Les premières traces d’un édifice du culte à Saint-Clément remontent à l’époque carolingienne, mais l’église actuelle a été probablement fondée au XIIe siècle. Dépendant à cette époque de l’abbaye de Saint-Amand-en-Boixe, à laquelle elle avait été donnée par l’évêque de Poitiers en 1098, l’église Saint-Clément retourna sous le contrôle de ce dernier en 1226 (Barbier de Montault 1874-1876, p. 132). De l’édifice originel il ne reste aujourd’hui plus grande chose, la nef et le clocher ayant été refaits dans les années 1870 (ibid., p. 134). Le chœur appartient à l’édifice roman mais a été couvert au XVe siècle d’une nouvelle voûte d’ogives reposant sur les colonnes romanes. La fenêtre flamboyante ouverte dans l’axe de l’abside appartiendrait à cette même phase.
Les travaux furent exécutés pendant l’évêché de Pierre d’Amboise dont l’armoirie, représentée sur le clef de la voûte, fut détruite au début du XVIIe siècle (armoirie 1).
Chasseneuil-du-Poitou, église Saint-Clément, clef de voûte de l’abside jadis aux armes d’Amboise.
On décèle encore la trace d’un écu en forme de chanfrein. Sa destruction est documentée par le compte-rendu d’un litige judiciaire qui, au XVIIe siècle, opposa le Grand Prieur d’Aquitaine et l’évêque de Poitiers à propos des droits de justice sur l’église de Chasseneuil. Le premier, en tant que décimateur de la paroisse, avait profité de certains travaux d’aménagement dans l’église pour faire disparaître les armes de l’évêque sur la voûte et apposer celles de l’Ordre de Malte – de gueules à la croix alésée d’argent – au-dessus de la baie centrale de l’abside avec la date 1616, comme on peut le voir encore aujourd’hui (armoirie 2). D’autres documents nous apprennent qu’elles avaient été reproduites aussi sur la clef de voûte de l’abside, derrière l’autel au pied du Crucifix et sur le bénitier (Barbier de Montault 1874-1876, p. 138). Même si l’évêque Henry-Louis Chasteigner de la Roche-Posay avait exigé le rétablissement de l’écusson de son prédécesseur, rien ne fut fait. La question resta ouverte jusqu’en 1685 lorsqu’un arbitrage reconnut les raisons de l’évêque de Poitiers, mais sans entrainer la destruction de l’armoirie de l’Ordre de Malte (archives de l’évêché dans notice Inventaire ; Laville, Prêt 1999, p. 64, 76-77).
Les travaux de réfection du chœur réalisé par Pierre d’Amboise avaient été précédés, ou accompagnés, par l’ouverture de la chapelle funéraire sur le côté sud du chœur, consacrée à la Vierge, dont le patronage était aux seigneurs de Guignefolle et de la Tour d’Anguitard (Barbier de Montault 1874-1876, p. 135). La présence du cimetière sur le coté nord a probablement orienté le choix d’ériger la chapelle sur ce côté (ibid.).
Chasseneuil-du-Poitou, église Saint-Clément, clef de voûte armoriée de la chapelle seigneuriale.
Elle est couverte d’une voûte d’ogives reposant sur des consoles ornées de feuillages, d’une chauve-souris et d’une tête d’homme. Sa clef est ornée d’un écusson inséré dans un cadre polylobé qui, à l’origine, devait porter les armes, probablement peintes, de la famille propriétaire (armoirie 3). L’écu est orienté avec la pointe vers la fenêtre ouverte dans le mur oriental, sous laquelle se trouvait l’autel. L’identité de la famille qui avait fait bâtir la chapelle était annoncée aux fidèles réunis dans la nef par le biais de l’écusson sculpté en relief sur la clef de l’arcade donnant sur le chœur de l’église (armoirie 4). L’accès à la chapelle se faisait par le mur sud encore au XVIIe siècle (Laville, Prêt 1999, p. 69), vraisemblablement par une porte dont provient le linteau armorié (armoirie 5) actuellement inséré dans le mur nord de la nef sur une porte condamnée.
Les trois écussons ont été totalement grattés et aucune trace d’armoiries sculptées ou peintes n’est désormais plus lisible. Cependant, il est possible qu’ils portaient une des armes visibles jadis sur la litre funéraire retrouvée sous le badigeon en 1925 au cours des travaux de réfection des peintures de la chapelle. Parcourant tout le périmètre de la chapelle à 2m50 du sol (Salvini 1925, p. 9), la litre correspondait à celle mentionnée, mais non décrite, par Barbier de Montault « à l’intérieur et à l’extérieur […] de la chapelle », au dessus de l’arcade qui la met en communication avec la nef (Barbier de Montault 1874-1876, p. 136). Au moment de la redécouverte, le bandeau « chargé d’une chaîne d’or à gros maillons » présentait sur le mur sud trois écussons : « les deux premiers à gauche [étaient] d’azur au porc épic d’or ; le 3e, d’azur au chevron d’or accompagné de trois trilobes [sic !] de même » (Salvini 1925, p. 9-10).
Porte condamnée avec linteau armorié. Chasseneuil-du-Poitou, église Saint-Clément.
Les écus étaient insérés dans des cadres quadrilobés ornés de lisérés d’or, ce qui permettrait de dater la composition au XVe siècle (voir la litre funéraire de l’église de Gourgé dans les Deux-Sèvres, daté du milieu du XVe siècle). Joseph Salvini proposait d’identifier les deux armoiries avec celles de la famille Bèllere (armoirie 6), qui tint la seigneurie de Gugnefolle au moins depuis 1437, et de Chaillé (armoirie 7). La litre serait à son avis liée au mariage entre Huguet Bellère et Louise Chaillé (Salvini 1925, p. 10) célébré avant 1486 (Beauchet-Filleau 1891, p. 425). En effet, il est plausible que les trois « trilobes » décrits par Barbier de Montault n’était que les neuf cailloux (chails) réunis trois par trois qui étaient reproduits dans l’armoiries des Chaillé, comme on pouvait le voir dans l’écu gravé sur la sépulture de la famille dans l’église des Cordeliers (Beauchet-Filleau 1895, p. 210). La chapelle aurait donc été bâtie entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe, à l’époque de l’épiscopat de Pierre d’Amboise. Cette datation conviendrait d’ailleurs parfaitement aux caractéristiques formelles des pièces mentionnées.
Toujours dans cette chapelle, au sol, une dalle funéraire en pierre de Bonillet conserve le souvenir de Jacques Aubry, seigneur de Guignefolle, mort le 9 octobre 1607, et en porte l’armoirie « de … à un oiseau de …, accompagné en chef de trois roses de … rangées en fasce et en pointe d’un croissant de … » (Barbier de Montault 1874-1876, p. 136).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Chasseneuil-du-Poitou, église Saint-Clément, https://armma.saprat.fr/monument/eglise-saint-clement-chasseneuil-du-poitou/, consulté
le 16/10/2024.
Bibliographie études
X. Barbier de Montault, « La Commune de Chasseneuil (Vienne) », dans Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1ère s., 14, 1874-1876, p. 131-146.
H. Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 1, Poitiers 1891.
H. Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 2, Poitiers 1895.
J. Salvini, « La litre de la chapelle de Guignefolle en l’église de Chasseneuil », dans Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 3e s., 6, 1925, p. 9-10.
G. Laville, Ch. Prêt, Chasseneuil-du-Poitou, découverte de son passé, Saint-Martin-lès-Melle 1999.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Chasseneuil-du-Poitou, église Saint-Clément. Armoirie Pierre d’Amboise (armoirie 1)
(Palé d’or et de gueules de six pièces ?).
Attribution : Amboise, Pierre d'
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Abside
Emplacement précis : Voûte
Support armorié : Clef de voûte
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
(D’azur, au chevron d’or, accompagné de trois cailloux d’or, posés deux en chef et un en pointe) (alias de neuf cailloux posés trois par trois, dont six en chef et trois en pointe).
Attribution : Chaillé, famille
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale sud
Emplacement précis : Mur sud
Support armorié : Litre funéraire
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue