L’église Saint-Guénolé de Saint-Frégant, une ancienne trève de Guissény, a été réédifiée dans les années 1880 (Couffon 1959, p 379) en conservant seulement de l’édifice antérieur le clocher du XVIIIe siècle « assez pauvre de lignes » (Le Guennec 1981, p. 312). Pour documenter le monument disparu, on ne dispose que du plan de masse porté sur le cadastre napoléonien, et de mentions de prééminences en marge d’aveux de la fin de l’Ancien Régime pour cinq fiefs. Trois d’entre elles pour la baronnie de Penmarc’h en 1556, 1572, 1620 (Nantes, Loire Atlantique, B 1715), 1682 (idem, B 1734) et pour les seigneuries de Lescoët (idem, B 1743) et de Lesguern en 1682 (idem, B 1734) sont assez succinctes, la quatrième pour la terre de Penhoat en 1684 (idem, B 1734) est plus consistante. Mais c’est surtout la dernière qui retient l’attention : à un minu des sieurs du Rest est annexé en justification de leurs droits un procès-verbal de prééminences de 1611 nanti d’une représentation aquarellée sur parchemin de la maîtresse-vitre disparue au chevet, qui mérite un examen particulier.
Saint-Frégant, église Saint-Guénolé.
À l’exception de baie d’axe, ces témoignages cumulés ne rendent qu’une vue floue de la physionomie de l’édifice disparu et de sa parure héraldique. Si les armoiries sont localisables avec assez de précision, en revanche elles ne sont pas décrites et restent difficilement datables. Quelques unes peuvent toutefois être discriminées comme médiévales, en argumentant avec précaution.
En comptant une part d’incertitude, le monument présentait une nef à six travées pourvue de bas-côtés ouvrant sur un chœur plus rétréci à chevet plat, sans collatéral. Au témoignage de l’aveu pour Penhoat, l’accès principal s’ouvrait au flanc sud de la nef, peut-être vers la deuxième travée.
Les barons de Penmarc’h, seigneurs supérieurs et hauts justiciers, étaient en éminence dans la maîtresse-vitre et dans la fenêtre d’une chapelle dédiée à Notre-Dame à la dernière ou aux deux dernières travées orientales du bas-côté nord, où ils avaient leur banc. Ils avaient un dans le chœur tombeau orné d’armoiries touchant le maître-autel (armoirie 1 a-?), huit écussons à la maîtresse-vitre disparue, un écusson sculpté près des fonts baptismaux au sud (armoirie 1?), ainsi que d’autres encore, non précisés, à l’intérieur, à la façade occidentale et au clocher. À l’exception des éléments situés à l’extérieur, mentionnés uniquement dans l’aveu de 1682 et résultant peut-être d’un ajout tardif, tout le reste, signalé dès 1556, remontait formellement au Moyen Âge ou à la première moitié du XVIe siècle. Les Penmarc’h, dont les armes primitives subirent une mutation vers le deuxième quart du XVe siècle, portaient alors d’or à la fasce d’azur accompagnée de six colombes ou merlettes de même, puis d’or à trois colombes ou merlettes d’azur. Jusque 1556, leur généalogie fait état de plusieurs alliances avec les Coëtivy, du Juch, Lanros, Coëtlestremeur, Toupin, Parscau (Gac 1997, p. 15-20 ; Torchet 2010, p. 250-251), dont certaines figuraient probablement sur des écus mi-partis (armoirie 2 a- ?).
Tableau récapitulatif des armoiries de la famille de Penmarc’h.
Bien que d’un rang inférieur aux Penmarc’h, les seigneurs de Penhoat, issus de la famille de Kersauzon, qui blasonnait de gueules au fermail d’argent, détenaient les plus nombreuses prééminences. Elle se distribuaient dans la maîtresse-vitre et dans les chapelles de Notre-Dame au nord, et de Saint-Sébastien en vis-à-vis aux dernières travées orientales du bas-côté sud. Dans celle-ci, qui leur était prohibitive, ils avaient « deux vittres l’une au solleil levant et l’autre au midy touttes remplies des armes de lad[ite] maison de Penchoat tant en cheff qu’en alliances » (Nantes, AD de Loire Atlantique, B 1734, aveu de 1684, f. 2280). Sous la dernière arcade de séparation avec le chœur, on trouvait « une tombe enlevée de trois pieds de hauteur […] armoiée des armes de ladicte maison de Penhoat » (ibid.) et joignant le bout du maître-autel, « une tombe à raz de terre armoiée » (ibid.). La seconde arcade au sud était occupée par « un escabeau quy advance dans le cœur de deux pieds et demy » (ibid., f. 2281). À la jonction du chœur et s’étendant jusqu’au maître-autel vers le nord existait un caveau sous la forme d’ « une grande voutte ou cave pour inhumer les seigneurs de ladicte seigneurie de Penchoat allant jusquez au raz du grand autel » (ibid). Il pourrait s’agir d’un aménagement tardif mais aussi, sous réserve, du vestige d’une crypte pouvant remonter à des temps très anciens, possiblement de l’époque romane, réaménagée à des fins funéraires. Les mentions d’un « trou servant autrefois à habillier les prêtres » et d’un étonnant droit seigneurial « de servittue et de veu[?] au grand autel par dessus le susdit trou appartenant […] au baron de Penmarc’h » (ibid.) donnent du crédit à l’hypothèse. Au flanc sud, « la principalle porte de ladicte esglise » était surmontée d’ « un escusson de pierre en bosse » (ibid.).
La chapelle de Notre-Dame au nord appartenait aux barons de Penmarc’h. Toutefois, à l’exception d’un droit de litre en supériorité et d’un écu au sommet d’une verrière, elle semble avoir été ornée presque exclusivement des prééminences des Penhoat, signe quasi-certain d’un achat ou d’un échange par les Penmarc’h. Une transaction est d’ailleurs avérée touchant la concession par les ces derniers d’un droit de six écussons au sein de la maîtresse-vitre, au profit des Penhoat. Les deux baies de la chapelle, à l’est et au pignon étaient chargées des armes de Penhoat, de même qu’ « une tombe enlevée de la haulteur de trois piedz et demi avec les mesmes armes des deux costés et dessus » (ibid., f. 2283), qui se trouvait sous l’arcade de communication avec le chœur. Une plate-tombe la jouxtait à ras de terre vers le chœur, elle aussi « armoié des armes de ladicte maison de Penhoat en bosse » (ibid.). Leurs armes étaient encore sculptées en relief à la clé des grandes arcades de la dernière travée au nord et au sud, ainsi que sur une sablière porteuse de « deux autres escussons en bosse » (ibid.). Enfin, un enfeu abritant un tombeau de deux pieds de hauteur et un banc, joignait le pilier de la chapelle vers le chœur, un rang plus haut qu’un second enfeu appartenant aux seigneurs de Ranmelin, un autre fief établi sur la paroisse.
Au sein de cet ensemble important de prééminences, il est difficile de déterminer ce qui remontait au Moyen Âge. Sans pouvoir se prononcer sur le décor héraldique de la chapelle Saint-Sébastien au sud non plus que sur la majeure partie du mobilier funéraire, il y a des raisons de penser que la plupart des éléments armoriés de la chapelle Notre-Dame au nord devaient être anciens, peut-être réactualisés, mais dans le principe, antérieurs à 1556. À cette date en effet, l’aveu d’Alain de Penmarc’h signale les droits de sa famille sur la chapelle, ce qui fait supposer que la transaction avec les Penhoat devait déjà avoir eu lieu. Antérieurement, ceux-ci devaient être les principaux prééminenciers dans cette zone de l’édifice avant de basculer tardivement une partie de leurs droits au bénéfice des Penmarc’h. La maîtresse-vitre semblant datable d’après le style de son réseau au premier tiers du XVIe siècle, il y a lieu de se demander si les parties orientales n’auraient pas pu être reconstruites à ce moment-là, occasionnant de nouveaux partages ou une réaffectation des espaces et des droits honorifiques, possiblement sous la pression des Penmarc’h. L’hypothèse est invérifiable, mais permettrait de rendre compte de certains détails du partage des prééminences et de ce que l’on peut déduire de la conformation de cette zone (discrétion du mobilier funéraire des Penmarc’h, sur-représentation des Penhoat dans la chapelle nord, écussons en bosse uniquement aux clés des grandes arcades orientales, possible réemploi funéraire d’une crypte). Quoi qu’il en soit, les armes des Kersauzon de Penhoat pleines (armoirie 3 c- ?) ou en alliance dans des mi-partis (armoirie 4 a- ?) remontaient au Moyen Âge quasi-certainement aux clés des grandes arcades (armoirie 3 a-b), probablement à certaines verrières, tombes et enfeus, sans pouvoir se prononcer.
La chapelle ouvrant sur les troisième et quatrième travées au sud était aux seigneurs de Lesguern. Elle comportait un autel, un enfeu abritant une tombe haute, un banc attenant et une fenêtre à deux lancettes « armoié des armes de ladicte maison de Lesguern, qui sont verré d’argent et d’azur à trois faces de gueulles [pour fascé de vair et de gueules de six pièces] avecq les alliances de ladicte maison » (B 1734, aveu de 1682). Ils possédaient encore quatre écussons dans la maîtresse-vitre, et dans le chœur, sur deux rangées joignant le premier pilier au sud, deux bancs à accoudoirs, deux tombes basses et un emplacement de tombe. Les Lesguern étant tombés en quenouille peu avant 1600 et leur patrimoine passé aux Huon de Kérezellec (AD du Finistère, 32J 2), il est probable que plusieurs éléments armoriés, notamment à l’enfeu et au tombeau, remontaient au XVe ou au début du XVIe siècle, sans pouvoir présumer de la verrière et du reste, et qu’ils étaient décorés de leurs armes pleines (armoirie 5 a-?) et en alliance (armoirie 6 a-?).
Enfin, les seigneurs du Rest possédaient quatre tombes « au mitan du chœur scavoir deux en l’endroict de la troysiesme arcade à compter devers le grand autel distant de quatre pieds d’une tombe enlevée estant audit chœur devers le grand autel et en deux autres au dessoubz de l’endroict et la quatriesme arcade joignant les deux » (Nantes, AD Loire Atlantique, B 1714, descente de prééminences de 1611). Elles étaient « armoyées de losanges traversé d’un loup », transcription simplifiée du losangé d’argent et de sable au loup d’or brochant à la bordure de gueules des sieurs du Rest (armoirie 7 a-?). Plusieurs écussons dans la maîtresse-vitre affichaient des alliances de la fin du XIVe et du XVe siècles, aussi certaines des tombes pouvaient appartenir à d’anciens membres du lignage à la fin du Moyen Âge.
La maîtresse-vitre disparue, pièce la plus intéressante et la mieux documentée de cet édifice disparu, ornée des armes des seigneurs de Penmarc’h, de Lesguern, de Penhoat, du Rest et peut-être de Lescoët, mérite un examen dédié.
Auteurs : Marc Faujour, Paul-François Broucke
Pour citer cet article
Marc Faujour, Paul-François Broucke, Saint-Frégant, ancienne église Saint-Guénolé, https://armma.saprat.fr/monument/saint-fregant-eglise-saint-guenole-2/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie sources
Nantes, AD de Loire Atlantique, B 1714, Titres de Guissény, procès-verbal de prééminences pour la seigneurie du Rest en l’église tréviale de Saint-Frégant, 7 avril 1611.
Nantes, AD de Loire Atlantique, B 1715, aveux par Alain de Penmarc’h en 1556, Claude de Penmarc’h 1572 et René de Penmarc’h en 1620 pour la baronnie de Penmarc’h en Saint-Frégant.
Nantes, AD de Loire Atlantique, B 1734, aveu de Hamon Huon de Kerézellec pour le manoir de Lesguern en Saint-Frégant, avec mention de prééminences, 12 mai 1682 ; aveu de Gabriel de Penmarc’h pour la baronnie de Penmarc’h en Saint-Frégant, 28 avril 1682 ; aveu de François de Poulpry pour la seigneurie de Penhoat en Saint-Frégant, 2 août 1684.
Nantes, AD de Loire Atlantique, B 1743, aveu d’Alain Barbier pour la châtellenie de Lescoët et Kergoff, avec mention de prééminences pour Lescoët dans l’église tréviale de Saint-Frégant, 1684, f. 5047.
Quimper, AD du Finistère, 32J 2, chartrier de Kerézellec, arrêt de noblesse de la famille Huon, 1669, transcrit par Amaury de La Pinsonnais, 2010, en ligne sur Tudchentil.org (consulté le 6 mars 2021).
Quimper, AD du Finistère, 3 P 250/1/4, Saint-Frégant. Cadastre napoléonien, section A3 du bourg, 1842.
Bibliographie études
Couffon, René, Le Bars, Alfred, Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et de Léon, Quimper 1988.
Gac, Yvon, Le château et les seigneurs de Penmarc’h, Guissény 1997.
Le Guennec, Louis, Le Finistère monumental, 2, Brest et sa région, Quimper 1981.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Saint-Frégant, ancienne église Saint-Guénolé. Armoirie de Penmarc’h (armoiries 1 a-?).
(D’or à trois colombes alias merlettes d’azur ; alias d’or à la fasce d’azur accompagnée de six colombes alias merlettes d’azur, posées 3 et 3).
Attribution : Penmarc'h de famille
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chœur
Emplacement précis : Au pied du maître-autel
Support armorié : Monument funéraire ; Tombeau
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue