Edifiée sous Louis XII entre 1504 et 1511, la Chambres des comptes fermait le côté ouest de la cour de la Sainte Chapelle, à l’intérieur du complexe architectural du Palais de la Cité. L’édifice fut réalisé sous la direction de l’architecte italien Jean Joconde (Fra’ Giovanni Giocondo de Vérone) dans un style de passage entre le gothique flamboyant et la Renaissance. Un escalier monumental couvert donnait accès au premier étage de ce bâtiment où se trouvaient les pièces occupées par les officiers et les organes de cette administration. Détruite par un incendie en octobre 1737, la Chambre des comptes fut rebâtie sur les plans de Jacques Gabriel entre 1738 et 1740.
Lieu d’exercice des fonctions liées au pouvoir, plus précisément dans la gestion des finances du royaume, la salle présentait une décoration héraldique et emblématique d’envergure qui, malgré la disparition de tout vestige, nous est témoignée par les sources textuelles et iconographiques. La façade de l’édifice était notamment chargée de sculptures représentant les emblèmes et les armoiries du roi, comme l’atteste un dessin à la plume d’Israël Silvestre datant d’avant 1655 (BnF, dép. Est. et photo., RESERVE FOL-VE-53 – G). Au niveau du premier étage, cinq statues étaient placées dans des niches flamboyantes : elles représentaient le roi, au milieu, accompagné de quatre Vertus cardinales (Tempérance, Prudence, Justice, Force) (Malingre 1640, p. 126-127). Tout autour trouvaient place des fleurs de lis, qui émaillaient spécialement les arcades de l’escalier tout comme l’échauguette construite sur un angle de l’édifice, le monogramme du roi (représenté en-dessous des fenêtres du premier et du deuxième étage) et des dauphins.
Le discours emblématique trouvait à la fois son début et son développement le plus abouti par le relief sculpté au-dessus du portail qui donnait accès à l’escalier monumental reliant la cour du Palais au premier étage du bâtiment. Un dessin de la collection de François Roger de Gaignières permet de le reconstruire dans le détail (BnF, dép. Est. et photo., RESERVE PC-18-FOL : Collecta). La panoplie emblématique du roi y était représentée, noyée dans les fleurs de lys et surmontée par deux dauphins couronnés. Au milieu, un écu aux armes du roi était encadré par le collier de l’Ordre de saint Michel et timbré d’une couronne fleurdelisée (armoirie 1). Deux cerfs ailés, devise royale datant de l’époque de Charles VI, et couronnés tenaient l’écu d’une partie et d’autre, ornés par des capes parsemées de fleurs de lys. Les deux animaux prenaient appui sur une cartouche portant l’inscription : « Regia francorum probitas Ludovicus honesti cultor et etheree relligionis amor ».
Au-dessous de l’écu armorié, un porc-épic, autre devise royale, était accompagné d’un côté et d’autre par deux fleurs de lys (l’ensemble est décrit aussi par Malingre 1640, p. 127). Lors de l’entrée de Louis XII à Paris le 2 juillet 1498, quelques semaines après son sacre à Saint-Denis, la Chambre des Compte avait fait réaliser à ses frais, au Palais royal, un tableau qui pourrait avoir été une source d’inspiration pour ce décor (Hochner 2001, p. 22-23 ; Ead. 2006, p. 62). La composition était tout à fait semblable à celle reproduite dans le dessin de la collection Gaignières. Voulant proclamer les légitimes prétentions de Louis XII sur le duché de Milan (il était le petit-fils de Valentina Visconti), deux guivres, déjà enseigne des Visconti seigneurs de la ville italienne, s’enroulaient autour des lys, tandis que les armes de Milan (l’écartelé Empire-Visconti utilisé par les Sforza ou celui France-Visconti) étaient placées d’un côté et d’autre du porc-épic (Guenée, Lehoux 1968, p. 131-132). Dans l’escalier de la Chambre des comptes, le discours emblématique poursuivait tout au long de la balustrade qui était ornée, côté cour, par des reliefs où des dauphins et des S couronnés se superposaient à un semé de fleurs de lys (BnF, dép. Est. et photo., VA-225 I-FOL : Collecta).
D’autres armories, toujours entourées d’éléments emblématiques, trouvaient place notamment dans le décor des fenêtres. Suivant une pratique bien attestée à l’époque, les représentations héraldiques étaient sculptées dans le tympan des lucarnes donnant sur la cour. Deux autres dessins de Louis Boudan donnent en effet l’image des fenêtres du deuxième étage de la Chambre des comptes avec leur décor exubérant. Le tympan de la fenêtre à droite de l’échauguette présentait un écu aux armes du roi, à savoir un écartelé France (sans brisure)-Visconti que Louis XII utilisa en tant que duc de Milan entre 1500 et 1512 (Sigilla). L’écu est timbré d’une couronne fleurdelisée et entouré du collier de l’Ordre de saint Michel, sous lequel était placé un porc-épic (BnF, dép. Est. et photo., VA-225 I-FOL : Collecta) (armoirie 2). L’appuis de la fenêtre est orné d’un dauphin couronné nageant sur un fond de fleurs de lys. Le tympan de la lucarne à côté portait en revanche un écu aux armes d’Anne de Bretagne : timbré d’une couronne fleurdelisée, il était encadré par une cordelière et accompagné par une hermine, emblèmes de la reine (armoirie 3) (BnF, dép. Est. et photo., VA-225 I-FOL : Collecta). L’appui de cette fenêtre était en outre orné par un semé de fleurs de lys sur lequel était placé un L couronné, chiffre du roi.
A défaut de documents plus explicites, il est difficile de dire si d’autres éléments armoriés étaient représentés à l’extérieur de l’édifice. Le dessin d’Israël Silvestre ne semble en effet prêter trop d’intérêt à ces éléments qui sont reproduits de manière hâtive et sommaire.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, Chambre des comptes, https://armma.saprat.fr/monument/paris-chambre-des-comptes/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie sources
Armes du Roy Louis douze au dessus du Portail de la Chambre des comptes… Paris, BnF, département Estampes et photographie, RESERVE PC-18-FOL.
Louis Boudan, Veue du Portail de l’Escalier de la Chambre des comptes dans la cour du palais a Paris. Paris, BnF, Département des Estampes et de la photographie, VA-225(I)-FOL.
Louis Boudan, Veue de la fenestre du second estage de la Chambre des Comptes du costé de la Cour du Palais a Paris. Paris, BnF, Département des Estampes et de la photographie, VA-225(I)-FOL.
Louis Boudan, Autre fenestre du second estage de la Chambre des comptes du costé de la cour du palais de paris. Paris, BnF, Département des Estampes et de la photographie, VA-225(I)-FOL.
Israël Silvestre, Veüe de la Chambre des Comptes et t de la Sainte Chapelle. Paris, BnF, département Estampes et photographie, RESERVE FOL-VE-53.
Malingre, Claude, Les antiquitez de la ville de Paris, Paris 1640.
Bibliographie études
Guenée, Bernard, Lehoux, Françoise, Les Entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris 1968.
Hochner, Nicole, « Louis XII and the porcupine : transformations of a royal emblem », Renaissance Studies, 15, 1, 2001, p. 17-36.
Hochner, Nicole, Louis XII. Les dérèglements de l’image royale (1498-1515), Seyssel 2006.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Paris, Chambre des comptes. Armoirie Louis XII (armoirie 1)
D'(azur) à trois fleurs de lys d'(or).
Collier d’ordre : Ordre de saint Michel.
Attribution : Louis XII roi ; Roi de France
Tenants / Supports : Deux cerfs ailés et couronnés, portant une cape fleurdelisée
Timbre : Une couronne
Devise : Un porc-épic.
Position : Extérieur
Étage : Rez-de-chaussée
Pièce / Partie de l'édifice : Escalier (extérieur)
Emplacement précis : Portail
Support armorié : Tympan
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Paris, Chambre des comptes. Armoirie Louis XII (armoirie 2)
Écartelé : au 1 et 4, d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or) (France) ; au 2 et 3 d'(argent) au serpent d'(azur) ondoyant en pal engloutissant un enfant de (carnation) (Visconti).
Collier d’ordre : Ordre de saint Michel.
Attribution : Louis XII roi
Timbre : Une couronne
Devise : Un porc-épic.
Position : Extérieur
Étage : 2ème étage
Pièce / Partie de l'édifice : Façade
Emplacement précis : Fenêtre ; Lucarne
Support armorié : Tympan
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue