D’origine romane, l’église de Beaumont est en bonne partie le résultat d’un important chantier d’élargissement et de réaménagement qui fut réalisé dans la seconde moitié du XVe siècle (Blomme 1993, p. 34) et qui intéressa notamment les couvertures de la nef et la construction du collatéral sud. La datation de ces travaux et les noms des commanditaires de cette opération sont révélés par le récit d’une enquête menée en 1520-1521. Les personnes interrogées dans cette occasion déclarèrent que l’œuvre avait été réalisée une soixantaine d’années auparavant par Pierre de Combarel – neveu d’Hugues, évêque de Poitiers, et seigneur de la Motte-de-Beaumont et de Rouhet (Beauchet-Filleau 1895, p. 580) – et par sa première femme Huguette de l’Isle-Jourdain (Crozet 1942, p. 142-144). L’opération fut donc menée à terme avant 1460 quand, après la mort d’Huguette, Pierre se remaria en secondes noces avec Françoise Cotet (ou Cothet) (Beauchet-Filleau 1895, p. 580).
Beaumont, église Notre-Dame, voûtes armoriées du collatéral sud.
Le chantier intéressa en un premier temps le collatéral, où le couple fit établir une chapelle dédiée à Notre-Dame-de-Recouvrance. Formée de quatre travées, elle flanqua la nef pour toute sa longueur, dans le but aussi d’améliorer les conditions du culte dans l’édifice (« pour eslargir ladite église pour l’aise des parroissiens »). Sur l’autel de la chapelle fut ensuite installée une peinture, aujourd’hui perdue, qui représentait l’Annonciation. Dans cette phase des arcades furent ouvertes sur le flanc sud de la nef, qui fut ainsi mise en communication avec le nouveau bas-côté (« on fit rompre l’ancienne muraille de ladite église pour faire lesdits arceaulx »), tandis que les fenêtres de la claire-voie furent bouchées (Crozet 1964, p. 409-414). Une fois terminés ces travaux, Pierre de Combarel convoqua les paroissiens afin de les informer de son intention d’élargir les travaux à la nef, qui fut ainsi couverte par « troys voultes », peut-être avec une participation de la collectivité aux dépenses (Crozet 1942, p. 142-144).
« En sygne de recognoissance » pour les travaux effectués, nous informe le document, les armes de Pierre de Combarel furent apposées tant sur les piliers que sur les clefs des voûtes d’ogive qu’il avait fait construire (ibid., p. 144). Son armoirie se trouve ainsi reproduite une bonne quinzaine de fois dans tout l’édifice : sur les piliers de la nef, sur les clefs de voûtes de la nef et de la chapelle latérale, sur les quatre culs-de-lampe qui soutenait la voûte d’ogive réalisée en contrebas de la tour du clocher, donc à la croisé du transept et au-dessus de l’autel majeur (« quatre ozives qui soustiennent la voulte dudit clocher » : ibid.).
Ange tenant un écu aux armes de Pierre de Combarel. Beaumont, église Notre-Dame, collatéral sud.
Nous apprenons ainsi que Pierre de Combarel combine d’une manière assez curieuse les armes familiales avec celles de son épouse. Ces sont justement les armes de cette dernière (d’argent semé de fleurs de lys de gueules : Beauchet-Filleau 1965, p. 157), considérée de toute évidence comme plus nobles, à remplir le fond de l’écu dans lequel les armoiries des Combarel sont insérées en abîme. D’ailleurs, même après la mort d’Huguette, le seigneur de Beaumoint continua d’utiliser un sceau chargé d’un écusson aux armes pleines de sa femme, soutenu par deux griffons et timbré d’un cimier à une tête de cheval (Eygun 1938, p. 198, n. 262, an 1478) : une composition que nous retrouvons à l’identique dans deux reliefs encastrés dans la nef de l’église, l’un sur la paroi sud de la première croisée (armoirie 1b), l’autre sur celle nord de la croisée du transept (armoirie 1d). L’emplacement atypique de ces deux ensembles laisserait penser qu’ils ont été remployés d’une autre partie de l’édifice, tels que le chœur ou la chapelle Saint-Mathurin, située prés de la chaire à prêcher (« chere »), dans laquelle les armes des seigneurs de Rouhet apparaissaient « en tymbre » (Crozet 1942, p. 144).
Sculptées en bas relief (« en pierre et en bosse esleveés » et « en pierre de taille enlevées et en bosse » elles sont définies dans l’acte de 1520-21 : ibid.) et surement peintes à l’origine, les armes Combarel-L’Isle-Jourdain sont toutes tenues par des anges, à quelques exceptions près (les clefs de voûte du collatéral sud) (armoiries 1g, 5c-d, 10). Dans le bas côté, partie consacrée à la sépulture des deux bienfaiteurs, l’armoirie que l’on vient d’identifier s’alterne à un écu parti qui associe un mi-parti Combarel-L’Isle-Jourdain à une armoirie avec trois aigles éployées (armories 5b-d). Il s’agit sans doute de l’armoirie d’Huguette, qui associait les armes de son mari à celle de sa famille natale, à trois aigles éployées (Beauchet-Filleau 1965, p. 157) : un sceau attribué aux Isle-Jourdain, mais non daté, présente en effet un écu parti qui présente, à senestre, trois aiglettes (attribuées aux Faugères par Eygun 1938, p. 145, n. 857). Il est possible qu’une partie des armoiries bûchées dans cette partie de l’église portaient également les armes d’Huguette de l’Isle-Jourdain qui aurait donc été représentée de la même manière que son mari (puisque son armoirie n’apparaît pas dans la nef, il en faudra probablement déduire qu’elle était déjà morte quand le chantier atteint cette partie de l’édifice).
Ange tenant un écu aux armes de Huguette de l’Isle-Jourdain. Beaumont, église Notre-Dame, collatéral sud.
Le décor héraldique de l’église était complété par une litre funéraire (armoiries 1h, 11), qui courrait à l’intérieur et à l’extérieur de l’église (Lalande 1859 t. I, p. 348, 418). Elle était ornée avec les armoiries du chapitre de Notre-Dame-la-Grande de Poitiers – qui était seigneur haut justicier du bourg et d’une partie de la paroisse (Rédet 1881, p. 26) – et des seigneurs de la Tour de Beaumont et de Rouhet. Les armes de ces dernières étaient réalisées « de pappier palstrez » (Crozet 1942, p. 144) : il s’agissait donc de figures tridimensionnelles qui nous rappellent la pratique d’accrocher aux murs des boucliers armoriés réels à d’occasions spécifiques (administration de la justice, funérailles etc.). Documentée dans l’enquête de 1522, la litre pourrait être identifiée avec la « listre noyre » faite faire par le même Pierre de Combarel, selon les récits des témoins interrogés en 1520-1521, à l’occasion de l’enterrement de sa première femme, « inhumée devant la chappelle Notre-Dame de Recouvrance » (Crozet 1942, p. 144). Cette litre funéraire, peut-être renouvelée à la mort de Pierre de Combarel, fut d’ailleurs la cause du litige entre les seigneurs de Beaumont et le chapitre de Notre-Dame-la-Grande, évidemment intéressé à connaître les droits des ces premiers à l’exposition d’armoiries (Crozet 1964, p. 409-414).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Beaumont, église Notre-Dame, https://armma.saprat.fr/monument/beaumont-eglise-notre-dame/, consulté
le 17/05/2025.
Bibliographie études
Beauchet-Filleau Henri, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 2, Poitiers 1895.
Beauchet-Filleau Henri, Paul et Joseph, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, Fontenay-le-Comte 1965.
Blomme Yves, Poitou gothique, Paris 1993.
Crozet René, Textes et documents relatifs à l’histoire des arts en Poitou (Moyen âge – Début de la Renaissance), Poitiers 1942.
Crozet René, « L’église et la tour de Beaumont », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1964, s. 4, 7, 2, 1964, p. 409-416.
Eygun François, Sigillographie du Poitou jusqu’en 1515, Poitiers 1938.
Rédet Louis, Dictionnaire topographique du département de la Vienne, Paris 1881.
D'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel).
Attribution : Armoirie bûchée ; Combarel Pierre de
(D'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel) ?).
Attribution : Armoirie bûchée ; Combarel Pierre de
Cimier : Une tête de… dans un vol de…
Lambrequin : de…
D'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel).
D'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel).
Attribution : Armoirie bûchée ; Combarel Pierre de
D'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel).
D'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel).
D'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel).
(D'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel) ?).
Attribution : Combarel Pierre de
Position : Extérieur ; Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Inconnue
Emplacement précis : Inconnu
Support armorié : Litre funéraire
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Parti : au 1 mi-parti d'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel) ; au 2, de… à trois aigles déployées de… ( ?).
Attribution : Armoirie bûchée ; L'Isle Jourdain, Huguette de
Parti : au 1 mi-parti d'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel) ; au 2, de… à trois aigles déployées de… ( ?).
Mi-parti : au 1 d'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel) ; au 2, de… à trois aigles déployées de… ( ?).
Attribution : Armoirie bûchée ; L'Isle Jourdain, Huguette de
Mi-parti : au 1 d'(argent), semé de fleurs de lys de (gueules) au franc canton du (même) (L’Isle-Jourdain), sur le tout parti, au 1 d'(azur) à trois coquilles d'(or) posées en pal, au 2 mi-parti de (gueules) à une molette d'(argent) (Combarel) ; au 2, de… à trois aigles déployées de… ( ?).
Attribution : Armoirie bûchée ; L'Isle Jourdain, Huguette de