’obturation de la grande verrière, et l’ajout en sous-œuvre d’un nouveau lambris peint décoré de têtes d’angelots, cachant la voûte médiévale (Boistel 1993-2010). Un lattis enduit de plâtre est encore superposé à l’ensemble en 1923, avant qu’une campagne de restauration dans les années 1990-2000 ne vienne remettre en valeur les vestiges médiévaux, expurgés de leurs modifications successives. Ces travaux ont notamment révélé les lambris de la voûte du XVe siècle, peints en gris bleuté, et ornés d’étoiles à cinq branches jaunes à liseré doré et de mouchetures d’hermines noires. Ces motifs, sûrement étendus au reste de la voûte disparue depuis, semblent cependant plutôt correspondre à un décor de l’époque moderne, sur le modèle de celui que l’on retrouve par exemple à Saint-Servais en 1720 (Duhem 1997, p. 313). Les mouchetures d’hermine, héritées des armoiries ducales, continuent effectivement à être utilisées tout au long de l’époque moderne comme emblème de la province de Bretagne.
Saint-Jean-de-Boiseau, église Saint-Jean-Baptiste, armoiries des Goheau présentées par un ange.
Les sablières du chœur se rattachent quant à elles clairement à une production de la fin du XVe siècle-début du XVIe siècle, comme le révèlent les motifs qui les ornent, sculptés en haut relief (ibid., p. 6). Ceux-ci sont en effet caractéristiques des sablières bretonnes de cette période présentant des têtes et des bustes d’hommes et de femmes, aux expressions particulièrement expressives, dans un style qui fait penser à des réalisations nantaises du dernier quart du XVe siècle, notamment à celles de Jean de Borgelle à l’église Saint-Nicolas en 1474 (Maugard 2014, p. 114), dont une sablière est conservée au musée Dobrée de Nantes. On relèvera aussi la présence d’une thématique macabre, avec une composition voisine de celle de Saint-Etienne-du-Gué-de-l’Isle en 1527-1528 (Duhem 1997, p. 274), visant à rappeler au fidèle l’inexorabilité de la mort et la vacuité du monde terrestre.
Le choix d’un tel programme à Saint-Jean-de-Boiseau s’explique vraisemblablement par l’implication dans la commande de l’œuvre des autorités ecclésiastiques, tels que l’abbé de Géneston ou le recteur. Cette hypothèse semble confirmée par la présence de deux écus aux armes des Goheau. Le premier (armoirie 1a) tenu par un ange et figuré sur la sablière nord, était visible en 1863, avant d’être recouvert par une console creuse en 1923 puis redécouvert en 1994, tandis que le second (armoirie 1b) lui fait face sur la sablière sud. Ces deux écus, situés le plus à l’est du chœur, autrement dit dans la partie la plus sacrée du sanctuaire, renvoient vraisemblablement à l’abbé Jean Goheau (1483-1509), déjà impliqué dans le chantier voisin de la chapelle de Bethléem.
Saint-Jean-de-Boiseau, église Saint-Jean-Baptiste, armoiries mi-parties en losange (Marie Hastelou ?) et du Chaffault (avant restauration).
Deux autres écus sont également sculptés sur la sablière nord. Un écu droit porte les armes de des Bourigan du Pé (armoirie 2), dont le château se situe à proximité immédiate de l’église, dans laquelle ces derniers disposaient apparemment du droit de sépulture (Boistel 1993-2010). A côté, nous observons un écu armorié (armoirie 3) qui avait été attribué de manière erronée à l’évêque de Nantes Pierre du Chaffault (1477-1487), à l’instar de l’armoirie partie au lion tenant une crosse que l’on voit dans la chapelle de Bethléem. L’écu en losange (armoirie 3) porte bien un mi-parti aux armes des Bourigan du Pé – nous reconnaissons aisément un lion à l’extrémité droite de l’écu et la moitié d’un autre sur la ligne de partition de l’armoirie, déjà interprétée par erreur comme une crosse (Histoire de Saint Jean de Boiseau s.d.) – , associées à sénestre à une autre armoirie qui semble présenter une tête d’animal en chef et possiblement une seconde en pointe. La forme de l’écu nous assure qu’il s’agit de l’armoirie d’une femme, de toute évidence mariée avec un seigneur Bourigan du Pé portant les armes pleines de la famille. Selon l’usage, les armes du mari sont représentées à dextre, tandis que celle du père de l’épouse se trouvent à senestre. L’identité de la dame en question reste cependant à confirmer. Il pourrait s’agir de Marie Hastelou, veuve de Gilles Bourigan du Pé, dont on retrouve la trace en 1460 (De Rosmorduc 1898, p. 461), et dont la famille porte comme armes trois têtes de loup. Le choix manifeste d’afficher un écu losange pour montrer, non pas seulement l’alliance mais aussi le statut de cette dame, serait également cohérent pour y voir une implication personnelle de la veuve, qui, étant encore en vie en 1460, aurait bien pu intervenir dans la construction du chœur dont les sablières, comme nous l’avons vu, pourraient avoir été sculptées dès le dernier quart du XVe siècle.
Auteur : Thibaut Lehuede
Pour citer cet article
Thibaut Lehuede, Saint-Jean-de-Boiseau, église Saint-Jean-Baptiste, https://armma.saprat.fr/monument/saint-jean-de-boiseau-eglise-saint-jean-baptiste/, consulté
le 21/11/2024.
Nantes, AD Loire-Atlantique, G 51, Binet Antoine, Ordonnances dans le climat de Retz, 1682-1683.
Bibliographie études
Deniaud Jean, L’abbaye de Géneston, s.l. 1917.
Duhem Sophie, Les sablières sculptées en Bretagne. Images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne (XVe-XVIIe s.), Rennes 1997.
Maugard Emmanuel, « La reconstruction de l’église Saint-Nicolas », dans N. Faucherre, J.-M. Guillouët (dir.), Nantes flamboyante, 1380-1530, Nantes 2014, p. 109-121.
Saint-Jean-de-Boiseau, église Saint-Jean-Baptiste. Armoirie Bourigan du Pé / Hastelou ? (armoirie 3)
Mi-parti : au 1, de (gueules) à trois lions d'(argent) couronnés (Bourigan du Pé) ; au 2, d’(argent) à trois têtes de loup ? de (sable ?) (Hastelou ?).