Situé sur le côté sud de l’actuelle place de la Sorbonne, le collège de Cluny fut fondé en 1269 par Yves de Vergy, abbé de Cluny, pour donner un logement aux novices de son ordre étudiant à Paris, auparavant installés à l’hôtel des évêques d’Auxerre. Les travaux avancèrent rapidement et furent achevés par Yves de Chassant, neveu de Yves de Vergy et son successeur de 1275 à 1289 (Dectot, notice Rmn-GP). La structure était composée par une chapelle et par les locaux nécessaires à la vie communautaire des étudiants, en partie organisés autour d’un cloître : le dortoir, le réfectoire, la cuisine, la bibliothèque, la salle capitulaire (Perraut 2009). Elle ne subit pas de modifications majeures jusqu’à la Révolution. Vendu comme bien national en 1795, le collège fut en partie rasé dans les années suivantes. Parmi les corps de bâtiment épargnées par les démolisseurs, la chapelle fut utilisée comme atelier par Jacques-Louis David de 1806 à 1815. Les opérations d’urbanismes lancées dans le secteur à partir de 1823 et l’ouverture de la place de la Sorbonne en 1859-60 décrétèrent la disparition du collège de Cluny. Ses derniers vestiges furent finalement rasés en 1866 avec le percement du boulevard Saint-Michel (Raunié 1901, p. 136 ; Dectot, notice Rmn-GP).
Des apparats héraldiques qui pouvaient orner les édifices et les salles composant la structure à l’époque médiévale ne restent que de rares documents, graphiques et matériels, concernant les dalles funéraires qui couvraient le sol de la chapelle. Seulement la plate tombe de Simon de Gillans († 1349) et celle de Jean Sathanay († 1360). La dalle de Simon de Gillans, jadis placée dans le chœur de l’église devant le maître autel (Raunié 1901, p. 139), fut offerte au musée de Cluny (Paris, Musée de Cluny, inv. cl. 18821, cl.2294) par M. Seguin, qui l’avait longtemps gardée dans son atelier de marbrier en rue d’Assas (Guilhermy 1873, p. 595 ; Du Sommerard 1883, p. 32, n. 342; Haraucourt, Montremy 1922, n. 559). Six médaillons incrustés en marbre, insérés dans des cadres polylobés marquant des césures dans l’inscription étaient ornés par les effigies des quatre évangélistes (dans les angles) et par deux écus aux armes du défunt (au milieu des grands côtés) (armoiries 1a-b) (tous ces reliefs avaient déjà disparu au XIXe siècle). La plate tombe couvrant la sépulture de Jean de Sathanay (Sarthenay), abbé de Ferrières et conseiller du roi (Guilhermy 1873, p. 597), était tout à fait similaire. Elle était à l’origine située dans la nef de la chapelle. L’identification du défunt était assurée par l’inscription (Raunié 1901, p. 139-140) et par trois écussons armoriés (perdus) (armoiries 2a-c), réalisés en marbre et métal, comme la crosse, la tête et les mains du gisant. Ils étaient placés l’un à dextre du visage du défunt, les deux autres au milieu des grands côtés de la dalle, marquant ainsi une césure dans l’inscription comme c’était l’habitude. Cette pièce entra elle aussi dans les collections du musée de Cluny par le don de M. Seguin (inv. cl. 18822, cl. 2293 ; Du Sommerard 1883, p. 32, n. 343 ; Haraucourt, Montremy 1922, n. 560).
Deux autres plates tombes médiévales présentant des armoiries ne sont en revanche documentées que par des sources indirectes. Dans la nef de l’église se trouvait la sépolture de Jean de Foussy († 1406), connue par un dessin de la collection de Gaignières (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 4, fol. 100 : Collecta ; Raunié 1901, p. 147). Elle était ornée de trois écussons armoriés, gravés dans le marbre (armoiries 3, 4a-b). Les deux sculptés au milieu des grands côtés de la dalle étaient chargés d’une fasce nébulée (armoiries 4a-b). Posés sur une crosse, ils portaient visiblement les armes du défunt qui avait été abbé de Notre-Dame de Grestain, en Normandie, depuis 1398 au moins (Fisquet 1866, p. 362 ; Bréard 1904, p. 90). Le troisième, qui était placé à côté de la tête du gisant, portait deux lions passants disposés en fasce , ou plus probablement deux léopards (armoirie 3). Il attestait vraisemblablement de l’origine du défunt qui, docteur en droit canon à l’Université de Paris, devait être membre de la Nation de Normandie de cette université. Dans le sceau que cette institution employait à la fin du XIVe siècle, connu par une empreinte de 1398 (Sigilla), figure en effet un écusson que Douët d’Arcq (1867, p. 703, num. 8018) pensait être chargé de trois fleurs de lis. Cependant, le célèbre sigillographe fut probablement enduit en erreur par l’état de conservation du sceau. Le relevé du même sceau publié une vingtaine d’année auparavant par Auguste Vallet de Viriville (1849, p. 132, fig. H) montre en effet le même écusson mais chargé de deux léopards passants. Et au début du XVIe siècle, un écu à deux léopards passants identifiait encore la Nation de Normandie dans le sceau des Quatre-Nations de l’Université parisienne (ibid., p. 130, fig. C) (de gueules à deux léopards d’or d’après Parrot 1866, p. 912). Par ailleurs, depuis la moitié du XIVe siècle les armes avec les deux léopards passant semblent utilisées pour indiquer l’origine ou l’appartenance géographique du sigillant, comme l’indique le contre-sceau utilisé de 1348 à 1351 par Jean Marigny, archevêque de Rouen (Sigilla).
Une deuxième tombe, celle de Simon de Villeneuve († 1516), elle aussi documentée par un dessin de Gaignières (Paris, BnF, ms. Fr. 20892, p. 260 : Collecta), était placée dans le chœur de l’église, en bas des marches du sanctuaire (côté épître) (ibid.). Elle était ornée par le portrait du défunt, encadré dans une niche richement travaillée et incrustée de petites statues, tandis que six écussons chargés de l’armoirie du prélat étaient placés dans la bordure avec l’inscription, deux au milieu, quatre aux angles (Raunié 1901, p. 140) (armoiries 5a-f).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, collège de Cluny (église), https://armma.saprat.fr/monument/paris-college-de-cluny-eglise/, consulté
le 02/04/2025.
Bibliographie sources
Paris, BnF fr. 20892, F.-R. de Gaignières, Recueil de titres originaux, copies, extraits, armes et tombeaux …
Guilhermy, Ferdinand de, Inscription de la France du Ve au XVIIIe, t. 1. Ancien diocèse de Paris, Paris 1873.
Haraucourt, Edmond, Montremy, François de, Catalogue général, t. 1, La pierre, le marbre et l’albâtre, Paris 1922.
Parrot Armand, « Notice sur l’école épiscopale et l’université d’Angers au Moyen-Age », Mémoires lus à la Sorbonne dans les séances extraordinaires du Comité impérial…, 1866, p. 897-914.
Perraut, Aurélie, L’architecture des collèges parisiens au Moyen Âge, Paris 2009.
Raunié, Emile, Epitaphier du vieux Paris, t. 3, Chartreux – Saint-Etienne-du-Mont, Paris 1901.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Paris, collège de Cluny (église). Armoirie Simon de Gillans ? (armoirie 1a)
(De gueules au chef d’argent chargé de trois molettes de sable ?).
Attribution : Armoirie perdue ; Gillans, Simon de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chœur
Emplacement précis : Sol
Support armorié : Monument funéraire ; Plate-tombe
Structure actuelle de conservation : Paris, Musée de Cluny
