Située dans la partie septentrionale de l’îlot qui sera plus tard occupé en bonne partie par la Sorbonne (Verniquet, Gomboust, Delagrive 1874), l’église Saint-Benoît fut construite au XIIe siècle sur un édifice de culte plus ancien. Celui-ci, mentionné par un acte de 1030, avait peut-être été fondé à l’époque mérovingienne (Raunié 1890, p. 341-342). L’église romane fut partiellement refaite au milieu du XIVe siècle : à cette occasion le maître autel, placé à l’ouest (ce qui lui avait valu le nom de « li restourné »), fut transporté dans la nef de l’église qui fut donc finalement orientée plus correctement vers l’est (l’église prit ainsi le nom de « Sainct-Benoist le bien tourné »). Des travaux d’envergure furent réalisés sous François Ier, notamment pour agrandir la nef jugée insuffisante : une deuxième nef, dite de la paroisse, fut alors érigée accolée au collatéral sud et six chapelles furent ouvertes sur son côté (les trois bâties sur le côté nord donnaient en revanche sur un collatéral très étroit érigé dans la continuation du déambulatoire du chœur). Le chœur, qui avait été déjà fermé par des murs, fut enfin réaménagé en 1678 sous la direction de l’architecte Jean Bessuire (ibid., p. 345). A l’extérieur, sur le côté nord, les bâtiments nécessaires à la vie en communauté des chanoines, étaient organisés comme d’habitude autour d’un cloître, tandis qu’un charnier avait été construit à sud de l’église. Fermée une première fois au culte en 1790 et vendue définitivement en 1812, l’église Saint-Benoît fut d’abord transformée provisoirement en théâtre en 1832 (le théâtre du Panthéon), puis rasée en 1854 à l’occasion du percement de la rue des Ecoles (ibid., p. 348).
L’église Saint-Benoit à Paris, dans Millin, Antiquités nationales, t. 3.
Des rares vestiges matériels de l’ancien édifice de culte ont tout de même survécu à la démolition : des sculptures et des monuments funéraires « plus ou moins mutilés » avaient en effet été sauvegardés et déposés au musée de Cluny (Guilhermy 1873, p. 102). C’est le cas du portail, remonté en 1854 dans le jardin de l’Hôtel de Cluny, et de quelques fragments sculptés, provenant du charnier de l’église, conservés encore de nos jours dans les récoltes d’art municipales. Ces fragments, tout comme des témoignages iconographiques et textuels datant d’avant la destruction de l’édifice permettent de se faire une idée assez précise de sa structure et de son décor, dans lequel les éléments héraldiques ne faisaient pas défaut.
A l’extérieur, le grand portail de la façade occidentale était orné des statues de la Vierge (sur le trumeau) et des saint Benoît et sainte Scolastique (dans les niches latérales) et encadré par deux hauts pinacles, s’élançant jusqu’au niveau de la rosace. Ceux-ci reposaient sur des consoles sculptées, ornées d’anges tenant des écussons qui, dans les relevés réalisés dans la première moitié du XIXe siècle (voir notamment la planche de Louis Courtin au Musée Carnavalet), ne portaient hélas plus de trace des armoiries qui y étaient sans doute sculptées ou peintes (armoiries 1-2) (Lenoir 1867, t. 1, p. 123 ; Bos 2003, p. 141). Par la forme des écus, en chanfrein, ces éléments devaient appartenir au chantier réalisé sous François Ier. Des salamandres, devise du roi, étaient d’ailleurs représentées dans les gargouilles ornant cette partie de l’édifice (Millin 1791, p. 18 ; Troche 1848, p. 278).
Louis Courtin. Vue intérieure de l’église Saint-Benoit-le-Bétourné – la chapelle Saint-Pierre ou de la Tournelle, 1832. Paris, musée Carnavalet, inv. P 2533.
Ls clefs de voûte de la nef principale, qui devaient elles aussi dater de la reconstruction réalisée dans la première moitié du XVIe siècle, étaient ornés d’écussons « avec fleurons ou supports » (Troche 1848, p. 277), qui ne portaient toutefois plus aucune trace d’armoiries déjà au milieu du XIXe siècle, ayant été grattés à la Révolution (ibid.) (armoiries 3a- ?). Des écus armoriés ornaient vraisemblablement aussi les voûtes de la nef construite dans la première moitié du XVIe siècle. Un tableau de Louis Courtin, peint en 1832, montre une vue de l’intérieur de l’église : en premier plan, la première travée de la nef « de la paroisse » présente un écu, placé sur une corbeille végétale et présentant le chef orienté vers l’est (armoirie 4).
Louis Boudan, Plate tombe de Thomas et de Marguerite de la Marche dans l’église Saint-Benoit à Paris (Collecta).
De nombreuses dalles funéraires et épitaphes émaillaient le sol et les murs de l’église. Même, si seulement un fragment de la plate tombe de Robert de Chouzay a été préservé (Paris, Musée de Cluny, inv. Cl. 18818 ; Raunié 1890, p. 366), les descriptions d’érudits et les dessins de la collection de François Roger de Gaignières documentent d’autres tombeaux perdus. Parmi ceux-ci, quelques-uns d’époque médiévale présentaient des éléments héraldiques. La plate tombe de François Boucher († 1517), conseiller au Parlement, était située dans le déambulatoire et plus précisément devant l’entrée de la chapelle d’axe, dédiée à la Vierge (Oxford, Bodl. Library, Gough drawings Gaignières 4, f. 36 : Collecta) : les armoiries du défunt figuraient aux pieds de son portrait, gravées à la base des pilastres qui l’encadraient de part et d’autre (Raunié 1890, p. 352) (armoiries 5a-b). Dans la nef, près de l’avant dernier pilier sur le côté nord, se trouvait en revanche la plate tombe de Thomas et de Marguerite de la Marche (Oxford, Bodl. Library, Gough drawings Gaignières 4, f. 35 : Collecta) (morts respectivement en 1440 et en 1472). Le couple était présenté en compagnie de leur onze enfants (six fils et cinq filles), représentés à leurs pieds à plus petite échelle. Les arcades qui encadraient les portraits des deux défunts culminaient dans des niches portant la représentation du sein d’Abraham, image du Paradis qui attend les âmes des élus. A côté de ces deux « statuettes » étaient gravées les armes du mari, à dextre , et de la femme, à senestre, reproduites sur des écus soutenus par un ange (Raunié 1890, p. 359) (armoiries 6-7).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, Saint-Benoît-le-Bétourné (église), https://armma.saprat.fr/monument/paris-saint-benoit-le-betourne/, consulté
le 03/12/2024.
Bibliographie sources
Verniquet, Edme, Gomboust, Jacques, Delagrive Jean, Le vieux Paris. Plan topographique de la montagne Ste-Geneviève à Paris du XVIe au XIXe siècle, Paris 1874.
Bibliographie études
Bos, Agnès, Les églises flamboyantes de Paris, XVe-XVIe siècles, Paris 2003.
Guilhermy, Ferdinand de, Inscription de la France du Ve au XVIIIe, t. 1. Ancien diocèse de Paris, Paris 1873.
Lenoir, Albert, Statistique monumentale de Paris, t. 1. Explication des planches, Paris 1867.
Millin, Aubin-Louis, Antiquités nationales ou recueil de monuments pour servir à l’histoire générale et particulière de l’empire françois, t. 3, Paris 1791.
Raunié, Emile, Épitaphier du vieux Paris, t. 1, Paris 1890.
Troche, Nicolas-Michel, « Notice historique sur l’ancienne église collégiale et paroissiale de Saint-Benoît », Revue archéologique, 4, 2, 1848, p. 276-282