Construite au début du XIIIe siècle, la porte de la Citadelle, dite aussi de l’Horloge, surveillait l’entrée du quartier de la Citadelle, fermé sur l’extrémité opposée par l’imposante structure du château des seigneurs de Parthenay. Du coté du bourg, deux tours elliptiques flanquent le portail qui, selon une pratique largement documentée à l’époque médiévale, était probablement marqué par les armes des seigneurs de la ville. Aucune trace de l’ornementation ancienne de l’édifice n’est aujourd’hui visible, à l’exception d’une console encastrée au-dessus du cintre du portail, vraisemblablement destinée à soutenir la statue d’un saint.
Parthenay, porte de la Citadelle, cloche de 1454.
Le sommet de la tour abrite une cloche parmi les plus anciennes de la région, dont la valeur historique et artistique est renforcée par la rareté, pour la région, de son ornementation emblématique. Considérable par ses dimensions (90 cm de haut, 110 cm de diamètre à la base ; Cavaillès 2013, p. 57), la cloche est suspendue, par six anses ornées d’un relief en forme d’épines, au pavillon à quatre piliers couvert d’ardoises. Celui-ci fut réalisé en 1727 pour couvrir la partie sommitale de la tour, en remplacement d’un dôme de six piliers construit en 1637, à son tour reconstruit à la place d’un beffroi à charpente apparente à laquelle la cloche avait été jusqu’à alors assurée (Cavaillès 2013, p. 56-57 ; Ledain 1876, p. 225 ; Berthelé 1889, p. 246).
Dans la partie supérieure, le bronze présente une longue inscription disposée sur deux lignes et composée de grandes lettres gotiques ornées et fleuries réalisées par moulage. Son texte contient des informations précieuses sur son contexte de production. Comme cela est courant pour ce genre d’inscription, c’est l’objet qui parle à la première personne, en précisant la date de sa fonte et l’identité de ses commanditaires : On moys doctobre et en date / mil CCCC L IIII / me firent refaire par vray / les habitants // de Parthenay (à savoir : les habitants de Parthenay me firent refaire pour de vrai, le mois d’octobre 1454).
Puisque l’inscription atteste que la cloche fut refaite, il faut croire que l’exemplaire aujourd’hui visible fut réalisé sur le modèle (et avec le métal) d’une cloche plus ancienne qui s’était probablement cassée ou fissurée. En effet, au Moyen Âge les cloches abîmées étaient souvent fondues et reproduites à l’identique, en récupérant le bronze. Comme le déclare l’inscription, l’initiative de l’opération fut prise par les citoyens de Parthenay qui s’étaient constitués en corps de ville seulement quelques années auparavant (Fleuret 1994, p. 88-93), en s’assurant par conséquent le droit de faire réaliser une cloche, un objet officiel et strictement lié à l’exercice du pouvoir.
Cloche de 1454, détail du sceau aux contrats de Arthur de Richemont. Parthenay, porte de la Citadelle.
La fonction publique et civique de cette cloche est d’ailleurs confirmée par son ornementation. Celle-ci est formée par une série de plaquettes réalisées en relief grâce à la technique de la cire perdue et portant des images religieuses et des empreintes de sceaux. Les premières ont une valeur prophylactique, peut-être liée à la fonction du bronze. Parmi les sujets les plus communs sur ce genre d’objet, l’image de la Crucifixion apparaît sur la première ligne de l’inscription, marquant le début du texte, et sur une deuxième plaquette isolée sur le corps de la cloche. À la fin de la deuxième ligne d’écriture se trouve un médaillon avec l’image de saint Georges terrassant le dragon– saint chevalier par excellence – et un autre avec celle de saint Jean Baptiste. Ce dernier relief, aujourd’hui très abîmé, est identifié grâce à la légende qui court sur le bord du médaillon (Cavaillès 2013, p. 59).
Des images sigillaires complètent l’ornementation de la cloche (Cavaillès 2013, p. 59). Elles sont placées, de façon significative, de part et d’autre de la dernière ligne de l’inscription, formée exclusivement par le nom de la ville (de Parthenay). Les empreintes des sceaux, illisibles à cause du mauvais état de conservation du bronze, peuvent être déchiffrées grâce au relevé fait par Arthur Bouneault et d’un moulage conservé au musée municipal de Parthenay (Cavaillès 2013, p. 58, 60).
Cloche de 1454, détail du sceau de Arthur de Richemont. Parthenay, porte de la Citadelle.
Le nom de la ville est précédé par l’empreinte d’un sceau qui présente deux tours posées sur une terrasse rocheuse, auxquelles sont accrochées, sur l’une, un écusson aux armes de Arthur de Richemont (d’hermine, au lambel à trois pendants de gueules, chargés de neuf lionceaux), sur l’autre, un écusson aux armes des L’Archevêque (burelé d’argent et d’azur, à la bande de gueules brochant sur le tout) (armoiries 1, 2). Deux sangliers, devise du connétable de Richemont, sont placés à l’extérieur de chaque tour, tandis qu’un cartouche à la devise d’Arthur (« qui que le vueille ») est posée entre elles (Base Devise). L’empreinte reproduit le sceau aux contrats utilisé pour le comte de Richemont dans les années 1450-1453 (Eygun 1938, p. 303, num. 915 : s. des contrats au château du duc Arthur de Bretagne conte de Richemont et duc de Parthenay) : dans le champ est une banderole avec la devise du connétable, entre deux tours chargées à mi-hauteur de deux écussons, l’un aux armes de Richemont, l’autre à celle de Parthenay, accostées de deux sangliers. Ce sceau, que l’on peut présumer avoir été utilisé par le corps de ville local et représenter donc les commanditaires de la cloche, est répliqué de l’autre côté de l’inscription (armoiries 1, 2), après le médaillon avec saint Jean Baptiste. Ce deuxième sceau aux contrats est suivi par un dernier médaillon orné d’un écusson chargé des seuls armes de Arthur de Richemont (armoirie 3).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Parthenay, porte de la Citadelle, https://armma.saprat.fr/monument/porte-de-la-citadelle-parthenay/, consulté
le 24/11/2024.
Bibliographie études
B, Ledain, La Gâtine historique et monumentale, Paris 1876.
J. Berthelé, Recherches pour servir à l’histoire des arts en Poitou, Melle 1889.
A. Bouneault, « Le blason et l’épigraphie lapidaire en Poitou », dans La tradition en Poitou et Charentes, Paris 1897, p. 105-109.
F. Eygun, Sigillographie du Poitou jusqu’en 1515, Poitiers 1938.
L. Fleuret, La ville de Parthenay à la fin du Moyen-Age, XIVe-XVe siècles: la mise en sommeil d’une société féodale, Parthenay 1994.
M. Cavaillès, « La cloche de la Porte de la Citadelle (ou de l’Horloge) de Parthenay », dans Société historique de Parthenay et du Pays de Gâtine, 9, 2013, p. 56-62.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Parthenay, porte de la Citadelle. Armoirie Arthur de Richemont (armoirie 1)
D’hermine (Bretagne), au lambel de (gueules) à trois pendants (chargé de neuf lionceaux d’or ?).
Attribution : Bretagne, Arthur III de ; Richemont, Arthur de