L’église Saint-André de Senillé, bâtie au XIIe siècle, a été totalement reconstruite en style néo-roman à la fin du XIXe siècle (Le patrimoine 2002, t. 2, p. 122), pour agrandir et régulariser la structure de l’édifice qui présentait à l’origine un plan trapézoïdale (Poitiers, AD Vienne, Cadastre napoléonien 4p 5656 B/1). De la structure originelle, il ne reste que le chevet, éclairé par trois baies en arc brisé, et le mur du collatéral sud qui, de l’extérieur, porte encore les traces des remaniements successifs, notamment de l’arcade d’accès à une chapelle latérale. À l’occasion des travaux débutés en 1871, la dernière travée du collatéral sud a été reconstruite dans un style qui s’inspire aux formes du gothique du XVe siècle. Des écus vierges ornent les culs-de-lampe qui soutiennent la voûte en ogive (armoiries 2-5), tandis que la clef de voûte est embellie par un cadre polylobé avec des motifs fleuris en correspondance des points de jonction des nervures ; un écu dépourvu de toute représentation s’inscrit en son centre (armoirie 1). Il est impossible de déterminer si ces écussons s’inspirent à des éléments armoriés jadis en place dans l’édifice.
Tombeau et gisant de Pierre (?) d’Aux. Senillé, église Saint-André, bas-côté sud.
Sur le coté sud, seul vestige conservé de l’ancienne église, s’ouvre un enfeu encore complet de son sarcophage, du gisant et du décor en relief du fond, même si fragmentaires (Le patrimoine 2002, t. 1, p. 121). La sépulture monumentale est encadrée par des hauts pilastres, portant deux écus vierges, que l’on dirait cohérents avec l’ensemble originaire (armoiries 6-7). L’arcade serrée entre les pilastres latéraux se termine par une accolade, surmontée d’une crucifixion de qualité très modeste : l’ensemble a été certainement reconstruit au XIXe siècle, mais vraisemblablement en remployant des éléments de la structure originaire (notamment en ce qui concerne la partie terminale des pinacles latéraux). D’après les descriptions anciennes de l’église, le monument funéraire semblerait avoir été remonté dans cette position lors de la reconstruction de l’édifice. Auparavant, il aurait été placé dans la chapelle de la Vierge, construite sur « un coin de la face occidentale » («Répertoire archéologique» 1859-1861, p. 313), à savoir, de toute évidence, à l’emplacement de l’arcade en ogive visible sur le flanc méridional de l’édifice : en style flamboyant, elle présentait une voûte en ogive avec des nervures prismatiques et fenêtre ogivale à meneaux (ibid.), mais nous ignorons si elle présentait, comme il est probable, des éléments armoriés.
Un véritable foisonnement héraldique caractérise encore de nos jours le tombeau et le gisant qui, selon l’avis de J. Salvini, aurait été préservé de toute mutilation révolutionnaire grâce à l’obturation de l’enfeu par une cloison de briques (Salvini 1966, p. 478). Sur le fond de l’enfeu trois arcs aveugles, en accolade et avec le profil interne trilobé, encadrent chacun un écu en relief, portant encore des très légères traces de polychromie sur le fond, notamment d’azur. Cette couleur aurait pu toutefois remonter à une première restauration, assurée en 1841 par la Société des Antiquaires de l’Ouest , qui avait d’abord espéré pouvoir l’acquérir pour son musée ( « Décisions du conseil d’administration », 1841-1843, p. 160 ; Dupuis 1841, p. 22). En effet, dans l’armoirie représentée sur le fond de l’enfeu (armoiries 8a-c) – composée d’un lion rampant accompagné par trois rocs en chef – on reconnaît l’enseigne des Aux, famille originaire de Condom (Guyenne) qui avait donné deux évêques à Poitiers, dont la branche des Aubus ou de la Blaochardière portait d’argent à un lion de gueules, au chef d’azur chargé de trois rocs (ou roquettes) d’échiquier d’or (Beauchet-Filleau 1891, I, p. 190).
Tombeau de Pierre (?) d’Aux, détail de l’enfeu et du gisant. Senillé, église Saint-André, bas-côté sud.
Le mêmes armoiries sont reproduites plusieurs fois sur le gisant. Allongé sur la châsse funéraire et désormais mutilé de la partie inférieure des jambes, il était à l’origine veillé par deux anges placés à deux cotés de l’oreiller, dont on a perdu les bustes. Les armes d’Aux sont reproduites en relief, six fois, sur le surcot qui couvre la cotte de mailles protégeant le buste du défunt (armoirie 8d) : deux sur la poitrine, deux sur la partie inférieure de la veste, deux sur les manches (Salvini 1966, p. 478, probablement en se trompant, parlait même d’un écu armorié tenu par le défunt). A défaut d’autres documents, le chevalier en armure a été jusqu’à présent identifié (ibid., p. 478) soit avec Pierre d’Aux – hommes d’armes et capitaine d’armé, qui fit établir son testament en 1480 –, soit avec Jean d’Aux – fils de Pierre, échanson de Louis XI, mort avant 1516 –, soit avec un autre Pierre d’Aux – lui aussi fils du premier Pierre, chevalier et capitaine au service de la Trimouille qui fit établir son testament vers 1504 et mourut dans les Guerres d’Italie –, soit, encore, avec René d’Aux (Dupuis 1841, p. 22 ; Longuemar 1859-1861, p. 313) – seigneur de Bournoyé et de la Milletterie, qui servit dans sa jeunesse dans les compagnies d’ordonnances et qui était encore vivant en 1556 (Beauchet-Filleau 1891, I, p. 191-192).
Une datation du gisant plus proche au troisième quart du XVe siècle semblerait plus probable, surtout en raison des caractères de l’armement : les cuissards formés par des pièces articulées au-dessus de la genouillère, la pansière composée par des plaques autonomes à laquelle sont attachées deux grandes tassettes ondulées pour protéger les cuisses et des plus petites à coté. Par conséquent, il pourrait s’agir de Pierre d’Aux qui, dans son testament de 1480, recommanda d’être enterré avec tous les « obsèques comme il était d’usage pour les gens de son état » (ibid., p. 191). En outre, le gisant porte un collier qu’il n’est pas rare de retrouver, à la même époque, dans des contextes funéraires semblables. S’il ne dénote pas véritablement l’affiliation à un ordre, ce collier semble représenter une enseigne de chevalerie donnée par le roi et Pierre d’Aux avait été plutôt proche de Louis XI, car il fut maître d’hôtel et capitaine d’armée, ce qui pourrait justifier un don de ce type.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Senillé, église Saint-André, https://armma.saprat.fr/monument/eglise-saint-andre-senille/, consulté
le 02/04/2025.
Bibliographie sources
Poitiers, AD Vienne, Cadastre napoléonien 4p 5656 B/1.
Bibliographie études
« Décisions du conseil d’administration », Bulletins de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1841-1843, p. 159-160.
A. Longuemar, «Répertoire archéologique du département de la Vienne. Arrondissement de Poitiers (ville et cantons nord et sud de Poitiers)», Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 1, 9, 1859-1861, p. 219-573.
H. Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 1, Poitiers 1891.
J. Salvini, « Iconographie des sépultures au Moyen Age dans le département de la Vienne », Bulletins de la Société des Antiquaires de l’Ouest, s. 4, 8, 1966, p. 461-481.
Le patrimoine des communes de la Vienne, Paris 2002.