L’église Saint-Hilaire de Poitiers présentait une riche série de tombes armoriées, concentrées dans la zone de la clôture du chœur et des chapelles s’ouvrant dans la zone du chevet, aujourd’hui perdues mais documentées par des sources textuelles et iconographiques. C’est le cas du monument funéraire de Robert Poitevin, connu grâce à un dessin de Louis Boudan réalisé pour François Roger de Gaignières (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 14, fol. 52 : Collecta). La légende qui l’accompagne précise qu’il se trouvait sur le mur nord de la chapelle placée à gauche du chœur (« du coté de l’Evangile ») (Bouchot 1891, num. 3084 ; Adhémar 1974-1977, p. 26, num. 1227), à identifier probablement avec l’une des chapelles qui avaient été ouvertes dans les bas-côtés de l’église (Bellin de la Liborlière 1842, p. 186). Le tombeau était accompagné d’une figuration qui, d’après le dessin de Boudan, semble avoir été directement peinte sur le mur d’enceinte du chœur des chanoines qui, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, s’étendait sur trois travées de la nef, précédé par un jubé. Le défunt, représenté à genoux, tenait dans les mains une croix et un phylactère avec une ligne d’écriture et une inscription était tracée à son côté. En haut, les piliers de la balustrade du chœur sont surmontés d’écus armoriés (armoiries 1a-b) qui ne semblent cependant pas à mettre en relation avec la sépulture de Robert Poitevin, mais avec le financeur ou le commanditaire de cet élément architectural de séparation. Les deux écus ne portent en effet pas les armes des Poitevin seigneurs de la Bidolière, lignage auquel Robert semble avoir appartenu (Favreau 1961, p. 141), qui portaient d’azur à l’aigle éployée d’argent (Thibaudeau 1840, p. 403).
Poitiers, église Saint-Hilaire, clôture du chœur et monument funéraire de Robert Poitevin (coll. Gaignières).
Né vers 1400 à Paris, probablement d’une famille d’origine poitevine, Robert Poitevin fut prêtre et professeur de médecine. Il devint le médecin attitré de la maison royale : Charles VII et Louis XI, mais aussi Marguerite d’Ecosse, Marie d’Anjou, Marie de Clèves, Angès Sorel – dont il fut un des exécuteurs testamentaires (Vallet de Viriville 1850, p. 488) – s’en remirent à ses soins (Favreau 1961). S’il figure officiellement comme médecin et conseiller du roi en 1449, il avait également été nommé trésorier de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers le 24 avril 1448 (ibid., p. 145, 147). Dans le portrait relevé par Boudan, il apparait en effet coiffé de la mitre qu’il avait le droit de porter, avec les gants, en tant que trésorier de Saint-Hilaire (alors que la crosse était réservée à l’abbé, c’est-à-dire, dans le cas de l’église poitevine, au roi) (Vallet de Viriville 1850, p. 492). Dans le cadre des travaux de rénovation de l’église pendant le XVe siècle, Robert Poitevin commandita, entre 1449 et 1474, la réalisation d’un nouveau portail dans la seconde travée du mur gouttereau nord. Démonté à l’occasion de la démolition des travées occidentales au début du XIXe siècle, il fut temporairement remployé dans la nouvelle façade de l’église (Crozet, Clément 1941, p. 501) pour disparaitre lors des travaux de restauration des années 1869-1875 (seuls quelques fragments sont encore conservés au Musée Sainte-Croix de Poitiers et au Victoria & Albert Museum de Londres) (Williamson 2001). Demeurant de manière stable à Poitiers dans la dernière partie de sa vie, il pris une part active à la vie du chapitre de Saint-Hilaire. À sa mort, le 26 juillet 1474, il fut enterré à l’intérieur de cette église, prés de l’autel des anniversaires (Favreau 1961, p. 151).
Plate tombe de Enguerrand de Bouhaim. Poitiers, église de Saint-Hilaire (coll. Gaiginières).
La tombe d’Enguerrand de Bouhaim († 1484), chanoine de Saint-Hilaire à partir de 1465 et écolâtre dès 1476 (Poitiers, BU, Favreau 1971, p. 95 et note 314), était placée derrière le chœur de l’église, dans la chapelle consacrée à Notre-Dame de la Carole (du nom d’une statue de la Vierge qui aurait été profanée en 1418 à Paris) (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 14, fol. 114 : Collecta). L’inscription latine, en minuscule gotique, qui court sur trois cotés de la dalle transmet l’identité du défunt, représenté à l’intérieur d’un encadrement architectural finement travaillé (Bouchot 1891, num. 2643 ; Adhémar 1974-1977, p. 184, num. 1034), coiffé d’une aumusse. Deux écussons à ses armes étaient gravés d’un côté et d’autres du coussin mortuaire (armoiries 2a-b) (Bouchot 1891, num. 2644 ; Adhémar 1974-1977, p. 184, num. 1035).
Près de la chapelle de Notre-Dame de la Carole se trouvait également la sépulture de Michel de Bouhaim (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 14, fol. 115 : Collecta), nommé chanoine de Saint-Hilaire en 1483, par l’intervention de son frère Enguerrand, écolâtre et chanoine de la semaine de chappe (Favreau 1978, p. 459-460). Mort vers la fin du XVe siècle (Poitiers, BU, Favreau 1971), il est représenté coiffé d’une aumusse et ses armoiries, identiques à celles portées par son frère Enguerrand, figuraient sur deux écussons gravés des deux cotés du coussin mortuaire (armoiries 3a-b) (Bouchot 1891, num. 2643 ; Adhémar 1974-1977, p. 184, num. 1034).
Plate tombe de Pierre Gaboreau. Poitiers, Eglise Saint-Hilaire (coll. Gaignières).
La tombe de Pierre Gaboreau (Gabareau, Gaboriau) († 8 janvier 1455), également placée « derrière le chœur » dans la chapelle à droite dédiée à la Sainte-Trinité (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 14, fol. 116 : Collecta), était encore visible au tout début du XXe siècle (Beauchet-Filleau 1905, t. 3, p. 640). Docteur de l’Université de Poitiers, Pierre Gaboreau fut doyen du chapitre de Saint-Hilaire à partir du 7 avril 1443 (Poitiers, BU, Favreau 1971, p. 91) et commissaire royal dans le procès de Jacques Cœur (1451) (Beauchet-Filleau 1905, t. 3, p. 640 ; Poitiers, BU, Favreau 1971, p. 91). L’inscription tracée en minuscule gothique et rédigée en latin, transmet l’identité du défunt, représenté à l’intérieur d’un riche encadrement architectural (Bouchot 1891, num. 2645 ; Adhémar 1974-1977, p. 15, num. 1159). Coiffé d’une mitre et habillé de tous les parements liturgiques, le doyen pose ses pieds sur un chien. Deux écussons, accrochés aux côtés d’un gable fleuri qui encadre le portrait du prélat, en portent les armoiries (armoiries 4a-b), qui diffèrent de celles traditionnellement attribuées à sa famille (de gueules au chevron d’or accompagné de 3 croissants d’argent posés 2 et 1 : Paris, BnF, ms. Fr. 20084, fol. 25 ; Beauchet-Filleau 1905, t. 3, p. 640).
Plate tombe de Pierre Negrand. Poitiers, église Saint-Hilaire (coll. Gaignières).
À la droite de la chapelle dédiée à la Sainte-Trinité (Bouchot 1891, num. 2646 ; Adhémar 1974-1977, p. 16, num. 1163) se trouvait, à la fin du XVIIe siècle, la plate tombe de Pierre Negrand de Couhé († 7 juin 1456) (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 14, fol. 117 : Collecta), chanoine de Saint-Hilaire (Poitiers, BU, Favreau 1971, p. 91-92). Elle avait peut-être été déjà déplacée de son emplacement d’origine puisque, dans son testament daté du 22 avril 1454, Pierre Negrand avait disposé d’être enterré dans la sépulture qu’il avait fait préparer devant l’autel de la chapelle de la Trinité qu’il avait fait refaire auparavant (« eligo sepulturam meam in dicta ecclesia beatissimi Ilarii maioris Pictaviensis, prope et iuxta altare Sancte Trinitatis quod de novo mutari, contrui et edificari feci, et in sepultura quam fieri feci a tergo ante predictum altare Trinitatis » : Poitiers, BU, Favreau 1971, note 286). Comme d’habitude l’inscription, tracée en minuscule gothique et rédigée en latin, et les écussons armoriés placés des deux côtés de l’arcade encadrant le portrait transmettent l’identité du défunt (armoiries 5a-b), ici représenté coiffé d’une aumusse, vêtu de tous les parements liturgiques et appuyant ses pieds sur un lion et un loup.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Poitiers, église Saint-Hilaire, https://armma.saprat.fr/monument/eglise-saint-hilaire-poitiers/, consulté
le 02/04/2025.
Bibliographie sources
Poitiers, BU, R. Favreau, Les inscriptions de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers [texte dactylographié], Poitiers 1971.
Bibliographie études
A.-R.-H. Thibaudeau. Histoire du Poitou. Nouvelle édition continuée jusqu’en 1789, Niort 1840.
L. Bellin de la Liborlière, « Remarques sur la nouvelle édition de l’histoire du Poitou, par Thibaudeau », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 1, 3, 1842, p. 169-192.
A. Vallet de Viriville, « Recherches historiques sur Agnès Sorel (deuxième article) », Bibliothèque de l’école des chartes, 11, 1850, p. 477-499.
H. Bouchot, Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières et conservés aux départements des estampes et des manuscrits, Paris 1891.
R. Crozet, J. Clément, « Les notes archéologiques du baron de Guilhermy sur les monuments de Poitiers et du Poitou », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 3, 12, 1, 1941, p. 497-530.
R. Favreau, « Robert Poitevin, professeur à Paris, médecin des Princes trésorier de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers (v. 1390-1400 à 1474) », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 4, 6, 1961, p. 141-151.
J. Adhémar, « Les tombeaux de la Collection Gaignières. Dessins d’archéologie du XVIIe siècle », Gazette des Beaux Arts, 116, 88, 1974, p. 5-192 ; 118, 88, 1976, p. 3-128 ; 119, 90, 1977, p. 3-76.
R. Favreau, La ville de Poitiers à la fin du Moyen Âge. Une capitale Régionale, Poitiers 1978 (Mémoires de la Société de Antiquaires de l’Ouest, s. 4, 14, 1977-1978).
P. Williamson, « The Flamboyant Portal of Saint-Hilaire-le-Grand at Poitiers », Sculpture Journal, 5, 2001, p. 1-6.