Situé au bord de l’Aveyron, dans le département de Tarn-et-Garonne, le village de Montricoux conserve une belle église médiévale dédiée à Saint-Pierre, classée au titre des Monuments Historiques en 1914 (base POP). Elle est citée dans un diplôme de Pépin le Bref portant la date de 767 (Moulenq 1880, p. 240) qui recense les possessions de l’abbaye bénédictine de Saint-Antonin-Noble-Val, mais qui s’est révélé un faux forgé au XIIIe siècle. Plus sûrement, l’église Saint-Pierre était la possession de cette abbaye occitane en 1181. A cette date elle fut donnée au maître de la maison du Temple de Jérusalem de Montricoux, avec deux autres églises ainsi qu’une partie des biens et dîmes afférentes, sous la condition que les Templiers reverseraient la moitié de la dîme aux bénédictins (Moulenq 1880, p. 241).
Le pape Lucius III confirma par une bulle l’ensemble des biens du monastère (AD Tarn-et-Garonne, G 876) et les Templiers rendirent ainsi encore hommage aux moines de Saint-Antonin-Noble-Val pour ces biens contre un marbot d’or en 1275 (AD Tarn-et-Garonne, G 874) et en 1291 (ibid.). Avec la dispersion des biens des Templiers suivie au célèbre procès, l’église passe aux Hospitaliers (Devals 1864, p. 151) qui font également hommages aux moines en 1329 (AD Tarn-et-Garonne, G 875). En 1332, Arnaud Duèze, vicomte de Carmaing et neveu du pape Jean XXII (Jacques Duèze), avait échangé avec l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem les seigneuries de Peyriac et Douzens (Aude) contre celle de Montricoux, dont sa famille gardera la possession jusqu’à la seconde moitié du XVIe siècle. Les religieux se réservèrent toutefois tous leurs droits sur l’église et le temporel qui en dépendait.
L’église Saint-Pierre est constituée d’une nef unique flanquée de sept chapelles. Le portail d’entrée, stylistiquement proche de celui de l’abbaye de Beaulieu daté de la fin du XIIIe siècle, est couvert d’un arc brisé décoré d’un tore rond qui repose sur des chapiteaux à décor végétal, tandis que le cordon d’archivolte repose sur des culots à figure humaine. La première chapelle latérale, au sud, peut dater de cette première période de construction. Elle est voûtée d’arêtes et ouvre sur la nef par un arc brisé. Au nord, deux chapelles superposées ont été percées postérieurement : celle inférieure dédiée à saint Antoine est voûtée d’ogives, reposant sur des culots à figures humaines ; celle supérieure, privative, est voûtée de lierne et de tierceron et communique par une galerie avec le donjon situé en face de l’entrée de l’église. La partie la plus à l’ouest de la nef est voûtée d’un berceau brisé continu sur bandeau, qui paraît remonter au XIIIe siècle. Le chœur, du XVe siècle, à cinq pans coupés est couvert d’une voûte rayonnante. L’église est jouxtée au sud par un clocher de type toulousain, construit à partir de 1549, qui multiplie les pans coupés dont les angles sont marqués de colonnettes de brique. De hautes fenêtres à arc en mitre et des jours d’écoinçon en losange percent l’élévation, tandis que des gargouilles sculptées en forme d’animaux et êtres fantastiques assurent l’évacuation des eaux ruisselant de la flèche – reconstruite en 1905 par l’architecte Maurou – accostée sur ses arêtes de crochets végétaux en calcaire.
Des éléments héraldisés émaillant les parties ajoutées à l’édifice original permettent à la fois d’établir avec plus de précision la période de construction de ces ajouts et d’en identifier la fonction originaire. La clé de voûte du chœur porte notamment un écusson aux armes des Duèze de Carmaing (armoirie 1) avec le quartier au lion dépourvu des huit besants en orle qui figurent traditionnellement dans l’armoirie de la famille, mais dont certains de ses membres semblent tout de même ne pas avoir fait usage (Roman 1900, p. 290, num. 2514-2517).
En revanche, la clé de voûte de la chapelle haute nord présente des armes composites que nous pouvons facilement rattacher aux seigneurs du lieu (armoirie 2). Malgré l’état de conservation non optimal de l’écu, nous y reconnaissons en effet, à dextre, un lion surmontant un fascé et, à senestre, une croix de Toulouse prenant place au-dessus de trois pals. Il s’agit sans doute d’un mi-parti associant les armoiries d’Arnaud II Duèze, vicomte de Carmaing – même s’il manque l’orle besanté autour du lion et que le sculpteur a figuré un fascé au lieu des deux fasces habituelles – à celles de sa femme Marguerite de L’Isle-Jourdain, qu’il avait épousée en 1317 et qui portait par son père une croix de Toulouse et par sa mère les armes des comtes de Foix.
La présence de cette armories permet donc de dater la construction de cette chapelle non au XVe siècle comme c’était le cas, mais entre 1332, date d’acquisition de la seigneurie de Montricoux par Arnaud, et le milieu du XIVe siècle, date probable du décès de ce dernier. Cette chapelle haute était donc une chapelle seigneuriale, qui communiquait via une galerie avec le donjon adossé à l’église et non une tribune à l’usage des commandeurs de Montricoux comme supposé jusqu’à présent (Devals 1864, p. 161). Nous signalerons enfin la présence d’une troisième clé de voûte ornée d’un écu chargé d’une fasce inscrite – on y reconnaît les lettes M et C entrelacés – superposée à un bourdon de pèlerin, qui porte sur sa pointe une coquille de saint Jacques.
Auteur : Emmanuel Moureau
Pour citer cet article
Emmanuel Moureau, Montricoux, église Saint-Pierre, https://armma.saprat.fr/monument/montricoux-eglise-saint-pierre/, consulté
le 09/10/2024.
Bibliographie études
Devals Jean-Ursule, « Montricoux », Mémoires de l’Académie impériale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, s. 6, 2, 1864, p. 122-162.
Lacoste Guillaume, Histoire générale de la Province de Quercy, t. 2, Cahors 1884.
Moulenq François, Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, t. 2, Montauban 1880.
Roman Joseph, Inventaire des sceaux de la collection des pièces originales du Cabinet des titres à la Bibliothèque Nationale, t. 1, Paris 1909.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Montricoux, église Saint-Pierre. Armoirie Duèze de Carmaing (armoirie 1)
Ecartelé, aux 1 et 4 d’(argent) au lion d’(azur) ; aux 2 et 3 de (gueules) à deux fasces d’(or).
Montricoux, église Saint-Pierre. Armoirie Arnaud II de Carmaing – Marguerite de L’Isle-Jourdain (armoirie 2)
Mi-parti : au 1, aux 1 et 4, d’(argent) au lion d’(azur), aux 2 et 3, fascé de (gueules) et d’(or) (Duèze de Carmaing) ; au 2, aux 1 et 4, d’(or) à trois pals de (gueules) (Foix), aux 2 et 3 de (gueules) à la croix cléchée, vidée et pommetée d’or d’(or) (L’Isle-Jourdain).
Attribution : L'Isle Jourdain Marguerite de ; Duèze de Carming Arnaud II
Position : Intérieur
Étage : 1er étage
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale nord