L’église Sainte-Marie-Madeleine de Domont a été érigée à partir du milieu du XIIe siècle, dans un territoire qui avait anciennement appartenu à la famille Le Bel avant de passer, au courant du XIIIe siècle, à celle des Villiers. Cette famille semble avoir élargi des donations au prieuré déjà dans les années 1148-1185 et il n’est pas exclu qu’elle ait pu contribuer directement à la construction de la nouvelle église (Plagnieux 1992, p. 209-210). Le chœur, avec déambulatoire, et le transept appartiennent à la première phase de construction de l’édifice, caractérisée par l’adoption d’un langage architectural emprunté à l’art roman. L’édifice fut complété entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe d’une nef, qui comptait à l’origine probablement six travées, flanquée de deux bas-côtés (ibid.).Le chevet se termine dans une chapelle d’axe rectangulaire : initialement consacrée à saint Jean, elle a été dédiée à la Vierge en 1642. Les travaux d’aménagement réalisés au cours du XVIe et du XVIIe siècle affaiblirent la structure de l’édifice qui, à la fin du XVIIIe siècle, nécessitait des réparations urgentes. Malgré cela, les premières travées de la nef s’effondrèrent en 1779 et le clocher, qui menaçait ruine, fut à son tour démonté dans les années suivantes (ibid.). Échappée à la destruction pendant la Révolution, partiellement réparée au milieu du XIXe siècle (ibid.), l’église a été classée Monument historique en 1913 (base Mérimée) et finalement restaurée dans les années 2002-2005.
Plate tombe de Jean de Villiers. Domont, église Sainte-Marie-Madeleine (wikipedia).
Aux XVIIIe-XIXe siècles, les érudits signalent que l’église conservait plusieurs plates tombes aux effigies et aux armes de différents membres de la famille des Villiers-de l’Isle-Adam qui, au XIVe siècle, avaient élu sépulture dans la chapelle d’axe (qui devait donc être sans doute ornée des armes, peintes ou sculptées, de la famille). Au milieu du XVIIIe siècle, Jean Lebeuf affirme que trois de ces tombes étaient encore visibles à cet endroit, placées l’une à côté de l’autre (Lebeuf 1755, p. 248 et s.). Sur les trois dalles étaient gravées les portraits en armure des défunts, accompagnés d’écus à leurs armes (armoiries 1-3). Une inscription en lettres gothiques donnait le nom du défunt et sa date de mort. La première plate tombe appartenait, d’après Lebeuf, à Ancel de Villiers, « chevalier d’Esenville » (XIVe siècle) : le portrait du cavalier était complété par un bouclier à ses armes (armoirie 1). La deuxième couvrait la sépulture de Jean de Villiers, mort en 1360 d’après Guilhermy (1875, p. 413), qui la vit remployée dans la plate-forme du maître autel de l’église du côté de l’évangile (ibid., p. 412). Dans cette plate tombe, la seule des trois qui a été conservée de nos jours, le cavalier, vêtu de son armure, porte une épée sur laquelle est appuyé un bouclier aux armes de la famille (armoirie 2a), alors que deux écussons de plus petite taille sont gravés des deux côtés du visage du défunt (armoirie 2b-c). A la fin du XIXe siècle, la plate-forme du maître autel était complétée, sur le côté de l’épître, par une autre plate tombe qui versait toutefois dans un état de conservation déjà non optimale (Guilhermy 1875, p. 410). Le défunt, toujours représenté en armure et avec un écu aux armes de la famille (armoirie 3), était accompagné d’une inscription qui en donnait le nom : « Jehan de Villiers chevalier seigneur de Ysenville ». D’après Guilhermy (ibid.), cette dalle correspondrait à la troisième décrite dans la chapelle d’axe par Jean Lebeuf (1755, p. 248), qui transcrivait la date de décès du personnage (dont il ne donnait pourtant pas le nom) : le 14 mai 1369.
Plate tombe de Arthur de Champluisant. Domont, église Sainte-Marie-Madeleine (wikipedia).
Lebeuf et Guilhermy signalent trois autres tombes de la famille de Villiers portant des armoiries. La première se trouvait dans le chœur (Lebeuf 1755, p. 249). Elle appartenait à Pierre de Villiers, mari d’une Aliénor également enterrée dans l’église, et aurait datée du XIIIe siècle. Le défunt y était figuré « avec un bouclier qui le couvr(ait) presque entièrement » aux armes de Villiers (ibid.) (armoirie 4). Au XIXe siècle, des morceaux de cette tombe, tout comme de celle d’Aliénor et celles d’autres membres de la famille de Villiers, étaient remployés « en carreaux de dallage ou en marches d’autel » (Guilhermy 1875, p. 414-415). La deuxième, à l’origine placée dans le « collatéral du sanctuaire » (Lebeuf 1755, p. 248) figurait trois personnages, chacun accompagné d’une épitaphe : Jeanne de Beauvais († 1364), femme de Pierre I de Villiers de l’Isle-Adam († 1386), était représentée au milieu, en compagnie de ses deux fils Jean, mort sur le champ de bataille en 1375, et Laurent, mort la même année. Dans la dalle, déjà fragmentaire à l’époque où Guilhermy la décrit (1875, p. 413-414), seule la cotte d’armes de Jean était ornée aux armoiries de la famille (armoirie 5). Une troisième plate tombe, bien plus tardive, appartenait en revanche à Arthus de Champluisant († 1550), seigneur de Magnynes et de Recourt : conservée encore de nos jours, elle était autrefois placée dans le croisillon sud du transept (Lebeuf 1755, p. 249 ; Guilhermy 1875, p. 416-417). Le défunt est encadré par une architecture Renaissance : des écus à ses armes (un écartelé Champluisant-Villiers qui rappelait ses liens de parentèle avec les Villiers) sont accrochés aux plinthes qui soutiennent les deux plieurs de l’arcade (armoiries 6a-b) et dans les écoinçons supérieurs (armoiries 6c-d). Les mêmes armes figurent sur la cotte d’armes du défunt (armoirie 6e).
D’autres plates tombes sont signalées par la littérature érudite dans l’église Sainte-Marie-Madeleine de Domont, dont quelques-unes encore conservées. Il s’agit notamment des tombeaux d’autres membres de la famille Champluisant, qui dut donc hériter le droit de sépulture dans l’édifice. Puisqu’elles datent à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, nous ne les prendrons pas en compte dans cet inventaire. Nous citerons en revanche une dalle qui avait servi de sépulture au XIIIe siècle à un religieux, tel « frater Ricardus de Sancto Bricio », et qui fut réutilisée, un siècle plus tard, pour sceller la sépulture du frère Arnaud, prieur de Domont, et, d’une dame († 1364), probablement sa sœur, qui avait été mariée avec Bernard de Cantemelle. Dans l’écoinçon compris entre les deux arcades polylobées qui encadrent les portraits des deux personnages, est gravée la main divine descendant des cieux (peut-être sculptée à l’occasion de la première sépulture : Guilhermy 1875, p. 407-408) qui, dans la deuxième version, semble tenir par sa guige un écu aux armes des défunts : un chevron accompagné par trois éléments désormais illisible et, probablement, d’un lambel en chef (armoirie 7). Cet expédient représente bien l’ascension des défunts vers le Paradis, qui leur a été accordée directement par Dieu.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Domont, église Sainte-Marie-Madeleine, https://armma.saprat.fr/monument/domont-eglise-sainte-marie-madeleine/, consulté
le 03/12/2024.
Bibliographie études
Guilhermy, Ferdinand de, Inscription de la France du Ve au XVIIIe, t. 2. Ancien diocèse de Paris, Paris 1875.
Lebeuf, Jean, Histoire du diocèse de Paris, t. 4, Paris 1755.
Plagnieux, Philippe, « Les arcs-boutants du XIIe siècle de l’église de Domont », Bulletin Monumental, 150, 3, 1992, p. 209-222.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Domont, église Sainte-Marie-Madeleine. Armoirie Ancel de Villiers (armoirie 1)
(D’or, au chef d’azur, chargé d’un dextrochère, revêtu d’un manipule d’hermines, brochant sur le tout).
Attribution : Villiers Ancel de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle d'axe
Emplacement précis : Sol
Support armorié : Plate-tombe
Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
Technique : Image gravée
Période : 1301-1325 ; 1326-1350 ; 1351-1375 ; 1376-1400
Domont, église Sainte-Marie-Madeleine. Armoirie Arthur de Champluisant (armoiries 6a-e)
Ecartélé : au 1 et 4 d'(argent ?) à la croix de (sable ?) chargée de cinq molettes d'(argent ?) (Champluisant) ; au 2 et 3 d’(or), au chef d’(azur), chargé d’un dextrochère, revêtu d’un manipule d’hermines, brochant sur le tout (Villiers), à un écusson de… à la fasce de… en abîme.
Attribution : Champluisant Arthur de
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Transept (bras sud)
Emplacement précis : Sol
Support armorié : Plate-tombe
Structure actuelle de conservation : Déplacée dans le même monument