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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Locronan, pièce erratique

 

À Locronan, le musée municipal Charles Daniélou conserve un bénitier en granite orné d’un écusson, récemment dégagé du muret d’enclos d’une parcelle dominant le bourg au haut de la rue Saint-Maurice, au sein des maçonneries duquel il était grossièrement inséré sur le flanc.

Émile Simon, La rue Saint-Maurice, Locronan, Musée municipal Charles Daniélou, © assoc. Les mémoires de Locronan

Autrefois axe principal de communication nord-sud vers Quimper au débouché de la place centrale et de l’église, la rue Saint-Maurice, anciennement rue « an goffuel » ou rue des Forgerons (Les mémoires de Locronan, Noms des rues), dut sa titulature au XIXe siècle à la présence d’une ancienne chapelle disparue dédiée au saint éponyme. Le cadastre de 1808 marque l’emplacement du monument, très modeste (AD Finistère, 3 P 135/1/1). Il était entouré d’un cimetière (Couffon, Le Bars 1988, p. 191) correspondant à la parcelle où eut lieu la redécouverte, à laquelle le souvenir a attaché le nom de « cimetière des moines » (Les mémoires de Locronan, Rue Saint-Maurice). Sur son emplacement subsistent deux intéressantes croix monumentales, qui pourraient remonter au XIe siècle (Castel 1980, p. 158-159 ; Castel 1988). Leur facture ancienne et la dénomination du cimetière sont peut-être les sources d’une tradition sans fondement associant l’établissement à une improbable implantation templière au XIIe siècle (Les mémoires de Locronan, Rue Saint-Maurice). Une proposition plus intéressante, mais peu étayée, crédite la fondation à Guillaume de Villeblanche, second prieur de l’église Saint-Ronan sous le duc Jean V, en mémoire de son passé cistercien et d’un lien supposé à saint Maurice de l’abbaye Saint-Maurice de Carnoët (Garrec 2012, p. 72). En l’absence d’élément tangible, on s’abstiendra de toute conclusion. Même si ce ne peut être affirmé avec certitude, il est vraisemblable que le bénitier provienne des matériaux de démolition de l’ancienne chapelle.

Locronan, bénitier dans son état de redécouverte, inséré dans un muret de la parcelle « cimetière des moines », cliché J.-M. Pré.

D’une exécution assez fruste, rien ne permet de le dater avec précision. On peut toutefois avancer une estimation fiable dans une fourchette large comprise entre la fin du XVe et la fin du XVIe siècle, intervalle le plus compatible avec la forme de l’écu. Celui-ci montre trois poissons posés en fasce l’un au-dessus de l’autre et contournés vers la senestre (armoirie 1), une inversion inhabituelle mais généralement non signifiante. L’identification de ces armoiries pose problème, aucune famille de Locronan ou des environs immédiats en ayant possédé de semblables. Il faut décliner l’identification suggérée par quelques érudits locaux au prieur Guillaume de Villeblanche, qui blasonnait en réalité d’une fasce accompagnée de trois hures de saumon (Potier de Courcy 1993, t. 2, p. 662), ainsi qu’il s’observe sur une clé de voûte de la sacristie de l’église priorale Saint-Ronan (Garrec 2012, p. 60-61). Sur les trois douzaines de maisons nobles ayant porté des armes chargées de poissons en Bretagne, sept ou huit les y ont disposés en fasce l’un au-dessus de l’autre, dont trois en Basse Cornouaille, sans que l’on puisse en préférer une en particulier.

Les Le Maesconval ou Le Mescoual étaient implantés en Lopérec, Pleyben et Brasparts à une trentaine de kilomètres au nord-est, les émaux de leurs armes sont inconnus (Torchet 2003, p. 219). Les Penaot, Pennault, Penneoc, Penneou, Penn-Eauc’h, outre l’incertitude de leur patronyme, divisent quant à leurs armoiries parlantes – eog ou eauch pour saumon en breton) – à trois saumons en fasce l’un sur l’autre (Le Borgne 1667, p. 226 ; Potier de Courcy 1993, t. 2, p. 364) ou trois têtes de saumon deux et une (Croix 2006, p. 362 ; de Rostrenen 1732, p. 847). Ils étaient originaires de Pleyben où leur armoiries subsistent en alliance dans plusieurs écussons de la chapelle de La Trinité.

Quimper, cathédrale Saint-Corentin, détail de la baie 25 montrant les armes des Le Gluydic.

Enfin, les armes généralement attribuées aux Le Gluydic en Ergué-Armel et Penhars près de Quimper, à une fasce chargée de trois trèfles accompagnée de trois molettes ou étoiles (Le Borgne 1667, p. 178 ; Torchet 2011, p. 110), appartiennent à la branche léonarde dont ils semblent descendre, et sont attestées sur un enfeu et une vitre au bas-côté nord de la nef de la cathédrale de Quimper (Daniel 2006, p. 212-213). Mais il semble qu’au tournant des années 1500 ils leur aient substitué de nouvelles armes parlantes à trois poissons ou saumons l’un sur l’autre – gluydic ou glizic signifiant en breton petit saumon – (Le Men 1877, p. 164-165), qui figurent aux meilleures places des mêmes enfeu et vitre, à noter que sur cette dernière, restaurée, les émaux ne sont pas assurés.

En définitive, sans que l’on puisse formellement attribuer les armoiries qui appartiennent à une branche de l’une des familles Le Maesconval, de Penaot ou Le Gluydic, ce bénitier armorié, d’un intérêt limité en lui-même, est représentatif des difficultés d’identification posées pour le XVIe siècle par l’héraldique des familles de petite noblesse n’ayant pas passé la Réformation de 1668-1672, dont la généalogie et les implantations sont très mal connues.

Auteurs : Jean-Marie Pré, Paul-François Broucke

Pour citer cet article

Jean-Marie Pré, Paul-François Broucke, Locronan, pièce erratique, https://armma.saprat.fr/monument/9156/, consulté le 21/11/2024.

 

Bibliographie sources

Quimper, AD Finistère, 3 P 135/1/1, Locronan. Cadastre napoléonien, section A du bourg, 1808, échelle au 1 / 2500e.

Bibliographie études

Association Les mémoires de Locronan, Noms des rues [en ligne], URL : http://www.memoires-locronan.fr/noms-des-rues (consulté le 20 janvier 2021).

Association Les mémoires de Locronan, Rue Saint-Maurice [en ligne], URL : http://www.memoires-locronan.fr/rue-saint-maurice-3 (consulté le 20 janvier 2021).

Castel, Yves-Pascal, Atlas des croix et calvaires du Finistère, Quimper 1980.

Castel, Yves-Pascal, « Locronan et les anciennes croix du quartier Saint-Maurice », article dans le quotiden Le Progrès de Cornouaille, Quimper 1988.

Couffon, René, Le Bars, Alfred, Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper 1988 (rééd.).

Croix, Alain (dir.), La Bretagne d’après l’Itinéraire de monsieur Dubuisson-Aubenay, Rennes 2006.

Daniel, Tanguy (dir.), Les vitraux de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper, Quimper 2005.

Garrec, RogerLocronan, Histoire et tradition, 2012 (rééd.).

Le Borgne, GuyArmorial breton, Rennes 1667.

Le Men, René-FrançoisMonographie de la cathédrale de Quimper, Quimper 1877.

Potier de Courcy, Pol, Nobiliaire et armorial de Bretagne, Mayenne 1993 (rééd.).

De Rostrenen, Grégoire (Dom.), Dictionnaire françois-celtique ou françois-breton, Rennes 1732.

Torchet, Hervé, Réformation des fouages de 1426. Diocèse ou évêché de Cornouaille, Paris 2001.

Torchet, Hervé, Montre générale de 1481. Cornouaille, Paris 2011.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Locronan, pièce erratique. Armoirie Le Maesconval, alias de Penaot, alias Le Gluydic (armoirie 1)

D’… à trois poissons contournés posés en fasce l’un au-dessus de l’autre de… .

  • Attribution : Le Maesconval, Le Mescoual famille ; Penaot, Pennault, Penn-Eauc'h famille de ; Le Gluydic famille
  • Position : Inconnue
  • Étage : Inconnu
  • Pièce / Partie de l'édifice : Inconnue
  • Emplacement précis : Inconnu
  • Support armorié : Bénitier
  • Structure actuelle de conservation : Locronan, musée municipal Charles Daniélou
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1476-1500 ; 1501-1525 ; 1526-1550 ; 1551-1600
  • Dans le monument : Locronan, pièce erratique

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