Sous le vocable de Saint-Hilaire, l’église de Blanzay dépendait jusqu’en 1790 de l’archiprêtré de Chaunay, tandis que le sous-doyen de Poitiers en détenait le patronat (Beauchet-Filleau 1868, p. 212). Dans son état actuel elle montre des formes propres du gothique flamboyant, qui permettent d’en fixer la construction au XVesiècle. L’église est formée par une nef de trois travées terminée par un chœur à chevet plat, ce dernier formé de deux travées et éclairé par une grande baie axiale à remplage flamboyant. La nef est doublée au sud par un collatéral plus petit, aligné à la façade et formé par trois travées seulement. Une porte latérale le mettait en communication avec la place jadis occupée par l’ancien cimetière. Si toutes les travées de l’église sont voûtées d’ogive, seulement celles du chevet sont en pierre et datent de l’époque de construction de l’édifice. Exception faite pour celle de la première travée supportant le clocher octogone, les autres ont été reconstruites en briques en 1873, dans le cadre des travaux de restauration qui avaient débuté trois ans plus tôt (Le patrimoine 2002, p. 171), pour remplacer une couverture en bois plus ancienne en mauvais état (DRAC, Nouvelle Aquitaine, Archives CRMH, 86 Blanzay, Église). D’ailleurs, il paraît que le chevet constitue la partie la plus ancienne de l’église, puisqu’il a été édifié en prolongation d’un édifice roman, reconstruit par la suite, en remployant les pierres et une portion des murailles du corps de bâtiment précédent.
Clef de voûte armoriée. Blanzay, église Saint-Hilaire, chœur (travée orientale).
Dans la restauration des années 1870-1873 toutes les voûtes d’ogive reconstruites furent ornées de clefs armoriées vierges, probablement dans le but de donner un aspect médiéval aux parties rénovées de l’édifice. Les clefs encastrées au sommet des deux travées du chevet datent en revanche de l’époque de sa construction (armoiries 3, 4), qu’on peut situer entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, si on considère la forme très allongée de l’écu apposé sur la clef de la dernière travée (armoirie 4) (voir, pour une comparaison, la clef de voûte datée de 1507 de l’église de Chaunay). Les deux armoiries ont été martelées mais sans trop altérer leur lisibilité. L’écu de la travée orientale est inséré au milieu d’un encadrement travaillé à jour et orné, dans les parties terminales, de fleurs à quatre ou cinq pétales. Ces éléments contribuent à isoler et à mettre en valeur l’armoirie, située en plus dans la zone la plus sacrée de l’église. Portant deux lions passants surmontés d’un lambel, l’écu armorié peut être attribué avec certitude aux de Chabanais, famille originaire de la localité homonyme en Charente, dont Jean de Chabanais († après 1445-avant 1449) fit aveu en 1445 pour sa terre de la Maillolière à Blanzay (Beauchet-Filleau 1895, p. 161 ; Racines & Histoire). Capitaine de Cognac et chevalier de l’ordre du Porc-épic (ou du camail), celui-ci semble avoir utilisé deux sceaux : l’un aux armes familiales pleines (Sigilla), l’autre aux armes brisées d’un lambel (Lainé 1818, p. 146 ; Beauchet-Filleau 1895, p. 161). Ses mêmes armes étaient probablement figurées sur un vêtement de soie retrouvé en lambeaux dans la cathédrale d’Angoulême en 1865, portant un écusson « d’or, à deux lions passants lampassés de gueules, surmontés d’un lambel d’argent à trois pendants » (« Sépultures » 1865, p. 426). Même si la description de la retrouvaille précise que l’armorie étaient encadrée « d’un cordon de l’ordre de Saint-Michel » (ibid.), il ne semble pas impossible que le rédacteur de la notice ait fait confusion entre le collier de l’ordre institué par Louis IX et celui du Porc-épic, crée par Louis d’Orléans en 1394.
Puisque Jean de Chabanais était déjà mort au moment de la construction du chœur, l’armoirie représentée dans l’église de Blanzay devra être plutôt attribuée à un de ses descendants, et vraisemblablement à son petit-fils Troïlus (dit aussi Galat). Fils d’Aymar de Chabanais et frère cadet de Jean, écuyer et seigneur de Comporté, Troïlus hérita de son père le titre de seigneur de la Maillolière. De son mariage avec Jeanne il eut Jacques († 1527), qui lui succeda dans la seigneurie, et fit testament en 1504 (Beauchet-Filleau 1895, p. 161 ; Racines & Histoire).
L’armorie représentée sur la première travée du chevet demeure par contre inconnue pour l’instant (armorie 3) : la présence d’éléments appartenant à la sphère du sacré (les clefs en sautoir et les deux griffons) laisse croire qu’il s’agisse de l’armoirie d’une personne ou d’une institution religieuse (le sous-doyenné de la cathédrale de Poitiers en charge à l’époque de la construction de cette partie de l’église ?). Des lettres sont gravées dans la partie supérieure de l’écu : nous y distinguons, à dextre, un R et un M, et, à senestre, un E et un C. La forme de l’écu, dans ce dernier cas plus arrondie, et l’absence d’encadrement sculpté contribuent à créer une hiérarchie entre le deux enseignes, au profit de celle placée sur la travée orientale (armoirie 4), probablement à attribuer donc aux financeurs de la construction.
Pierre armoriée. Blanzay, église Saint-Hilaire, portail occidental.
Une autre pierre armoriée fut encastrée dans la façade occidentale de l’église, en dessus de la voussure du portail (armoirie 1). Même si la sculpture a été buchée, l’armoirie demeure à peu près encore lisible. Dans un écu allongé, soutenu par deux tenants présentant des formes humaines, nous distinguons en effet la silhouette d’un quadrupède passant – vraisemblablement un lion puisque le col est couvert d’une crinière –, tandis que une autre figure, désormais illisible, était sculptée dans la partie inférieure. S’il est donc probable que l’écu portait les mêmes armes de Chabanais que l’on voit sculptées dans le chœur de l’église, il est également plausible qu’il n’identifiait pas Troïlus mais plutôt son fils Jacques, en raison des formes désormais pleinement Renaissance de l’ensemble. L’écu est en effet timbré d’un heaume vu de profil, orné d’un lambrequin flottant et, peut-être, d’une couronne, tandis que deux rubans passent sous la pointe de l’écu. Il est plausible que la même armoirie figurait aussi sur l’écu sculpté en saillie au milieu du linteau de la porte latérale sud (armoirie 2), hélas totalement défiguré par les coups de marteau et désormais illisible.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Blanzay, église Saint-Hilaire, https://armma.saprat.fr/monument/eglise-saint-hilaire-blanzay/, consulté
le 16/10/2024.
Bibliographie sources
DRAC, Nouvelle Aquitaine, Archives CRMH, 86 Blanzay, Église.
Bibliographie études
Beauchet-Filleau Henri, Pouillé du diocèse de Poitiers, Niort-Poitiers 1868.
Beauchet-Filleau Henri, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 2, Poitiers 1895.
G.-C. É., « Blanzay », dans La Sauvegarde de l’Art français, 18, p. 45-46.
Lainé Louis, Dictionnaire véridique des origines des maisons nobles ou anoblies du Royaume de France, t. 1, Paris 1818.
Le patrimoine des communes de la Vienne, dir. A. Guihéneuc, R. Toulouse, Paris 2002.
« Sépulture de la cathédrale d’Angoulême », Bulletin de la Société archéologique et historique de la Charente, 3, 1865, p. 418-427.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Blanzay, église Saint-Hilaire. Armoirie Jacques de Chabanais ? (armoirie 1)
D'(or ?) à (deux ?) lions léopardés de (gueules ? au lambel à trois pendants d’argent ?).
Attribution : Chabanais Jacques de ; Armoirie bûchée