Documentée à partir de 1122, l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Prinçay conserve en partie son aspect roman, même s’il a été altérée par la construction au XIIIe siècle de la voûte d’ogive du chœur et par les restaurations, plutôt invasives, réalisées entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe. Celles-ci concernèrent notamment la reconstruction de la façade, la construction du porche extérieur, le remplacement de certains chapiteaux et la réalisation de la voûte en berceau de lambris qui couvre la nef (Le patrimoine 2002, p. 696). Inscrite aux monuments historiques en 1952, l’église a fait l’objet d’une campagne de restaurations en 1993 qui a notamment porté à la découverte de quelques pans des peintures murales qui recouvraient autrefois son chevet.
Prinçay, église Saint-Gervais-et-Saint-Protais, chevet avec peinture votive.
Parmi ceux-ci se trouve également un tableau votif, très usé, représentant une Vierge à l’Enfant, situé sur le mur sud, entre la bais qui éclaire le chevet et le mur de fond de ce dernier. Deux donateurs sont figurés à genoux aux pieds de la Vierge, mais il n’est pas exclu que d’autres personnages étaient figurés dans la partie droite de la peinture, disparue par la suite. La scène est encadrée de trois côtés par une bordure azure, dans laquelle trouvent place quatorze écussons armoriés, disposés d’une façon régulière. Des lettres SC sont distinctement visibles au cœur du rinceau qui surmonte le premier personnage à genoux. La forme des écus, aussi que les détails stylistiques de la peinture et l’emploi d’un décor à rinceaux pour le fond de la scène invitent à dater l’image au XIVe siècle (Landry-Delcroix 2012, p. 281) et, peut-être, plus précisément à la seconde moitié du XIVe siècle.
Malheureusement, les armories semblent avoir été délibérément altérées, probablement déjà à une époque ancienne, et il est maintenant difficile d’en reconstruire l’aspect originel et d’en proposer une identification fiable.
Six écus apparaissent aujourd’hui totalement peints en rouge (armoiries 3, 7, 10, 14), en jaune (armoiries 1, 11, 13) ou en sable/azur (armoirie 12), mais il est très probable que, à l’origine, ils étaient chargés de meubles ou de partitions qui ont disparus ou qui ont été effacées pour rendre l’armoirie méconnaissable. Nous n’avons donc pu attribuer que cinq armoiries, dont deux avec une certaine marge d’incertitude. Elles pourraient appartenir aux Beaumont d’Anjou (armoirie 4) (De Saint-Allais 1815, p. 198), aux Marmande (armoirie 5) (Le Breton, p. 43 et 45 selon De Boos et al. 2004, p. 210, num. 686 ; Beauchet-Filleau 1976, p. 540), probablement aux Chabot (armoirie 6) – les couleurs ont été cependant très altérées (Le Breton, p. 44 : d’or à deux chabots de gueules) –, peut-être aux Thouars (armoirie 8) – les fleurs de lys ont peut-être disparu – et aux Sancerre (armoirie 9) (Le Breton, p. 44, sans lambel comme ici). Dans ce dernier cas, l’armoirie figurée dans la peinture de Prinçay pourrait trouver un lien direct avec le territoire dans lequel l’église est érigée. Jean III de Sancerre épousa en effet en 1347 Marguerite, fille unique de Pierre de Marmande et dame, entre autres, du fief homonyme, de Faye-la-Vineuse et d’autres possessions situées au long de la Vienne, à nord-est de Loudun (Beauchet-Filleau 1976, p. 543). Si notre hypothèse est exacte, l’armoirie des Marmande pourrait donc avoir un lien avec ce personnage ou bien avec sa famille (armoirie 5).
Litre funéraire aux armes Tiercelin. Prinçay, église Saint-Gervais-et-Saint-Protais.
En effet, il semble que la série héraldique n’a pas été composée pour évoquer les donateurs de la peinture, comme il a été parfois indiqué (Landry-Delcroix 2012, p. 281), ou indiquer des personnages ayant participé à un événement précis. Cet ensemble d’armoiries semble plutôt vouloir idéalement placer les personnages figurés dans la peinture au milieu de la grande noblesse de la région, entre Poitou et Anjou. Il est d’ailleurs plausible que les armes des donateurs étaient effectivement représentées dans la bordure de la fresque ou qu’elles accompagnaient, éventuellement peintes sur des boucliers, les personnages à genoux aux pieds de la Vierge, selon une solution très souvent adoptée dans les images de ce type.
Un écu aux armes des Tiercelin (Le patrimoine 2002, p. 697) se superpose à la peinture que nous venons de décrire, en bas à droite (armoirie 15). Dessiné sur un fond noir, il faisait probablement partie d’un litre funéraire qui a disparu sans laisser d’autres traces. Sa présence est certainement liée aux prérogatives seigneuriales exercées par Charles de Tiercelin, seigneur de la Roche-du-Maine et de Chitré, qui en 1535 avait obtenu le renouvellement des droits de prééminence, fief et juridiction dans l’église, la paroisse et le village de Prinçay, dépendant de la seigneurie de Monthoiron (Descoueyte 1993, s.p.).
Prinçay, église Saint-Gervais-et-Saint-Protais, voûte de la chapelle seigneuriale avec écu aux armes des Tiercelin (?).
Ces droits concernaient aussi la chapelle seigneuriale érigée sur le côté nord de l’église et consacrée à sainte Geneviève. Elle se compose de deux espaces distincts : l’un plus ample, directement communiquant avec la nef et doté d’un autel placé contre le mur est ; l’autre de plus petite taille et fourni d’une cheminée (Longuemar 1859 p. 438), qui devait être utilisé par les propriétaires de la chapelle pour se protéger du froid hivernal. Deux écussons armoriés sont sculptés sur les clefs des voûtes de ces deux espaces : l’un est totalement vierge (armoirie 16) et pourrait avoir été gratté pendant la Révolution ou, plus probablement, avoir perdu la couche de peinture qui le recouvrait à l’origine ; l’autre (armoirie 17), inscrit dans un cadre polylobé de bonne facture, porterait les armes de François Tiercelin seigneur de la Roche-du-Maine qui aurait fait bâtir la chapelle par son testament, rédigé en 1474 (Landry-Delcroix 2012, p. 281) ou en 1497 (Robuchon, 1887-1890, p. 60 ; Le patrimoine 2002, p. 697). L’armoirie, orientée avec le chef en direction de l’autel dans la chapelle, est été également documentée par un croquis de Louis Charbonneau-Lassay (Loudun, Musée Charbonneau-Lassay).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Prinçay, église Saint-Gervais-et-Saint-Protais, https://armma.saprat.fr/monument/princay-eglise-saint-gervais-et-saint-protais/, consulté
le 02/04/2025.
Bibliographie sources
Paris, Archives Nationales, ms. AE I 25, no./MM 648, Armorial Le Breton.
Bibliographie études
Beauchet-Filleau Henri, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 6, Fontenay-le-Comte 1976.
De Boos Emmanuel et al. (éd.), L’Armorial Le Breton, Paris 2004.
De Longuemar Alphonse, « Excursion archéologique dans le Loudunais », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 9, 1859, p. 426-464.
De Saint-Allais Nicolas, Nobiliaire universel de France, t. 5, Paris 1815.
Descoueyte Arlette, « Histoire du château de Chitré, 2e partie : un grand seigneur à Chitré : Charles Tiercelin de la Roche du Maine 1482-1567 », Bulletin de la société des Sciences de Châtellerault, 52, 1, 1993, s.p.
Landry-Delcroix Claudine, La peinture murale gothique en Poitou, XIIIe-XVe siècle, Rennes 2012.
Le patrimoine des communes de la Vienne, Paris 2002.
Robuchon Jules, Paysages et monuments du Poitou photographiés, t. 4, Paris 1887-1892.
Écartelé, au 1 d’(argent) à deux tierces d’(azur) mises en sautoir accompagnées de quatre merlettes (ou tiercelets) de (sable) (Tiercelin) ; au 2 parti émanché de … et de … ; au 3, de … à la croix pattée et alésée de … ; au 4, écartelé de … et de … ; à l’écu burelé de … et de … en abîme.