Savenès, église Notre-Dame de l’Assomption

Située dans le sud-ouest du département de Tarn-et-Garonne, l’église de Savenès occupe un emplacement isolé, à quelques centaines de mètres du village, rebâti à l’endroit actuel après la destruction de l’ancien site lors de la guerre de Cent Ans. La présence d’une villa d’époque gallo-romaine à proximité de l’église témoigne d’une occupation ancienne du site, tout comme le fait que cette dernière était originairement placée sous le vocable des martyrs Vite et Modeste (Moulenq 1894, p. 324 ; Gayne 1978, p. 194). Dépendant de l’abbaye bénédictine Saint-Pierre de Lacourt, dite du Mas-Grenier (Moulenq 1894, p. 320), l’église de Savenès fut elle-aussi détruite ou très endommagée lors des conflits franco-anglais. Ce n’est qu’au deuxième quart du XVIe siècle, et plus précisément entre 1523 et 1554, qu’elle est en partie rebâtie, à l’initiative de l’abbé du Mas-Grenier Jean de Toucheboeuf et du curé de la paroisse (Moulenq 1879, p. 258 ; Montauban, AD Tarn-et-Garonne, H 298-1, fol. 7). Du décor peint réalisé à son intérieur en 1843 par les peintres italiens Francesco et Giovanni Antonio Pédoya (Gayne 1978, p. 194), seules les peintures des voûtains de la nef et du chœur sont encore visibles, ayant les murs latéraux été recouverts d’un badigeon blanc.

L’édifice en briques, inscrit au titre des Monuments Historiques depuis le 26 mars 1934 (base POP), adopte un plan assez simple : une nef unique, composée de six travées barlongues, dont la dernière est incorporée au chœur liturgique, qui se termine par une abside à trois pans coupés. L’ensemble est voûté d’ogives, qui retombent sur des pilastres chanfreinés avec des chapiteaux à double corniche. Des chapelles latérales flanquent les trois dernières travées de la nef, tandis que la première a été fermée et transformée en une sorte de vestibule. À l’extérieur, le portail occidental, surmonté d’un petit oculus, comporte un arc en tiers-point à triple voussures. Deux grandes baies aveugles, terminées par un arc « en mitre », animent la partie haute de la façade. Il s’agit certainement des vestiges d’un clocher-mur antérieur à l’actuel (en accolade avec trois baies campanaires). L’ensemble de l’église est contrebuté par de puissants contreforts.

Clé de voûte armoriée. Savenès, église Notre-Dame de l’Assomption.

Deux des clés de voûte de la nef comportent un décor sculpté armorié, hélas repeint en 1843 avec des couleurs qui paraissent fantaisistes. La première (armoirie 1), située dans la troisième travée, est ornée d’un écu avec un agneau dans le champ, surmonté d’un chef à trois étoiles. Il est porté par un ange, dont les ailes repeintes en noir sont devenues presque illisibles, lui-même entouré d’une guirlande de feuilles de laurier et de chêne. Ces armoiries ne sont pas identifiées à ce jour, mais elles pourrait appartenir au curé de la paroisse de Savenès au milieu du XVIe siècle, qui est à l’origine de la reconstruction de l’église. La seconde clé de voûte armoriée (armoirie 2), située dans la quatrième travée, présente un écu écartelé avec un bœuf en 1 et 4 et trois oiseaux entourés d’une bordure besantée en 2 et 3. Soutenue par deux lions et posée sur une crosse, cette armoirie appartient à Jean de Toucheboeuf, abbé du Mas-Grenier entre 1523 et 1554. Sa famille, originaire du Quercy, portait en effet des armoiries d’azur à deux bœufs d’or passants l’un au-dessus de l’autre (Esquieu 1907, p. 265, Jougla de Morenas 1948, p. 326), ici réduits à un seul bœuf pour une raison inconnue (il pourrait s’agir d’une brisure ou d’une variante créée par le sculpteur pour manque de place ou pour une question de visibilité).

Clé de voûte aux armes de l’abbé Jean de Toucheboeuf. Savenès, église Notre-Dame de l’Assomption.

Comme d’autres hauts prélats de l’époque (Pierre d’Amboise dans le diocèse de Poitiers, Miles d’Illiers à Luçon, Raoul Le Ségaler à Tours), qui adoptent ou intègrent dans leurs armes celles de leurs mères ou grands-mères pour en tirer prestige et distinction et notamment pour se démarquer du reste de leur fratrie, Jean de Toucheboeuf écartèle l’armoirie familiale avec celle de la famille de sa grand-mère paternelle, Marquèse de Garis (Viton de Saint-Alais 1818, t. 14, p. 201), épouse de Jean Ier (ibid., p. 199) et mère de Guy (ibid., p. 204). Même les armes des Garis, qui sont de gueules à trois geais de sable (Esquieu 1907, p. 131), présentent ici une variante, formée par une bordure chargée de besants, peut-être en signe de brisure pour une branche cadette.

Dans la dernière chapelle nord, les voûtes retombent sur quatre culots sculptés d’armoiries (armoiries 3a-d), qui comportent un chevron et trois fleurs, dans un écu aux formes typique de la Renaissance. Nous pouvons y reconnaître les armes de Michel de Vabres, conseiller au Parlement de Toulouse, mentionné dans un acte de 1540 (Moulenq 1894, p. 322, Jougla de Morenas 1948, p. 881). Elle signalait sans doute la chapelle réservée à la famille de Vabres qui avaient obtenu la seigneurie de Savenès, possédée à l’origine par la famille de Gaujac, puis par celle des Ysalguier, bourgeois de Toulouse (Moulenq, 1894, p. 322).

Auteur : Emmanuel Moureau

Bibliographie études

Gayne Pierre, Dictionnaire des paroisses du diocèse de Montauban, Montauban 1978.

Jougla de Morenas Henri, Grand armorial de France, t. 6, Paris 1948.

Moulenq François, Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, t. 1, Montauban 1879.

Moulenq François, Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, t. 4, Montauban 1894.

Viton de Saint-Alais Nicolas, Nobiliaire Universel de France ou recueil général des généalogies historiques des maisons nobles de ce royaume, t. 14, Paris 1818.

Armoiries répertoriées dans ce monument