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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Vivonne, église Saint-Georges

 

L’église Saint-Georges à Vivonne apparaît dans les documents entre 1060 et 1078. En 1095 elle est cédée à l’abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers par les Fort, les seigneurs locaux qui en avaient la juridiction (Puissant 2005, p. 47). Construite dans un style gothique plantagenêt, l’église aurait été bâtie en trois phases (Blomme 1993, p. 376-380), procédant de la façade vers le chevet. La façade, d’aspect encore roman, et les deux premières travées de la nef dateraient du début di XIIIe siècle, tandis que le croisillon nord aurait été réalisé au milieu du siècle et le croisillon sud à la fin, époque à laquelle devrait remonter aussi l’abside. Depuis les actes d’archives nous savons qu’en 1264 Jeanne Marcheant (Marchande) lègua « centum solidos » pour la construction de l’église Saint-Georges de Vivonne, notamment « operariis opus dicte ecclesie facientibus » (Pons 1982, doc. 94, p. 128), ce qui preuve qu’à cette date les travaux étaient encore en cours (facientibus) et nécessitaient de financements pour pouvoir être achevés.

Vivonne, église Saint-Georges, bran nord du transept, décor de la voûte.

Vivonne, église Saint-Georges, bran nord du transept, décor de la voûte.

L’avancement de la construction du bâtiment fut accompagné par la mise en oeuvre d’un décor peint qui, réalisé en plusieurs campagnes, couvrit intégralement l’intérieur de l’édifice. Les peintures les plus anciennes ont été identifiées dans le bras nord du transept, couvert d’un faux appareil tracé en rouge sur un fond blanc sur lequel, vers 1220-1230, furent peintes plusieurs figures et scènes (Landry-Delcroix 2012, p. 292). Un nouveau décor s’ajouta avant la fin du XIIIe siècle, comportant notamment la réfection des peintures des voûtes. Celles-ci furent décorées d’un faux appareillage rouge à double traits verticaux orné de motifs stylisés : des fleurons, des étoiles, des croisettes et de fleurs de lys, ces derniers employés sans doutes seulement en fonction ornementale. Les aigles et les lions qui couvrirent les nervures dans cette phase ont été empruntés au vocabulaire héraldique, mais ils semblent totalement dépourvus de toute valeur emblématique. De ce moment daterait aussi l’enfeu adossé au mur pignon du bras nord du transept, qui offre un des rares témoignages, en Poitou, de structures funéraires orné de peintures murales à thème héraldique. Des motifs géométriques (un ruban spacieux ?) soulignaient, en couleurs très vives, le profil externe de l’arcade dans laquelle le tombeau était encastré, tandis qu’un élément trilobé en ornait le tympan. Une série de grands écus armoriés couvrait, en revanche, l’intrados de l’arcade selon une solution que l’on retrouve adoptée, par exemple, dans l’enfeu des Chaources dans l’église Sainte-Gemme à Neuvillette-en-Charnie (première moitié du XIVe siècle).

Enfeu armorié, détail de l'arcosolium. Vivonne, église Saint-Georges, bras nord du transept.

Enfeu armorié, détail de l’arcosolium. Vivonne, église Saint-Georges, bras nord du transept.

Si l’enfeu a été jusqu’à présent daté d’une façon concorde de la fin du XIVe siècle (Roussel 1977, p. 48 ; Landry-Delcroix 2012, p. 65), les aspects formels des éléments figurés sur lesquels repose la voussure externe encadrant l’arcade principale et la forme des quatre écussons armoriés conservés (armoiries 1-4) invitent, à notre avis, à en anticiper la chronologie au dernier quart du XIIIe siècle. Partiellement endommagées, la tête masculine et celle feminine semblent en effet ressentir de la sculpture parisienne de la seconde moitié du XIIIe siècle, dont le portail de la cathédrale de Poitiers offre un témoignage local, tandis que la forme et les proportions des écus, encore très allongés et presque triangulaires, trouvent une comparaison possible dans le double décor héraldique de l’« hôtellerie » de l’abbaye de Nanteuil-en-Vallée, daté entre la fin du XIIIe siècle et les premières années du XIVe.

Enfeu armorié, détail d'une console sculptée en forme de tête feminine. Vivonne, église Saint-Georges, bras nord du transept.

Enfeu armorié, détail d’une console sculptée en forme de tête féminine. Vivonne, église Saint-Georges, bras nord du transept.

Malheureusement, il est impossible à ce stade de resserrer davantage cette fourchette chronologique : en raison de leur l’état de conservation les écus peints sont en effet peu lisibles et les armoiries qu’ils portent demeurent, par consequent, difficiles à identifier. Seule un écu armorié est en effet bien conservé (armoirie 2), celui qui porte un burelé d’argent et de gueules figurant dans l’Armorial Le Breton sous le nom des Lusignan-La Marche (De Boos et al. 2004, p. 37). Toutefois, les éditeurs modernes de l’armorial ont démontré que cette identification est très probablement erronée et que l’armorie reproduite dans le manuscrit, et donc dans notre enfeu, pourrait plutôt appartenir à la famille Brisay (De Boos 2004, p. 207, num. 669), possessionnée entre Poitou et Touraine (Beauchet-Filleau 1891, p. 787-788). Sur la partie gauche de l’arcade un deuxième écusson fragmentaire est encore bien lisible (armoirie 1). Par la présence de traces de couleur rouge en chef et de fragments noirs sur un fond blanc dans la partie centrale, nous pensons qu’il portait l’armoirie des Vivonne, seigneurs du lieu. L’association des armoiries des deux li ne paraît pas incohérente, même si aucun lien direct entre les deux lignages est pour le moment documenté.

Écus aux armes Lusignan-La Marche. Vivonne, église Saint-Georges, bras nord du transept, enfeu.

Écus aux armes des Brisay (?). Vivonne, église Saint-Georges, enfeu armorié.

La composition du cycle inviterait à chercher un lien entre les deux écussons placés au milieu de l’arcade, mais aucune alliance et aucun rapport féodal sont à ce moment connu entre les lignages des Vivonne et celui des Brisay. L’interprétation des armoiries qui complètent la série du côté droit demeure encore plus énigmatique. La première (armorie 3) rappelle l’armoirie des Cléret, famille poitevine qui portait d’or à deux fasces vivré de sable (Petitet 1911, p. 41). La deuxième (armoirie 4) présentait deux ou trois fasces vivrées de gueules sur un fond qui à l’origine était probablement d’argent (l’azur actuellement visible semble produit par une altération de la couche picturale, peut-être causée par l’humidité de la pierre). Nous rappellerons alors qu’un écu à deux fasces vivrées était gravé sur le sceau de Hugues de Prissay en 1285 (Eygun 1938, p. 241, n. 568), mais il est impossible de dire si les armes peintes à Vivonne avaient un quelque rapport avec ce personnage ou sa famille.

Les dégâts provoqués par la guerre de Cent Ans seraient à l’origine de la reconstruction des croisées d’ogives de la nef dans la seconde moitié du XVe siècle (Blomme 1993, p. 376). Les travaux furent suivis d’un nouveau chantier pictural qui toucha notamment le chevet et les voûtes de la nef, recouvertes à l’occasion d’un faux appareil rouge sur fond blanc. Une inscription tracée en rouge sur le mur nord du chevet en conserve la mémoire : L’an mil CCCC et IIIIxx et IX Jehan / Petit blanchit les voutes / toute a neuf MEP (= miserere ei) (Landry-Delcroix 2012, p. 293). La reconstruction des voûtes, achevée donc avant 1489, fut scellée par l’apposition de deux clefs de voûte armoriées dans les deux premières travées de la nef (armoiries 5-6).

Vivonne, église Saint-Georges, abside, mur nord, inscription portant le nom du peintre.

Elles portent des écussons armoriés de la même taille et forme, orientés avec le chef en direction du maître autel. La clef de la première travée présente un écusson (armoirie 5), inséré à l’origine dans un cadre circulaire, dont on voit des morceaux aux quatre angles, qui était probablement travaillé à jour, comme celui que l’on trouve, par exemple, dans l’église de Chaunay (1507). L’armoirie, un fascé-ondé d’argent et de gueules de six pièces, a été réalisée en relief et puis peinte : ce qui représente, dans la région, un des rares exemples d’armoiries sculptées ayant conservé la polychromie d’origine. Il s’agit sans doute des armes des Rochechouart (Blomme 1993, p. 376), une puissante famille originairement possessionnée dans le nord du Limousin, dont la branche de Montemart pris possession de la châtellenie de Vivonne à la suite du mariage en 1264 d’Aimeri IX de Rochechouart avec Mathilde, veuve de Guillaume Fortis, seigneur de Vivonne. Jusqu’à la fin du XIVe siècle les Rochechouart partagèrent cependant la seigneurie avec les Archiac, installés à Vivonne peut-être grâce à l’appui des Lusignan et devenus depuis seigneur de Vivonne en 1322 avec Aymeri (Puissant 2005, p. 26-28). En tant que seigneurs du lieu, les Rochechouart financèrent la reconstruction de l’église, obtenant ainsi le droit d’exposer leurs armes sur la clef de voûte, comme nous pouvons le voir, dans la région, dans le cas de l’église de Beaumont ou de celle de Pouzioux.

Vivonne, église Saint-Georges, Ière travée, faux appareillage et clef de voûte aux armes des Rochechouart.

Vivonne, église Saint-Georges, Ière travée, faux appareillage et clef de voûte aux armes des Rochechouart.

Une deuxième famille dût cependant intervenir dans le financement du chantier et obtenir ainsi le droit d’exposer ses armes sur les voûtes de l’église, et plus précisément sur la clef de voûte de la deuxième travée (armoirie 6). Malheureusement, l’écu armoirie ne porte plus aucune trace de couleurs, ce qui en complique l’identification. Nous observerons en tout cas que les Bascles, famille de Touraine qui comptait plusieurs alliances avec les familles poitevines (Beauchet-Filleau 1891, p. 317), portaient des armes de gueules à trois macles d’argent, tout à fait identique à celles utilisées par les Puy du Fou. Mais nombre d’autres lignages utilisèrent des armes semblables (Petiet 1911, p. 15, 47, 91, 109 ; Beauchet-Filleau 1891-1905, passim) sans qu’aucun lien avec la ville de Vivonne ou la famille des Rochechouart ne soit identifiable.

Auteur : Matteo Ferrari

Pour citer cet article

Matteo Ferrari, Vivonne, église Saint-Georges, https://armma.saprat.fr/monument/eglise-saint-georges-nef-vivonne/, consulté le 02/04/2025.

 

Bibliographie sources

E. De Boos et al. (éd.), L’armorial Le Breton, Paris 2004.

Bibliographie études

H. Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 1, Poitiers 1891.

H. Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 2, Poitiers 1895.

H. Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 3, Poitiers 1905.

R. Petiet, Armorial poitevin : liste alphabétique des familles nobles ou d’ancienne bourgeoisie habitant ou ayant habité le Poitou, Niort-Paris 1911.

F. Eygun, Sigillographie du Poitou jusqu’en 1515S, Poitiers 1938.

S. Painter, « The lords of Lusignan in Eleventh and Twelfth Centuries », Speculum, 32, 1, 1957, p. 27-47.

G. Pons, Recueil des document de l’abbaye de Fontaine-le-Comte (XIIe-XIIIe siècle), Poitiers 1982 (Archives historiques du Poitou, 61).

Y. Blomme, Poitou gothique, Paris 1993, p. 376-380.

F. Puissant, Vivonne. Origines, topographie et morphologie d’une petite ville du Haut-Poitou de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge, s.l. 2005 (Le pays chauvinois, 43).

M. Roger, « F. Jean de Vivonne, prieur d’Aquitaine (1421-1433) », dans Templiers et Hospitaliers (XIVe-XVe siècles), Poitiers 2009 (Revue historique du Centre-Ouest, 7, 2, 2008), p. 287-400.

C. Landry-Delcroix, La peinture murale gothique en Poitou, XIIIe-XVe siècle, Rennes 2012.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Vivonne, église Saint-Georges. Armoirie Vivonne (armoirie 1)

D'(hermine) au chef de gueules.

  • Attribution : Vivonne, famille
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Transept (bras nord)
  • Emplacement précis : Enfeu ; Mur pignon ; Tombeau
  • Support armorié : Intrados d'arc
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Peinture murale
  • Période : 1276-1300
  • Dans le monument : Vivonne, église Saint-Georges

Vivonne, église Saint-Georges. Armoirie Brisay ? (armoirie 2)

Burelé d’argent et de gueules.

  • Attribution : Brisay (Brizay), famille
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Transept (bras nord)
  • Emplacement précis : Enfeu ; Mur pignon ; Tombeau
  • Support armorié : Intrados d'arc
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Peinture murale
  • Période : 1276-1300
  • Dans le monument : Vivonne, église Saint-Georges

Vivonne, église Saint-Georges. Armoirie inconnue (armoirie 3)

D’or, à quatre pals de gueules, à trois ? fasces vivrées de sable brochant sur le tout.

  • Attribution : Armoirie inconnue
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Transept (bras nord)
  • Emplacement précis : Enfeu ; Mur pignon ; Tombeau
  • Support armorié : Intrados d'arc
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Peinture murale
  • Période : 1276-1300
  • Dans le monument : Vivonne, église Saint-Georges

Vivonne, église Saint-Georges. Armoirie inconnue (armoirie 4)

D’argent ? à trois ? fasces vivrées de gueules.

  • Attribution : Armoirie inconnue
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Transept (bras nord)
  • Emplacement précis : Enfeu ; Mur pignon ; Tombeau
  • Support armorié : Intrados d'arc
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Peinture murale
  • Période : 1276-1300
  • Dans le monument : Vivonne, église Saint-Georges

Vivonne, église Saint-Georges. Armoirie Rochechouart (armoirie 5)

Fascé ondé d’argent et de gueules de six pièces.

  • Attribution : Rochechouart, famille
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Nef
  • Emplacement précis : travée Ière ; Voûte
  • Support armorié : Clef de voûte
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Peinture murale ; Sculpture en pierre
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Vivonne, église Saint-Georges

Vivonne, église Saint-Georges. Armoirie inconnue (armoirie 6)

De … à trois losanges de …

  • Attribution : Armoirie inconnue
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Nef
  • Emplacement précis : travée IIème ; Voûte
  • Support armorié : Clef de voûte
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Vivonne, église Saint-Georges

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