Situé au sud de l’église, le cloître de la cathédrale Notre-Dame de Luçon est, dans son état actuel, le résultat d’une reconstruction complète dans la première moitié du XVIe siècle. Il est fermé sur trois côtés (ouest, sud et est) par une galerie voutée d’ogives surmontée d’un étage. Le côté nord est occupé par les chapelles du bras sud de la cathédrale, à laquelle deux portes donnent accès : l’une du XVe siècle au nord de l’aile occidentale, l’autre de la fin du XVIIe au nord de l’aile orientale. Dans la galerie ouest, une porte dessert un escalier menant à l’étage, et deux autres, dans la galerie est, donnent accès au palais épiscopal, dont l’une, au milieu de la galerie, est surmontée de deux anges soutenant une mitre et une crosse au centre d’un tympan flamboyant. Le palais, qui s’élève au sud et à l’est du cloître, ne conserve de l’époque médiévale qu’une seule pièce, l’ancienne salle capitulaire du XIIIe siècle, transformée en cuisine sous l’épiscopat de Richelieu au début du XVIIe siècle (le reste du palais est un mélange de constructions des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles) (Réau 2014, p. 87-102, p. 125-128). Enfin, une dernière ouverture, située à l’angle sud-ouest, mène à l’extérieur sur le parvis de la cathédrale.
L’angle nord-est du cloître constitue sa partie la plus ancienne. On y trouve la porte menant dans l’église, enveloppée par un imposant contrefort portant à son pignon les armes supposées de l’évêque Élie Martineau (1418-1424). Les galeries orientale et méridionale sont de style flamboyant et sont attribuées à Ladislas (Lancelot) du Fau, évêque en 1514-1523 (Crozet 1956, p. 53) (l’étage supérieur est cependant plus récent, ayant été reconstruit au XVIIe siècle). La galerie occidentale, qui témoigne en revanche d’une forte influence italienne, est considérée l’une des premières grandes constructions de la « Renaissance » dans le Bas-Poitou : le rez-de-chaussée est vouté d’ogives comme le reste du cloître, mais son étage est orné de losanges, de rinceaux, de spirales et de chapiteaux ioniques. Sa construction est en général attribuée à l’initiative de Milon (alias Milles) d’Illiers, évêque en 1527-1552 (ibid., p. 54), en accord donc avec le millésime 1548 visible dans une des chapelles situées au nord.
Luçon, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (cloître), portail emblématisé de la galerie ouest.
La porte donnant accès au cloître depuis l’extérieur, au sud-ouest, est de style flamboyant et surmontée d’un fronton très bulbeux, fortement restauré, au milieu duquel trône un relief héraldique refait sur la base d’un original déposé lors des restaurations des années 1850-1870 (du Tressay 1870, p. 57 ; Robuchon et al. 1892, p. 22 et pl. 9) (armoirie 1). Deux anges, visiblement art nouveau, tiennent un écu, timbré d’un chapeau cardinalice, qui porte les armes du cardinal Louis de Bourbon-Vendôme, évêque de Luçon de janvier 1524 à juin 1527, qui nous sont connues également par le biais de sceaux (Sigilla). Elles pourraient être la trace d’une commande du cardinal s’inscrivant entre les chantiers réalisés par Ladislas du Fau et Milon d’Illiers.
Dans la galerie du cloître, plus aucun des nombreux écus présents n’est lisible, même si Marie-Thérèse Réau (2014, p. 47) affirmait qu’ils étaient « buchés mais identifiables » il y a moins de quinze ans. Les descriptions fournies par les abbés de Beauregard, au XVIIIe siècle (La Roche-sur-Yon, AD, 1 G 1), et du Tressay, en 1869-1870, permettent en tout cas de restituer un visage et un nom à chaque écusson.
Luçon, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (cloître), porte extérieure aux armes du cardinal Louis de Bourbon-Vendôme.
L’écu buché surmonté d’une mitre visible dans la travée la plus occidentale de la galerie sud (armoirie 2), au-dessus de l’arcade ouvrant vers la cour du cloître, aurait ainsi porté les armes de l’évêque Ladislas du Fau (du Tressay 1869, p. 45), qui associait dans un écartelé les armes de ses parents, Jean du Fau, seigneur de Bray, et Jeanne, bâtarde du duc Charles Ier de Bourbon (Fieyre 2017, p. 254). Cette dernière n’aurait été cependant pas identifiée avec le traditionnel écartelé, aux 1 et 4 d’argent à la barre de France chargée d’une cotice en barre de gueules, aux 2 et 3 échiqueté d’or et de sable, associant une brisure des armes des Bourbon, qui lui avait été concédée par son demi-frère Pierre II de Bourbon en 1491 (Mathieu 1946, p. 119), et probablement celles de sa mère Jeanne de Souldet (Hablot 2015, p. 234). Elle était en revanche représentée par un échiqueté d’or et de sable, à la barre de France chargée d’une cotice en barre de gueules – qui fusionne donc étonnement les deux armes de l’écartelée de Jeanne en une seule armoirie, peut-être pour donner plus d’évidence au prestigieux lien familial avec les Bourbon –, écartelé (aux 2 et 3) à l’ armoirie d’argent à trois fasces de gueules, portée par les du Fau.
Luçon, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (cloître), relief jadis aux armes de l’évêque Ladislas du Fau.
La fenêtre de la troisième travée de la galerie occidentale est encadrée de deux écus : à gauche un écu bannière timbré d’une mitre et posé sur une crosse (armoirie 3a), à droite un écu en ogive (armoirie 3b). Tous les deux illisibles aujourd’hui, ils auraient porté les armes de Milon d’Illiers (du Tressay 1869, p. 66 ; Réau 2014, p. 48). L’écu bannière encadré d’une mitre et d’une crosse placé sous la fenêtre de la quatrième travée aurait été également orné des emblèmes du même évêque (armoirie 3c), qui se retrouvaient aussi dans l’escalier menant à l’étage (armoirie 3d), sur un « écu enrubanné de forme italienne » (Réau 2014, p. 50) que nous n’avons pas pu documenter. Ce sont probablement les mêmes armes qui figuraient, au-dessus de la porte de l’escalier, sur un écu bannière et sur un écu ogival placés de part et d’autre d’une crosse sur laquelle était plaquée une mitre, avec deux fanons pendant, bûchée par la suite (armoiries 3e-f). Famille orléanaise qui occupe depuis le milieu du XVe la cathèdre de Chartres, la maison d’Illiers portait une armoirie d’or à six annelets de gueules (Racines & Histoire, p. 22-24) que, d’après certains, l’évêque de Luçon aurait brisée en ajoutant trois annelets (du Tressay 1869, p. 66). L’existence de cette brisure semble toutefois contredite par l’écu bannière, accolé à une crosse, sculpté à la clé de voute de la cinquième travée de la galerie orientale. L’armoirie qui le chargeait à été bûchée, mais les traces des coups de burin, très localisées, trahissent la présence originelle des six annelets des armes pleines des Illiers (armoirie 3g). Les mêmes armes sont d’ailleurs visibles aussi dans un manuscrit ayant appartenu au même Milon (Paris, BnF, ms. Lat. 1053, f. 9 : Biblissima) et sur deux orfèvreries, conservées dans le trésor de la cathédrale de Chartres, qu’il commandita l’une entre 1515 et 1526 (base POP), l’autre avant 1540 (Le blason 2022, num. 24).
Luçon, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (cloître), clef de voûte bûchée aux armes du chapitre de la cathédrale.
Plusieurs autres clés des voûtes de la galerie présentent des écus en ogive en alternance avec des écussons en chanfrein, typiques de la Renaissance. Jadis armoriées, ils ont été tous soigneusement grattés. Dans l’angle sud-ouest se trouve un écu en chanfrein bûché, sur lequel on distingue cependant encore les queues des trois brochets posés en fasce qui caractérisent les armoiries du chapitre cathédral (armoirie 4) (Réau 2014, p. 49). Alors que le bras sud de la galerie ne porte aucune armoirie, celui ouest en compte quatre, respectivement sculptées aux clés de la première, deuxième, quatrième et sixième travée (en partant du nord). Ils ont été tous grattés et aucun détail des armoiries qu’ils pouvaient porter n’est aujourd’hui lisible (armoiries 5a-d). L’un d’entre eux est entouré d’une guirlande : un expédient peut-être introduit pour le mettre en valeur. Un dernier écu bûché orne la clé de la deuxième travée de la galerie orientale (armoirie 5e). Il était peut-être à l’origine complété par un élément en plâtre, dont la nature reste à déterminer, fixé à la clef de voûte grâce aux trous qui encore aujourd’hui l’encadrent.
Auteur : Clément Brusseau
Pour citer cet article
Clément Brusseau, Luçon, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (cloître), https://armma.saprat.fr/monument/lucon-cathedrale-notre-dame-de-lassomption-cloitre/, consulté
le 05/02/2025.
Bibliographie sources
La Roche-sur-Yon, Archives départementales de la Vendée, 1 G 1, Beauregard (abbé de), Catalogue des évêques de Luçon de 1317 à 1699.
Bibliographie études
Crozet René, « La cathédrale de Luçon », dans Congrès archéologique de France, t. 114, La Rochelle, Paris 1956, p. 41-55.
Du Tressay Georges (abbé), Histoire des moines et des évêques de Luçon, t. 2, Paris, 1869.
Fieyre Marie-Lise, Bâtards de princes. Identité, parenté et pouvoir des enfants naturels chez les Bourbon (XIVe-milieu du XVIe siècle), thèse de doctorat, dir. Didier Lett, Université Paris Diderot, 2017.
Hablot Laurent, Affinité héraldiques. Concessions, augmentations et partages d’armoiries en Europe au Moyen-Âge, mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches, garant M. Pastoureau, EPHE 2015.
Le blason des temps nouveaux. Signes, emblèmes et couleurs dans la France de la Renaissance, catalogue de l’exposition (Écouen 2022-2023), Paris 2022.
Mathieu Rémi, Le système héraldique français, Paris 1946.
Réau Marie-Thérèse, Luçon, ville épiscopale. Urbanisme, architecture et mobilier, Nantes 2014.
Robuchon Jules et al., Paysages et monuments du Poitou, t. 11, Paris 1892.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Luçon, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (cloître). Armoirie Louis de Bourbon-Vendôme (armoirie 1)
D’(azur) à trois fleurs de lis d’(or), à la cotice de (gueules) à trois lions d’(argent) brochant sur le tout.
Luçon, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (cloître). Armoirie Ladislas du Fau (armoirie 2)
(Écartelé, aux 1 et 4 échiqueté d’or et de sable, à la barre de France chargée d’une cotice de gueules en barre (Jeanne de Bourbon ?), aux 2 et 3 de gueules à trois fasces d’argent (du Fau) ?).
Attribution : Du Fau Ladislas ; Armoirie bûchée
Timbre : Une mitre ; Une crosse épiscopale/d'abbé
Position : Extérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Galerie nord ; Cloître ; Façade