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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Noyon, cathédrale Notre-Dame (cloître)

 

Jadis siège d’un évêché important où saint Éloi exerça son ministère, la ville de Noyon, conserve sa cathédrale caractéristique des premiers feux du gothique. Les travaux débutèrent sous l’épiscopat de Baudoin II (1148-1167) (Prache, Plouvier 2004). Le cloître fut bâti au nord de l’édifice. Initialement composé de trois galeries, seules deux travées à l’est et les six travées ouest sont conservées. Cette dernière galerie, érigée entre 1240 et 1250, menait au réfectoire ; elle conserve de nombreuses pierres tombales.

L’une des plus remarquables de ces pierres est celle du chanoine Gilles Coquevil (inventaire Hauts-de-France). Transférée sous le porche à l’occasion de la réfection du pavage du cloître en 1803, elle y fit retour en 1875 (Laurin 1941, p. 105). La partie inférieure de la dalle est entièrement occupée par une longue épitaphe en vers. Gravée dans une écriture gothique très soignée, elle nous communique aussi l’identité du défunt : « Congnoistre soy / Le corps de Gilles Coquevil / cy devant [mis] en pourriture / fut riche ou povre, noble ou vil, / est aux vers viande et pature, / attendant la judicature : et l’arrest du grant juge[ment] : ou nos fault tous e[t] victe : rendre compte des maulx passés. / Dieu fasse l’âme prom[p]tement / pardon et à tous trépassés » (Laurain 1941, p. 106 ; Prache, Plouvier 2004, p. 30).

Noyon, cathédrale Notre-Dame, cloître (© Wiki).

Le registre supérieur explicite le contenu de l’inscription représentant le moment du Jugement dernier. Généralement suggérée sur les pierres tombales, la scène est ici largement développée à l’instar de ce que l’on trouve dans le décor monumental, sculpté ou peint, et intégrée d’inscriptions qui en enrichissent et personnalisent l’interprétation : il s’agit d’un détail non négligeable qui révèle le haut niveau de méditation du commanditaire (le défunt même ?) de l’œuvre. Le Christ, entouré par la mer de cristal, apparaît dans les nuées, les bras étendus, assis sur un arc-en-ciel, les pieds reposant sur une sphère symbolisant la plénitude de son pouvoir. À sa droite, un ange souffle dans trompette d’où un phylactère s’échappe portant l’inscription : « Surgite mortui venite [ad judicium] » (Morts, levez-vous et venez au Jugement). Le texte est tiré de la Regula Monachorum de saint Jérôme (chap. 30 : Migne 1846, p. 417) qui, décrivant le moment du Jugement final, mentionne aussi le son de cette trompette terrible qui resonne dans les oreilles des défunts : « Semper tuba illa terribilis vestris perstrepat auribus » (ibid.).

Pierre tombale du chanoine Gilles Coquevil. Noyon, cathédrale Notre-Dame, cloître.

En dessous figure un champ jonché d’ossements, de croix et de morts surgissant des tombes. Au premier plan, un personnage en oraison, nu et tonsuré, surgit de terre, implorant le Christ. De sa bouche, un phylactère fige sa prière : « Domine [si tu es] iube me venire ad te » (Seigneur, ordonnez que je vienne à Vous). L’invocation est suivie des lettres « MAT 14 », indiquant le verset de l’Évangile de Matthieu (XIV, 28) d’où elle est tirée (nous noterons la disposition de ce phylactère, qui forme une croix avec le précèdent). Derrière ce personnage, posé sur la traverse horizontale d’une croix, le vêtement d’éternité qui le revêtira une fois le jugement prononcé, car la position de l’homme à la droite du Christ, laisse entrevoir une issue favorable.

Les armoiries du chanoine assurent la liaison entre les deux registres (armoirie 1). Trois éperviers (et non des coqs ou des coquelets comme l’on trouve parfois indiqué : Laurain 1941, p. 107) tournés à dextre occupent le champ de l’écu qui, de manière très significative, est placé non seulement en dessous d’une croix et à la verticale du Christ juge, mais s’inscrit littéralement entre les mots qui forment la première ligne de l’épitaphe et qui composent probablement la devise du chanoine. Nous savons en effet que le chanoine Jean Lemaire lègue au chapitre de Noyon, en 1536, un calice « où sont empraint des armoiries de feu maistre Gilles Coqueville, en son vivant pbre [presbytre], chanoine de Noyon, allentour desquelles sont escriptz ces mots congnoistre soy mesme » (La Fons 1848, p. 70 ; Laurain 1941, p. 107). L’association de l’armoirie à la devise (dans laquelle nous reconnaissons l’exoration de Socrate, sans doute récupérée à travers la littérature latine et chrétienne) semble donc vouloir indiquer l’identité spécifique du défunt, tandis que leur emplacement suggère symboliquement son espoir de résurrection à la fin des temps.

La date du décès de Gilles Coquevil n’est pas connue : elle était probablement inscrite dans la marge inférieure de la dalle funéraire, qui a malheureusement disparu. Le style de l’inscription et de l’image gravée laissent entrevoir une réalisation durant le dernier quart du XVe siècle.

Auteur : Jean-Luc Liez

Pour citer cet article

Jean-Luc Liez, Noyon, cathédrale Notre-Dame (cloître), https://armma.saprat.fr/monument/noyon-cathedrale-notre-dame-cloitre/, consulté le 21/11/2024.

 

Bibliographie sources

Migne, Jacques-Paul (éd.), Hieronymi stridonensis presbyteri opera omnia, Paris 1846 (Patrologia Latina, t. 30).

Bibliographie études

La Fons, Alexandre de, Les artistes et les œuvres du nord de la France (Picardie, Artois, Flandre) et du midi de la Belgique aux XIVe, XVe et XVIe siècles, Béthune 1848.

Laurain, Ernest Théodore, Épigraphie de Notre-Dame de Noyon, Noyon 1941.

Prache, Anne, Plouvier, Martine, La cathédrale Notre-Dame de Noyon, Amiens 2004 (Itinéraire du patrimoine, 141).

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Noyon, cathédrale Notre-Dame (cloître). Armoirie Gilles Coquevil (armoirie 1)

De… à trois émouchets de…, disposés 2 et 1.

  • Attribution : Coquevil Gilles
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Cloître
  • Emplacement précis : Sol
  • Support armorié : Plate-tombe
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Image gravée
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Noyon, cathédrale Notre-Dame (cloître)

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