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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Paris, chapelle Saint-Yves

 

Construite dans le quartier des Ecoles, entre la rue Saint-Jacques et l’ancienne rue des Noyers, la chapelle Saint-Yves fut fondée en 1348, à une seule année de distance de la canonisation par Clément VI d’Yves Hélory, le bienheureux breton, avocat des pauvres qui avait fait à Paris ses études de droits (Debary 2004). Au sein d’une stratégie de renforcement de la royauté, les rois de France assurèrent leur protection à la chapelle et à la confrérie qui l’officiait, contribuant à la construction, à la dotation et à l’ornementation de l’édifice. Si Jean le Bon avait posé, le 30 mai 1352, la première pierre de la chapelle, Charles VI offrit un vitrail dans lequel il était représenté avec la famille royale au complet : d’un côté le roi et son fils, le futur Charles VII, étaient présentés à Jésus-Christ par saint Yves ; de l’autre, Isabeau de Bavière, son épouse, était présentée, en compagnie de ses trois filles, à la Vierge par sainte Clotilde (L’Œuvre 1695, p. 265-268, cité par Debary 2004). L’église, encore inachevée, fut consacrée le 29 septembre 1357 par Jean, évêque de Tréguier (Verlet 1999, p. 404).

Paris, chapelle Saint-Yves, détail du portail (Millin 1792, pl. 5: © INHA).

Mesurant environ 10-12 mètres de largeur et 38 mètres de longueur (Verlet 1999, p. 405), la chapelle, qui versait en mauvais état déjà au milieu du XVIIIe siècle (Grimault 1928, p. 102), fut démolie en 1796. Ses pièces furent en partie récupérées pour la construction des bâtiments environnants. Sur l’emplacement de l’ancienne chapelle fut ainsi construite une maison, qui fut toutefois détruite en 1855 lors de l’ouverture du boulevard Saint-Germain (Grimault 1928, p. 96, 98).

Si aucun vestige de la chapelle Saint-Yves n’est plus visible, des relevés réalisés entre la fin du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe, permettent de se faire encore une idée de sa structure et de son ornementation. Les relevés de Gaignières et de Millin donnent notamment une image de la façade de l’église, sans doute construite entre 1406 et 1415 dans le cadre des travaux qui complétèrent le chantier lancé un demi-siècle auparavant (Bos 2003, p. 31). D’après ces dessins, nous apprenons qu’à la fin du XVIIIe siècle deux tourelles terminées en pointe et contenants les escaliers encadraient le portail, dont le trumeau était encore orné par une statue de Saint Yves, alors que d’autres statues, à l’origine placées de chaque côté de la porte à l’intérieur de niches, avaient déjà disparu (Millin 1792, p. 5). Une grande fenêtre rectangulaire, surmontée par un fronton soutenu par deux pilastres toscans, avait été ouverte – sans doute dans un deuxième temps – dans la partie supérieure de la façade.

Paris, Chapelle Saint-Yves, détail de la façade avec les statues de Jean V de Bretagne et Jeanne de France. Gaignières, Paris, BnF dép. Est. et photo., RESERVE OA-14-FOL, fol. 32, 34 (© Collecta).

A la fin du XVIIe siècle, d’un côté et d’autre de l’entrée, se trouvaient les statues d’un homme (Gaignières, Paris, RESERVE OA-14-FOL, fol. 32 : Collecta), à gauche, et d’une femme (Gaignières, Paris, RESERVE OA-14-FOL, fol. 34 : Collecta), à droite. D’après les registres des comptes elles ont été taillées en 1413 (Verlet 1999, p. 406). Les deux personnages, représentés en prière et tournés vers le milieu de la façade, étaient placées dans des niches. Les érudits et la tradition orale les ont souvent identifiés avec Yves Simon, breton secrétaire du roi et sa femme (Lebeuf 1864, p. 67, qui écrit au milieu du XVIIIe siècle) ou avec Jean le Bon et Jeanne de Boulogne, son épouse (Millin 1792, p. 6, qui date les statues à l’époque de la fondation de l’église). Suivant l’avis de Rogier de Gaignières (Collecta), il nous paraît plus probable que les statues représentent Jean V de Bretagne († 1442) et Jeanne de France († 1433), son épouse, qui étaient probablement intervenus dans le complètement de l’édifice. L’identité des deux personnages, habillés avec des vêtements contemporains (on remarquera la ressemblance entre la veste de Jeanne et celles de Jeanne de Boulogne et d’Isabeau de Bavière dans la cheminée du Palais des comtes de Poitiers), est en effet confirmée par les écussons armoriés qui les accompagnaient, insérés dans les écoinçons du portail (armoiries 1, 2). L’écu de gauche (dextre), auquel est donc attribué l’emplacement le plus honorifique, portait en effet les mouchetures d’hermines des armes de Bretagne (armoirie 1), alors que celui de droite (senestre) présentait le parti Bretagne-France (armoirie 2) (Gaignières, Paris, BnF, RESERVE OA-14-FOL, fol. 32, 34) qui fut adopté par Jeanne de France, fille de Charles VI et d’Isabeau de Bavière, après son mariage (voir son sceau de 1406 : Nantes, AD, 10 Fi 292). Ce deuxième écu fut vraisemblablement gratté à la Révolution au but d’effacer toute trace de fleurs de lys, l’armoirie royale autant détestée :  la planche avec le relevé de la façade de l’église publiée en 1792 par Millin montre en effet un écu totalement vierge (pl. 5) que l’érudit immagine avoir auparavant porté les armes de France (« celui à droite étoit probablement celui de France » : Millin 1792, p. 10).

La chapelle Saint-Yves à Paris, détail. Paris, BnF, Est. Va 260h (Bos 2003, p. 30).

Le dispositif héraldique documenté par les relevés de Gaignières et de Millin avait été pourtant déjà réduit par rapport à celui qui caractérisait la façade de la chapelle depuis sa construction, au début du XVe siècle. En 1681, pour élargir la rue de Noyers, le contrefort droit de la façade avait été rétréci, provoquant des lésions au portail qui en 1697 menaçait ruine. Des travaux d’aménagement de cette partie de l’édifice s’imposèrent, conduisant également à une réfection de son ornementation (Verlet 1999, p. 406). D’après une lithographie tirée d’un dessin réalisé avant l’exécution de ces travaux (Paris, BnF Est., Va 260h ; Manesson Mallet 1702, p. 151) nous pouvons en effet constater que, à l’origine, le portail était surmonté par un gable richement orné de rinceaux travaillés vraisemblablement à jour, qui se superposait partiellement à la grande baie vitrée. Une statue de la Vierge à l’enfant était posée à son sommet (c’est donc à cette statue que les deux commanditaires adressaient leurs regards). Dans la partie supérieure du gable, les rinceaux encadraient trois écussons armoriés, disposés selon un ordre hiérarchique bien établi : les armes du roi de France (avec trois fleurs de lys) étaient au sommet du gable (armoirie 3), celles parties de France et de Bretagne à dextre (armoirie 4) et celles pleines de Bretagne à senestre (armoirie 5). Un quatrième écusson, que nous n’avons pas pu identifier, ornait le lobe supérieur du tympan de la porte (armoirie 6). Le dessin publié par Manesson Mallet n’est malheureusement pas assez détaillé pour établir avec certitude si les écus aux armes de Bretagne et de France-Bretagne accompagnaient déjà, et depuis la construction de la façade, les statues placées d’un côté et d’autre du portail (armoiries 1, 2). Il n’est pas exclu que les deux armories représentées par Gaignières et Millin provenaient en réalité du gable démonté à l’occasion des travaux réalisés à la fin du XVIIIe siècle (armoiries 4, 5) : elles auraient donc été récupérées et insérées dans les écoinçon du « nouveau portail » pour simplifier l’identification des deux commanditaires.

Saint-Yves, pierre de fondation aux armes de France (Debary 2004).

Dans le projet initial de la façade, la présence du roi de France, premier bienfaiteur de la chapelle, était donc bien plus marquée, les armes aux fleurs de lys couronnant l’apparat héraldique qui ornait le gable du portail. Le souvenir de la fondation royale de la chapelle était d’ailleurs également confié à une pierre inscrite et armoriée, enterrée sous le portail (armoirie 7). Elle fut retrouvée en 1929 lors des fouilles réalisées pour la construction de la ligne du métro (Grimault 1928, p. 96). Proche de la tourelle sud et protégée par une pierre du même format (55 x 50cm), elle reposait sur un ancien remblai (Grimault 1928, p. 99). Initialement déposée au musée Carnavalet (Grimault 1928, p. 100 ; Roques 1933, p. 276), elle est aujourd’hui conservée à la Cour d’Appel de Paris, dans le vestibule du Conseil de l’Ordre des Avocats (Debary 2004). L’inscription peinte, rappelant que « Jehan par la grace / de Dieu roy de France / a fondé ceste chapelle (et) / assis la prumierre / p(ier)re en loneur de Dieu / (et) de mons. S. Yves / en lan MCCCLII (et) secont de / son resnie (et) do(n)né g(ra)nt / masse dor à la chapelle » (Roques 1933, p. 276-277), est accompagnée, dans l’angle supérieur droit, par un écu armorié aux armes de France.

Celles-ci apparaissent sous la forme des trois fleurs de lys, dont l’usage par Jean le Bon n’est toutefois pas documenté (Dalas 1991, p. 201-209). Déjà adoptée mais de manière plus occasionnelle par les derniers Capétiens et par les premiers Valois – voir le sceau de régence de Philippe III (ibid., p. 163), les sceaux de substitutions et du conseil de Philippe VI (ibid., p. 196-197) et celui de substitution de Charles V (ibid., p. 220 ) -, l’armoirie à trois fleurs de lys fut en revanche employée de manière assez plus stable par la monarchie française à partir du règne de Charles VI. Il est par conséquent plausible que la pierre de fondation de la chapelle Saint-Yves ait été réalisée seulement au début du XVe siècle, au sein donc du chantier de construction de la façade, afin de rappeler la bienveillance de la couronne vers l’édifice et sa communauté, redoublant donc le message transmis par les armes fleurdelisées timbrant le gable (armoirie 3). De nombreuses sépultures armoriées se trouvaient à l’intérieur de l’édifice.

Auteur : Matteo Ferrari

Pour citer cet article

Matteo Ferrari, Paris, chapelle Saint-Yves, https://armma.saprat.fr/monument/paris-chapelle-saint-yves-facade/, consulté le 21/11/2024.

 

Bibliographie études

Bos, Agnès, Les églises flamboyantes de Paris, XVe-XVIe siècles, Paris, Picard, 2003.

Bouchot, Henri, Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières, t. 2, Paris  1891.

Dalas, Martine, Corpus des sceaux français du Moyen âge, 2. Les sceaux des rois et de régence, Paris 1991.

Debary, Michel, « Le culte de saint Yves à Paris », dans J. Ch. Cassard, G. Provost (dir.), Saint Yves et le Breton, Rennes 2004, p. 53-60.

Grimault, Aimé, « Fouilles pour la construction de la ligne métropolitaine n° 10, boulevard Saint-Germain – Découverte de la pierre de fondation de la chapelle Saint-Yves », Commission municipale du Vieux Paris, 3, 1928, p. 96-105.

Lebeuf, Jean, Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, t. 2, Paris 18642.

L’Œuvre Jacques de, La vie de saint Yves écrite sur le procès verbal de sa canonisation, Paris 1695.

Manesson Mallet, Allain, La géométrie pratique, t. 2, Paris, chez Anisson, 1702.

Millin,Aubin-Louis, Antiquités nationales ou recueil de monuments pour servir à l’histoire générale et particulière de l’empire françois, t. 4, Paris 1792.

Roques, Mario, « Une inscription parisienne de 1352 », Romania, 59, 1933, p. 276-277.

Verlert, Hélène, Epitaphier du Vieux Paris, t. 12, Saint-Sépulcre – Saint-Yves, Paris, Paris Musées, 1999.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Chapelle Saint-Yves, Paris. Armoirie Jean V de Bretagne (armoirie 1)

D’hermine plein.

  • Attribution : Jean V de Bretagne
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Pierre sculptée
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1401-1425
  • Dans le monument : Paris, chapelle Saint-Yves

Chapelle Saint-Yves, Paris. Armoirie Jeanne de France (armoirie 2)

Parti : au premier, d’hermine plein (Bretagne) ; au deuxième, d'(azur) semé de fleurs de lys d'(or) (France).

  • Attribution : Jeanne de France
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Pierre sculptée
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1401-1425
  • Dans le monument : Paris, chapelle Saint-Yves

Chapelle Saint-Yves, Paris. Armoirie roi de France (armoirie 3)

D'(azur), à trois fleurs de lys d'(or).

  • Attribution : Charles VI, roi ; Roi de France
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Gable
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1401-1425
  • Dans le monument : Paris, chapelle Saint-Yves

Chapelle Saint-Yves, Paris. Armoirie Jeanne de France (armoirie 4)

Mi-parti : au premier, d'(azur) à trois fleurs de lys d'(or) ; au deuxième, d’hermine plein.

  • Attribution : Jeanne de France
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Gable
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1401-1425
  • Dans le monument : Paris, chapelle Saint-Yves

Chapelle Saint-Yves, Paris. Armoirie Jean V de Bretagne (armoirie 5)

D’hermine plein.

  • Attribution : Jean V de Bretagne
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Gable
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1401-1425
  • Dans le monument : Paris, chapelle Saint-Yves

Chapelle Saint-Yves, Paris. Armoirie inconnue (armoirie 6)

Coupé : au premier échiqueté de … et de …, au deuxième de …

  • Attribution : Armoirie inconnue
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Tympan
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1401-1425
  • Dans le monument : Paris, chapelle Saint-Yves

Chapelle Saint-Yves, Paris. Armoirie roi de France (armoirie 7)

D'(azur) à trois fleurs de lys d'(or).

  • Attribution : Charles VI, roi ; Jean II le Bon, roi ; Roi de France
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Fondations
  • Support armorié : Inscription
  • Structure actuelle de conservation : Paris, Cour d'Appel
  • Technique : Peinture
  • Période : 1351-1375 ; 1376-1400 ; 1401-1425
  • Dans le monument : Paris, chapelle Saint-Yves

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