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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Landerneau (Saint-Conogan), tombeau de Troïlus de Montdragon (panneau de pied du soubassement)

 

Le tombeau à gisant de Troïlus de Montdragon, autrefois installé dans le chœur de l’ancienne église de Beuzit-Conogan, et aujourd’hui présenté au sein des collections permanentes du Musée départemental breton à Quimper, est une œuvre de première qualité datant des environs de 1545, décorée d’un important cycle héraldique. L’histoire du monument et l’analyse du décor armorié font l’objet de deux notices séparées, ne seront examinées ici que les armoiries de Montdragon sculptées au petit côté de tête du soubassement.

Tombeau de Troïlus de Montdragon, détail du panneau de pied sculpté des grandes armes de Montdragon, vers 1545, Quimper, Musée départemental breton.

Sur un écu penché sont les grandes armes de Montdragon écartelé aux 1 et 4 d’un lion assis entre deux arbres, et aux 2 et 3 d’un chevron accompagné de trois coquilles (armoirie 1), couchées sous un heaume vêtu de six lambrequins non blasonnés. Le cimier, un animal assis sur un tortil, probablement le lion des armoiries, ainsi que les deux grands lions en supports, ont été brisés, et il ne s’en observe plus que les pattes et la queue.

Les armoiries des Montdragon posèrent des difficultés aux héraldistes bretons. Guy Le Borgne leur attribua d’or au lion de sable armé et lampassé de gueules, qui ne sont pas leurs armes propres, mais sans doute celles de La Palue minorées du lambel de gueules en brisure (Le Borgne 1667, p. 209). C’est ici une reprise de D’Hozier qui en 1638 opinait – un peu légèrement – que la maison de La Palue « peut […] porter plaines » les armes de Léon (Le Baud, d’Hozier 1638, avertissement n. p. ; ). Au XIXe siècle, Pol Potier de Courcy proposa deux interprétations différentes avec inversion des meubles : un lion rampant entre deux peupliers ou un peuplier soutenu de deux lions affrontés (Potier de Courcy 1993, 2, p. 291-292). La première est vraisemblablement inspirée par le tombeau lui-même, que Potier de Courcy connaissait, avec une erreur sur la position du lion. Celle-ci s’explique sans doute de ce que le lion en station assise est absolument rarissime au sein de l’héraldique française (on ne connaît aucun autre exemple breton) alors qu’on en relève des occurrences en Espagne, sans toutefois qu’il y soit fréquent.

Armes de Jean-Baptiste Richardeau, sieur du Bois-Corbeau (év. de Nantes), enregistrées à l’Armorial Général de 1696 (c) Paris, BnF, ms. fr. 32236, f. 916.

La seconde version à deux lions tenant un peuplier semble quant à elle résulter d’une confusion avec les armes d’une famille de Boispéan, établie au moins depuis le XVe siècle en l’évêché de Nantes dans les paroisses de Frossay et Saint-Père-en-Retz, à l’embouchure de la Loire (Potier de Courcy 1993, 1, p. 113). Une paroisse quasi-voisine, Fresnay-en-Retz, était le chef-lieu d’une petite châtellenie ducale érigée en vicomté en 1490, qui fut attribuée dans la décennie 1510 au père de Troïlus, Jean de Montdragon, se qualifiant de vicomte de Loyaux en 1518. Quoique la proximité géographique soit troublante, on ne repère aucun lien entre les deux lignages, dont la ressemblance des armes pourrait n’être que fortuite. L’existence de compositions analogues enregistrées plus tard au sein de l’Armorial général de 1696, par exemple pour une famille Richardeau originaire de l’évêché de Nantes, renforce l’idée d’une simple coïncidence.

Une généalogie manuscrite de la main de Sébastien III de Rosmadec, marquis de Molac, descendant de Troïlus, très versé dans les disciplines généalogique et héraldique, donne un témoignage important des armes de Montdragon (Paris, BnF, ms. fr. 22 361, f. 79). La mère du marquis, Françoise de Montmoreny, fille de François II de Montmorency-Halot, était petite-fille de Jeanne de Montdragon, fille de Troïlus et Françoise de La Palue. Dans ses notes, il dessina les armes de Montdragon telles qu’elles sont au tombeau, sans omettre le détail du lion assis (Paris, BnF, ms. fr. 22 361, f. 85). En connaisseur de la région, il est possible qu’il ait vu le monument de ses yeux, étant avéré qu’il releva à moins de vingt kilomètres le décor héraldique de la collégiale du Folgoët.

Dessin des armes de Montdragon de la main de Sébastien de Rosmadec marquis de Molac (c) Paris, BnF, ms. fr. 22361, f. 85.

Curieusement, la notice généalogique définitive des Rosmadec, publiée en avertissement d’une réédition par D’Hozier de l’Histoire de Bretagne de Le Baud, et redoublée au sein du traité de blason de Marc Vulson de la Colombière en 1644, ne tiennent pas compte des observations du marquis, et donnent aux Montdragon à « un arbre de synople accosté de 2. lyons de gueules affrontez » (Le Baud, d’Hozier 1638, avertissement n. p. ; Vulson de La Colombière 1644, tabl. généal. 4, n. p., reproduit en couleurs dans Faujour 2016, p. 181-186).

Viteria-Gasteiz (Espagne), façade d’un bâtiment dans la Calle Cuchillería, détail d’un relief armorié écartelé au premier quartier des armes de Mondragón.

La mention par Elsa Carillo-Blouin en 2006 d’un relief armorié scellé dans une façade de la Calle Cuchillería à Vitoria-Gasteiz en Espagne (Carillo-Blouin 2006, p. 249-250), incluant un quartier d’alliance aux armes des Mondragón, identiques à celles du tombeau de Troïlus jusqu’au détail de la terrasse en pointe, a permis de mettre un point final à la controverse autour de l’héraldique des Montdragon (Vitoria-Gasteiz, Archivo municipal ayuntamiento Vitoria-Gasteiz, fondo Azpiazu, AZP-137). Il s’avère que son père Jean de Montdragon a conservé les armes de sa famille, dont on a avancé qu’il descendait en bâtardise. Depuis, le partage en ligne de plusieurs autres reliefs héraldiques dans les cités du Pays basque espagnol, dont trois aux armes de Montdragon, peut faire espérer de nouvelles découvertes (« Reliefs of coat of arms in the Basque Autonomous Community by city », Wikimedia). On relève ainsi quelques nuances de détail (lion couard, arbres aux racines arrachées…) qui attestent que l’interprétation de leurs armes restait assez souple.

Pleyben, chapelle de Guénily, écusson aux armes écartelées de Troïlus de Montdragon et de Françoise de La Palue, deuxième quart du XVIe siècle.

La confirmation des émaux des armes de Troïlus de Montdragon est donnée par un écusson au tympan d’une verrière de la chapelle de Guénily en Pleyben (Gertrude 2009 ; Cordier 2019). L’édifice dépendait de la seigneurie de Trésiguidy et voisinait l’ancien manoir (Brest, AD du Finistère, 1 E 873, copie d’un acte de 1391) dont Françoise de La Palue avait hérité de sa mère. Ce vitrail a dû être réalisé du vivant de Troïlus et Françoise. Dans un écu en bannière, l’écartelé mi-parti des armes de Montdragon – un lion assis de gueules accosté de deux arbres, dont il ne reste que quelques traces de sinople, et d’argent au chevron d’azur accompagné de trois coquilles de gueules – est parti d’un contre-écartelé de Trésiguidy, La Palue et Kergorlay, armes en alliance des parents de Françoise présentes au soubassement latéral du tombeau. Le chevron et les coquilles du troisième quartier sont attribuables aux Halot, alias Hallot. Ayant connaissance de cet écartelé, le marquis de Rosmadec supposa que le père de Troïlus – Jean de Montdragon – avait épousé une héritière du Hallot, mais ne parvenant pas à établir l’alliance il laissa les prénoms muets (Paris, BnF, ms. fr. 22 361, p. 82). Il semblerait plutôt que Jean de Montdragon ait acquis la terre du Hallot en l’achetant à son ancien propriétaire, Jean Amiot, au début XVIe siècle (Cordier 2017). Il put ainsi en porter les armes, en les écartelant aux siennes.

Auteur : Marc Faujour

Pour citer cet article

Marc Faujour, Landerneau (Saint-Conogan), tombeau de Troïlus de Montdragon (panneau de pied du soubassement), https://armma.saprat.fr/monument/landerneau-saint-conogan-tombeau-de-troilus-de-montdragon-panneau-de-pied-du-soubassement/, consulté le 16/10/2024.

 

Bibliographie sources

Paris, Archives Nationales, AN J 242-57.

Paris, Bibliothèque Nationale de France, ms. fr. 22 361.

Paris, Bibliothèque Nationale de France, ms. fr. 32 236, Armorial général…, 9, Bretagne, 2.

Rennes, AD d’Ille-Et-Vilaine, 2 EL 282, Notes de la main de Sébastien III de Rosmadec, marquis de Molac.

Vitoria-Gasteiz, Archivo municipal ayuntamiento Vitoria-Gasteiz, fondo Azpiazu, AZP-137, foto de un escuco de armas en la calle Cuchillería.

Bibliographie études

Carillo-Blouin, Elsa, « Troïlus de Mondragón : pistas de investigación para un caso de integración social y cultural temprana. Presencia del País Vasco español en Bretaña durante el siglo XVI », Sancho el Sabio, 25, 2006, p. 233-250.

Cordier, Jean-Yves, Le gisant de Troïlus de Mondragon, 2017, < https://www.lavieb-aile.com > (cons. le 18 août 2021).

Cordier, Jean-Yves, La chapelle de Guénily en Pleyben, 2019, < https://www.lavieb-aile.com > (cons. le 18 août 2021).

Faujour, Marc, L’héraldique des seigneurs de Kergournadec’h et des familles alliées dans le Haut

Le Borgne, Guy, Armorial Breton, Rennes 1667.

Potier de Courcy, Pol, Nobiliaire et armorial de Bretagne, Mayenne rééd. 1993.

Vulson de La Colombière, Marc, Généalogie succinte de la maison de Rosmadec extraicte de celle qui a esté amplement dressée par le sieur d’Hozier…, Paris 1644.

« Famille de Mondragon », échange en ligne entre André-Yves Bourgès, Patrick Brangolo, Jérôme Caouen, Ludovic de Porsbihan, 2012, < www.tyarcaouen > (cons. le 22 octobre 2021).

« Chapelle Notre-Dame de Vrai-Secours, Guénily (Pleyben) », base Gertrude, 2009.

« Reliefs of coat of arms in the Basque Autonomous Community by city », Wikimedia.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Landerneau, tombeau de Troïlus de Montdragon (soubassement, panneau de pied). Armoirie de Montdragon / Hallot (armoirie 1).

Écartelé, aux 1 et 4 : d'(argent) au lion de (gueules) assis entre deux arbres terrassés de (sinople) (de Montdragon) ; aux 2 et 3 : d'(argent) au chevron d'(azur) accompagné de trois coquilles de (gueules) (Hallot).

Timbre : un heaume cimé d’un lion assis (martelé) sur un tortil.

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