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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Amboise, château (tour Heurtault)

 

Le château d’Amboise est ceinturé d’une enceinte percée de deux entrées monumentales : la tour des Minimes au nord et la tour Heurtault au sud. Ces deux ouvrages, inspirés des grandes tours cylindriques des forteresses contemporaines comme Nantes, Chaumont ou Langeais, conservent une vocation militaire, en témoignent les embrasures de tir réparties sur toute leur hauteur (Babelon 2004, p. 68). Toutefois, leur fonction principale dépasse la simple défense : elles offrent avant tout un accès majestueux au château, servant ainsi à la mise en scène du pouvoir royal. La tour Heurtault est entreprise peu après la tour des Minimes, afin de desservir le logis des Sept Vertus tout en ouvrant un accès direct depuis le centre-ville. Sa construction, débutée en 1497, demeure inachevée à la mort de Charles VIII en 1498 et est reprise et terminée sous Louis XII en 1501-1503 (ibid., p. 75).

La porte présente une composition similaire à celle des Minimes, mais enrichie de diverses devises. Sur la face extérieure est sculpté un panneau héraldique, rectangulaire et non carré cette fois, qui semble imiter une tenture héraldique. Il comporte deux écus bûchés : celui de gauche était jadis entouré par le collier de l’ordre de Saint-Michel (armoirie 1e), dont on devine encore quelques traces, tandis que celui de droite est encore entouré par le collier de l’ordre du Croissant (armoirie 2b). Attribuées soit exclusivement à Charles VIII, soit conjointement à Charles VIII et Anne de Bretagne (Bossebœuf 1897, p. 219, Babelon 2004, p. 75, Gaugain 2022, p. 217), les deux armoiries sont mentionnées dans le procès-verbal d’état des lieux du château rédigé en 1761. Le document affirme qu’au milieu du « cadre en pierre de taille […] sont deux écussons sculptés aux armes de France entourées de cordons et coquillages, accompagnés d’épées flamboyantes » (Tours, AD Indre-et-Loire, C 950, fol.°11r : Gaugain 2022, p. 210). Comme dans le cas du relief de la porte des Minimes, la présence des deux colliers d’ordre permet en revanche de préciser que l’écusson à dextre portait les armes de France et celui à senestre les armes écartelées d’Anjou-Sicile, que Charles VIII adopte en lien avec ses prétentions sur le Royaume de Naples.

Amboise, château d’Amboise (tour Heurtault), détail du panneau emblématisé du portail inferieur.

Les deux écus étaient entourés d’épées palmées, devise de Charles VIII, dont on distingue encore aujourd’hui la présence. Elles sont au nombre de six dans la partie supérieure et de six dans la partie inférieure, disposées en alternance. Négligées par certains chercheurs et même oubliées dans le relevé du panneau héraldique publié par Louis Bosseboeuf (1897, p. 139), ces épées jouent un rôle central dans l’interprétation de ce décor, figurant parmi les devises adoptées par le roi avant son retour d’Italie. Leur première attestation remonte en effet au 12 mai 1495, jour de la chevauchée triomphale du roi dans la Naples conquise, comme en témoigne Sigismondo Cantelmo, orateur de la cour d’Este auprès du roi de France. Celui-ci décrit l’évènement en rappelant que « tout le clergé de la ville ouvrait la marche, suivi de 400 archers, dont une dizaine portaient cet emblème : un soleil, au milieu duquel se dessinait une croix blanche traversée par une épée nue entourée d’une palme, qui signifie justice et victoire » (Babelon 2004, p. 99). L’épée de justice s’associe ainsi aux palmes de la victoire, formant un motif emblématique durablement intégré au langage visuel du roi, que nous retrouvons aussi à l’intérieur du château, ainsi que sur le tombeau de Charles VIII à la basilique Saint-Denis, relevé par Gaignières (Oxford, Bodleian Library, Gough drawings Gaignières 2, fol. 48 : Collecta).

Ange tenant un écusson. Amboise, château d’Amboise (tour Heurtault).

À ces épées palmées s’ajoute une autre devise, figurant sur Le rebord du panneau héraldique est orné d’une succession de lettres, que Bossebœuf et Babelon identifient comme des C adossés, initiales de Charles VIII (Bossebœuf 1897, p. 219 ; Babelon 2004, p. 75). Il s’agit en réalité d’une succession de K, élément fréquemment associé aux épées palmées dans l’emblématique du roi de France. Cette lettre présente ici une forme inédite : aux lignes infléchies pour des raisons esthétiques, elle est composée de deux mors de cheval superposés – symbole de tempérance –, formant deux K adossés dont les points de rencontre dessinent la lettre O pour KarOlus (Hablot 2019, p. 269). Par ces composants héraldiques et emblématiques, le programme iconographique de la porte Heurtault s’inscrit donc dans une mise en scène du pouvoir royal visant à affirmer la légitimité de la prise de pouvoir de Charles VIII à Naples. Commandé sans doute après mai 1495, quand les épées palmées font leur apparition dans l’emblématique royale, le décor de la porte Heurtault, plus encore que celui de la porte des Minimes, offre l’image d’un roi triomphant.

Par ailleurs, il est probable que l’intérieur de la tour cavalière ait autrefois comporté d’autres éléments héraldiques, figurés notamment sur certains culots de la partie inférieure de la rampe hélicoïdale, où l’on distingue encore un ange qui semble avoir tenu un écu, dont il ne reste cependant plus aucune trace (armoirie 4). Ces éléments ont été cependant à tel point endommagés qu’il est aujourd’hui impossible de savoir quelles armoiries y étaient éventuellement figurées. Il ne faut pas oublier, en effet, que la tour Heurtault fait l’objet d’importants travaux aussi sous le règne de Louis XII, qui en achève le couronnement entre 1501 et 1503 (Babelon 2004, p. 75).

Amboise, château d’Amboise (tour Heurtault), portail supérieur.

Ce chantier marque un passage d’une ornementation architecturale encore à la forte empreinte médiévale vers un langage décoratif influencé par les modèles italiens, caractéristique de la première Renaissance française. Ces aménagements concernent notamment les voûtes, les mâchicoulis et le chemin de ronde, et sont « signés » par l’apposition du célèbre porc-épic, devise du roi. Nous le reconnaissons, très détérioré, sur la dernière clef de voûte de la rampe hélicoïdale de la tour et dans la galerie s’étendant au nord-est du jardin, jusqu’à l’extrémité de l’ancienne enceinte, où un petit pavillon abritait une porte dont le bas-relief, réapparu en 1832, représente un porc-épic inscrit dans un encadrement rappelant celui du portail supérieur de la tour Heurtault. Ouvrant sur le chemin de ronde, celui-ci présente une composition architecturale soignée. Au-dessus de l’arc de la porte se trouve un entablement orné d’une frise sculptée de rinceaux, encadrée par deux corniches. En son centre, on distingue les vestiges très mutilés d’un écu chanfrein, resté jusqu’ici inaperçu (armoirie 1f), qui portait jadis les armes de France, comme le précise le procès-verbal de 1761 en rappelant la présence à cet endroit d’« une grande porte ceintrée en pierre de taille, un fronton au-dessus aussy ceintré où sont les armes de France ornées de sculptures » (Tours, AD Indre-et-Loire, C 950, fol.°11r : Gaugain 2022, p. 210) .

Auteur : Sarah Héquette

Pour citer cet article

Sarah Héquette, Amboise, château (tour Heurtault), https://armma.saprat.fr/monument/amboise-chateau-tour-heurtault/, consulté le 31/03/2025.

 

Bibliographie études

Babelon Jean-Pierre, Le Château d’Amboise, Arles 2004.

Bossebœuf Louis, Amboise. Le château, la ville et le canton, Tours 1897.

Gaugain Lucie, « Le décor du château d’Amboise de Charles VIII à Anne de Bretagne : monogrammes, emblématique et symbolique », dans L. Hablot, M. Metelo de Seixas, M. Ferrari (dir.), Devises, lettres, chiffres et couleurs : un code emblématique, 1350-1550, Lisbonne 2022, p. 205-219.

Hablot Laurent, Manuel dhéraldique et demblématique médiévale, Tours 2019.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Amboise, château d’Amboise (tour Heurtault). Armoirie roi de France (armoirie 1e)

(D’azur à trois fleurs de lys d’or).

Collier d’ordre : ordre de saint Michel.

  • Attribution : Charles VIII roi ; Armoirie bûchée ; Roi de France
  • Devise : Des épées palmées.
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Tour
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Relief
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Amboise, château (tour Heurtault)

Amboise, château d’Amboise (tour Heurtault). Armoirie roi de France (armoirie 1f)

(D’azur à trois fleurs de lys d’or).

  • Attribution : Armoirie bûchée ; Roi de France
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Tour
  • Emplacement précis : Chemin de ronde ; Porte
  • Support armorié : Entablement
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1501-1525
  • Dans le monument : Amboise, château (tour Heurtault)

Amboise, château d’Amboise (tour Heurtault). Armoirie roi de France (armoirie 2b)

(Écartelé : aux 1 et 4, d’azur à trois fleurs de lys d’or au lambel de gueules [Anjou-Sicile] ; aux 2 et 3, d’argent à la croix potencée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même [Jérusalem]).

Collier d’ordre : ordre du Croissant.

  • Attribution : Charles VIII roi ; Armoirie bûchée ; Roi de France
  • Devise : Des épées palmées.
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Tour
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Relief
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Amboise, château (tour Heurtault)

Amboise, château d’Amboise (tour Heurtault). Armoirie bûchée ? (armoirie 4)

De…

  • Attribution : Armoirie bûchée
  • Tenants / Supports : Un ange
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Tour
  • Emplacement précis : Escalier/rampe ; Voûte
  • Support armorié : Cul-de-lampe (culot)
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Amboise, château (tour Heurtault)

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