Bâtie par Pierre d’Amboise, évêque de Poitiers entre 1481 et 1505 (Villard 1966 ; Vallière 2008, p. 180-186), à quelques dizaines de mètres au nord de son château, l’église paroissiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Dissay présente une seule nef rectangulaire, composée de quatre travées et terminée par un chœur à trois pans éclairé par une grande baie. Endommagée pendant les Guerres de religion, elle fut réaménagée par la suite et à nouveau consacrée au XVIIe siècle. De cette époque dateraient les deux chapelles latérales ouvertes sur les murs sud et nord de la dernière travée de la nef (Blomme 1993, p. 144-145), même si la forme carrée des écus qui en ornent les clefs de voûte – soigneusement grattés par les révolutionnaires – laisseraient croire à un aménagement encore plus tardif (XVIIIe siècle ?).
La mémoire du fondateur de l’église est confiée essentiellement aux images héraldiques que l’on retrouve à plusieurs endroits (Barbier de Montault 1887, p. 1) (armoiries 1a-b, 2a-b). Un premier écusson aux armes écartelées de Pierre d’Amboise est visible dans le gable du portail de l’église (armoirie 1a), serré entre un contrefort et la masse imposante du clocher disposés en biais par rapport à la façade.
Armoirie de Pierre d’Amboise (XIXe s.). Dissay, église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, portail.
Réalisé dans les formes typiques du gothique flamboyant, le portail est toutefois le fruit d’une reconstruction presque intégrale, réalisée lors de travaux menés entre 1841 et 1885 par les soins de l’abbé Jean Guérin, curé de l’église. L’armoirie de l’évêque, signalée pour la première fois par Longuemar en 1881 (p. 248), a été surement sculptée à cette époque. Sa réalisation récente est confirmée par le traitement différencié du relief, avec des hachures et des points, un système hérité de la gravure permettant de faire la distinction entre émaux et couleurs : une solution qui n’existait pas à l’époque de construction de l’église (les armoiries sculptées étaient toujours peintes), mais qui devint courante à partir du XVIIe siècle. Il est cependant possible que les restaurateurs aient remplacé un relief armorié plus ancien, peut-être abîmé par le temps et les intempéries, mais aucun document ne permet pour le moment de valider cette hypothèse.
À l’intérieur, les voûtes de la nef sont marquées par une succession d’écus armoriés, tous orientés ouest-est, à savoir avec la pointe tournée en direction de l’abside. La série s’ouvre dans la deuxième travée, dont la clef est ornée d’un écu chargé d’un housseau (ou heuse), une longue botte souple montant jusqu’à mi-cuisse (armoirie 3). Trouvant une analogie avec l’armoirie utilisée par la corporation des savetiers, cordonniers, tanneurs et corroyeurs de Melle (Paris, BnF Fr. 32254, p. 794 : d’or à un housseau de sable), Longuemar supposa que cette dernière avait participé au financement de la construction de l’église, obtenant ainsi le droit d’y exposer son enseigne (Longuemar 1881, p. 247-248). Cette identification demeure pourtant problématique : nous ignorons en effet pour quelle raison une corporation melloise aurait financé la construction d’un édifice très loin par rapport à son aire d’ « action ». À notre avis, le propriétaire de l’armoire, dont l’authenticité semble certaine, doit être cherché parmi les notables du lieu ou dans l’entourage de l’évêque, mais il n’a pas été pour le moment possible d’en dévoiler l’identité. L’identification de la deuxième armoirie, sculptée sur la clef de voûte de la troisième travée et valorisée par un encadrement flamboyant (armoirie 4), demeure également problématique. Signalée par Longuemar, qui en donnait aussi les couleurs (il parle de deux cotices de gueules), elle a été attribuée au cardinal Claude de Longwy (Blomme 1993, p. 144), évêque de Poitiers entre 1541 et 1555.
Clef de voûte armoriée. Dissay. église Saint-Pierre-et-Saint-Paul.
Pourtant, la maison de Longwy portait d’azur à la bande d’or (Gauthier 1911, p. 15, num. 176) et il est difficile à croire que l’évêque avait brisé l’armoirie familiale avec l’ajoute des cotices et du lambel. D’ailleurs, Louis Boudan nous a transmit le relevé d’une peinture dans la cathédrale de Langres où il fut enterré (Paris, BnF, Est. Reserve PE-2-FOL, coll. Gaignières) : le cardinal est genouillée devant un autel qui porte les armes de sa famille, sans aucune brisure. L’armoirie sculptée à Dissay rappelle en revanche celle des Sancerre, que Pierre d’Amboise incorpore dans son armoirie écartelée afin d’évoquer la mémoire héraldique de sa grand-mère maternelle, Marguerite d’Auvergne, comtesse de Sancerre. Si une finition peinte pouvait compléter certains détails de l’armoirie, tels les cotices potencées et contre-potencées qui n’apparaissent pas dans le relief, la présence du lambel demeurerait difficile à expliquer.
Dans la partie de l’église la plus proche du chevet et du maître autel, la plus importante de l’édifice du point de vue symbolique, c’est l’image héraldique du fondateur de l’église qui est mise à l’honneur. Les voûtes de la quatrième et de la cinquième travées sont ainsi marquées par l’armoirie pleine des Amboise (armoiries 2a-b). Deux grands écus, identiques par leurs forme et dimensions, sont sculptés sur les clefs de voûte, mais leur authenticité pose quelque problème. Il est en effet possible que l’armoirie qui timbre la dernière travée de la nef (armoirie 2a) ait été l’objet d’une restauration au XIXe siècle, puisque Longuemar affirmait que cette clef de voûte, dont il remarquait l’état précaire de conservation, portait à son dire l’armoirie à l’housseau aujourd’hui visible sur la voûte de la deuxième travée (Longuemar 1881, p. 248). Le savant poitevin n’est toutefois pas une source très fiable en matière de descriptions héraldiques. La dernière armoirie, enfin, placée au sommet de l’arc doubleau qui sépare la première travée du chevet de l’abside et elle aussi dépourvue de tout encadrement, porte les armes de Pierre d’Amboise (armoirie 1b) : un écartelé dans lequel les armories de familles sont accompagnées par celle de la famille de sa mère, afin d’en augmenter le prestige. L’écu, probablement repeint, est d’ailleurs posé sur une crosse, dont la partie inférieure a disparu.
Clef de voûte aux armes de Pierre d’Amboise. Dissay, église Saint-Pierre-et-Saint-Paul.
Sur les colonnes de l’abside, d’un côté et d’autre du maître autel actuel, d’autres écussons aux arme d’évêques de Poitiers sont visibles, peints lors de la restauration de l’église au XIXe siècle. Sur la colonne de gauche, les armes de Geoffroy de Saint-Belin († 1611) sont associées à celles au lion passant de Henri-Louis Chasteigner de La Roche-Posay († 1651), son neveu et successeur sur la chaire de l’église poitevine. Sur celle de droite, l’armorie de Pierre d’Amboise est accompagnée par celle du cardinal Louis-Édouard Pie († 1880) (Longuemar 1881, p. 248), évêque au moment de la dernière restauration de l’édifice : c’est une sorte de mémorial héraldique des évêques qui, par le biais de leur activité de constructeurs ou de reconstructeurs, avaient marqué l’histoire de l’église et de la seigneurie de Dissay.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Dissay, église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, https://armma.saprat.fr/monument/eglise-saint-pierre-et-saint-paul-dissay/, consulté
le 02/04/2025.
Bibliographie sources
Paris, BnF Fr. 32254, Ch. D’Hozier, Armorial général de France dressé en vertu de l’édit de 1696, t. XXVIII, Poitiers, II.
Bibliographie études
A. de Longuemar, Anciennes fresques des églises du Poitou, Poitiers 1881.
X. Barbier de Montault, « Le château de Dissais (Vienne) », dans Paysages et monuments du Poitou, t. 4, Paris 1887, p. 1-12.
J. Gauthier, L. Gauthier, Armorial de Franche-Comté, Paris 1911.
F. Villard, « Pierre d’Amboise. Evêque de Poitiers (1481-1505), dans P. Gallais, Y.-J. Riou (éd.), Mélanges offerts à René Crozet, Poitiers 1966, t. 2, p. 1381-1387.
Y. Blomme, Poitou gothique, Paris 1993.
L. Vallière, Diocèse de Poitiers, Turnhout 2008 (Fasti ecclesiae gallicanae, t. 10).
Écartelé : aux 1 et 4, palé d'(or) et de (gueules) de six pièces (Amboise) ; au 2 d'(azur) à un croissant d'(argent) accompagné de huit croisettes en orle d'(or) (Bueil) ; au 3, d'(azur) à une bande d'(argent) côtoyée de deux cotices potencées et contre-potencées d'(or) (Sancerre) ; sur le tout, d'(or) à un dauphin d'(azur) (Dauphiné d’Auvergne).
Attribution : Amboise, Pierre d' ; Armoirie restaurée
Écartelé : aux 1 et 4, palé d’or et de gueules de six pièces (Amboise) ; au 2 d’azur à un croissant d’argent accompagné de huit croisettes en orle d’or (Bueil) ; au 3, d’azur à une bande d’argent côtoyée de deux cotices potencées et contre-potencées d’or (Sancerre) ; sur le tout, d’or à un dauphin d’azur (Dauphiné d’Auvergne).